Bonne séance de travail!
Je vous propose de travailler sur les trois sujets suivants:
Sujet 1:
Puis-je dire de mon existence qu’elle ne m’engage à rien?
Sujet 2:
Peut-on se « payer de mots »?
Sujet 3:
Expliquez le texte suivant:
"Il est dans la nature même des régimes totalitaires de revendiquer un pouvoir sans bornes. Un tel pouvoir ne peut être assuré que si tous les hommes littéralement, sans exception aucune, sont dominés de façon sûre dans tous les aspects de leur vie. [...] Toute neutralité, toute amitié même, dès lors qu'elle est spontanément offerte, est, du point de vue de la domination totalitaire, aussi dangereuse que l'hostilité déclarée : car la spontanéité en tant que telle, avec son caractère imprévisible, est le plus grand de tous les obstacles à l'exercice d'une domination totale sur l'homme. [...]
Ce qui rend si ridicules et si dangereuses toute conviction et toute opinion dans la situation totalitaire, c'est que les régimes totalitaires tirent leur plus grande fierté du fait qu'ils n'en ont pas besoin, non plus que d'aucune forme de soutien humain. Les hommes, dans la mesure où ils sont plus que la réaction animale et que l'accomplissement de fonctions, sont entièrement superflus pour les régimes totalitaires. Le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont de trop. Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés de marionnettes ne présentant pas le moindre soupçon de spontanéité. Justement parce qu'il possède en lui tant de ressources, l'homme ne peut être pleinement dominé qu'à condition de devenir un spécimen de l’espèce animale homme."
Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, 1951,
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question."
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Euh Non! Au TRAVAIL! |
1) Lire attentivement les sujets (saisir le problème, mobiliser vos connaissances)
a) Sujet 1
b) Sujet 2
La difficulté de ce sujet réside dans le fait qu’il consiste à approfondir le sens d’une expression de la langue française. « Se payer de mots », c’est exprimer de belles paroles qui finalement ne visent et n’aboutissent à aucune action. On parle beaucoup mais on ne fait rien, on utilise ce que l’on pourrait appeler la virtualité de la langue, c’est-à-dire le fait qu’un mot n’est pas une chose ou une action pour demeurer en marge du réel, dans une dimension possible et floue au sein de laquelle rien ne se décide. « Se payer de mots », c’est être un « beau parleur » qui maîtrise parfaitement l’art de faire semblant: on se complaît dans l’évocation ou la simple formulation de thèses ou d’hypothèses qui jamais ne feront advenir quoi que ce soit de réel. Bref on abuse de cette dimension de la langue de pouvoir créer des « énoncés » qui restent « lettre morte ». Peut-être avez vous déjà ressenti ce sentiment devant une personne qui parle beaucoup mais qui n’agit pas, ou peu. On peut alors éprouver l’impression d’une forme d’inutilité, voire de non-sens. Raymond Queneau dans son livre : Zazie dans le métro » décrit un Perroquet appelé Laverdure qui interpelle chaque visiteur avec la formule suivante: « tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire! » C’est ça: se payer de mots.
Il va falloir que l’on réfléchisse constamment à cette expression. Se payer de mots, c’est s’en contenter de parler, « noyer le poisson », « donner le change » c’est-à-dire faire illusion, utiliser la capacité de diversion des mots pour donner l’impression qu’on est compétent alors qu’on ne l’est pas. Mais attention: se payer de mots ne signifie pas explicitement « mentir », ce n’est pas « manipuler » même si on peut tirer un certain avantage de cette capacité là. C’est plutôt rester toujours au seuil de l’action véritable, utiliser la puissance de mots pour ne jamais s’engager. C’est parler pour ne rien dire. Par conséquent la réponse négative suppose que parler fût-ce de tout et n’importe quoi dit toujours quelque chose, fût-ce à l’insu de celle ou celui qui parle. Parler est une action qui ne pourrait (si l’on répond « non ») en aucune façon être assimilée à de l’insignifiance, c’est un acte qui veut dire, même quand on ne dit rien de concret ou de décisif, quelque chose de décisif et d’important s’y « dit », en fait.
