mardi 12 septembre 2017

Méthodologie de la dissertation - Exemple de paragraphe rédigé


Puis-je savoir si j’aime ?

Supposons que nous ayons adopté un plan dialectique et que nous ayons rédigé une première partie défendant l’idée selon laquelle la passion amoureuse, étant nécessairement irrationnelle et inconsciente, nous ne pouvons pas savoir que nous aimons. Nous voulons maintenant lancer la seconde partie qui va défendre la thèse opposée.

« Pourtant si l’amour n’était que cette passion dans le feu de laquelle nous étions exclusivement attirés vers l’autre, aveuglément épris de lui jusqu’à n’aspirer à rien d’autre que sa proximité, sa présence, comment pourrions-nous rendre compte de la dimension d’échange qui se joue également dans ce sentiment? Nous n’imaginons pas qu’une relation amoureuse puisse durer bien longtemps si elle ne « fonctionne » qu’à sens unique. Il faut que chacun des protagonistes en retire une forme d’avantage, de bénéfice. Il existe donc une sorte de modalité implicite de « contrat » qui permet à chacun de partager l’apport qu’une vie à deux peut et doit représenter. Or un échange humain n’est pas une interaction, il suppose de la part des deux contractants une conscience de cet échange.

Nous réalisons ainsi qu’il existe bel et bien un type d’amour passionnel, fulgurant, « fatal » au sein duquel il nous est impossible d’insinuer la plus petite marge de distance, de maîtrise, de responsabilisation mais il en existe d’autres. La distinction que les philosophes grecs de l’Antiquité (notamment Platon et Aristote) avaient l’habitude d’opérer entre Eros, Philia et Agapé nous permet de clarifier cette ambiguité. Nous n’avons envisagé jusqu’à présent que cet amour assimilable pour les grecs à Eros, amour qui prend, pulsion et fascination de l’autre qu’il est difficile voire impossible de contrôler (libido). Philia désigne au contraire l’amitié, la solidarité, l’affection, une relation sollicitée notamment dans le rapport entre les citoyens d’une communauté. Comprenant leur intérêt commun, les humains liés par la philia s’apprécient, échangent et partagent leur compagnie en en retirant des bénéfices mutuels, des « arrangements » (c’est de cet amour là que le philosophe aime la sagesse : philo-sophie).  « Agapé », enfin décrit un amour universel qui n’aspire qu’à donner, qu’à se vouer à l’amour de l’humanité dans sa totalité. Il désigne alors un sentiment d’une telle gratuité qu’il n’est pas possible de le concevoir autrement qu’en tant qu’engagement volontaire, désintéressé mais concerté. Aimer, dans ce sens (Agapé) c’est prendre conscience d’une dimension universelle au sein de laquelle tout ce que nous gardons pour nous, pour notre ego est perdu. S’il est impossible, voire inutile, de savoir que j’aime au sens d’Eros, il serait impossible d’aimer sans conscience au sens de Philia (échange concerté). De même, Agapé porte en lui un désintéressement tel qu’il est strictement inconcevable sans un engagement total de l’âme, une approbation sans conditions de son être au don de soi pour ses semblables.

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