c) Sujet 3
« Toute neutralité, toute amitié même, dès lors qu'elle est spontanément offerte, est, du point de vue de la domination totalitaire, aussi dangereuse que l'hostilité déclarée : car la spontanéité en tant que telle, avec son caractère imprévisible, est le plus grand de tous les obstacles à l'exercice d'une domination totale sur l’homme. »: Hannah Arendt est la philosophe qui a le plus parlé du Totalitarisme, lequel définit un mode de domination qui exclue le politique, au sens que nous avons évoqué à plusieurs reprises dans le cours, à savoir cette prise d’initiative collective par laquelle une communauté d’hommes, par la parole et par l’action, font advenir des évènements humains dans le monde. Si la politique, c’est la liberté, le totalitarisme c’est la fin du politique. Dans ce passage, Hannah Arendt pointe la spontanéité comme la qualité proprement humaine que le totalitarisme essaie d’annihiler entièrement. Pourquoi? Parce que la spontanéité désigne la capacité à faire advenir un acte ou une pensée de soi-même comme l’indique bien l’étymologie: « sponte sua »: « de son propre mouvement ». La spontanéité humaine désigne la puissance de l’homme de faire émerger du non prévu, de l’inattendu, de l’improgrammable dans un monde naturel où ne s’effectuent que des processus, des rapports aveugles et prévisibles entre des causes et des effets. Dominer l’homme, c’est lui imposer un régime tel qu’il ne puisse plus y insinuer de la spontanéité, de la liberté.
L’indifférence, l’hostilité, la méfiance à l’égard des autres sont des processus, des modalités de rapport aux autres qui s’installent progressivement, aveuglément, inexorablement et qui s’installent si nous ne faisons rien. L’amitié est imprévisible, irrationnelle, nouvelle. Elle porte en elle quelque chose de spontané et donc d’humain.
Historiquement, tout ce texte fait légitimement penser au programme mis en oeuvre par Hitler et Philipp Bouhler appelé « Aktion T4 » (voir éventuellement l’excellent article de Wikipédia sur cette opération) qui eut pour effet d’exterminer 80000 handicapés physiques et mentaux en Allemagne de 1939 à 1941. Si un individu est considérer comme déficient et ne peut rien apporter au 3e reich, il n’est d’aucune utilité:
« Si l'Allemagne devait avoir un million d'enfants par an et se défaire des sept cent ou huit cent mille les plus faibles d'entre eux, il en résulterait peut-être finalement un accroissement général de notre force. » Adolf Hitler, 1929
Mais qu’est-ce qui définit le totalitarisme? Trois caractéristiques essentielles que l’on trouve aussi bien dans le 3e Reich que dans le livre de Georges Orwell « 1984 »
- La négation de tout individu au sein d’un ensemble comme valant davantage qu’à titre de partie d’un Tout.
- La capacité du pouvoir d’exercer sa domination non seulement dans la sphère publique mais aussi dans la vie privée du citoyen (lequel peut être dénoncé au sein même de sa famille comme un traître à sa cause)
- La mise en place d’une propagande visant à imposer un culte de la personnalité par le biais duquel toute une population est vouée à vénérer un dictateur.
Questions (j'insiste sur le fait qu'il faut répondre aux trois questions, c'est-à-dire traiter les trois sujets - la question 3 vous interroge sur le sujet que vous AURIEZ choisi (conditionnel), si vous étiez dans une épreuve type bac):
1) Pour les sujets 1 et 2
Formulez très précisément le problème posé par la question. Vers quelle contradiction l’énoncé du sujet essaie-t-il de vous orienter? Donnez un exemple de cette contradiction observable dans la vie de tous les jours et citez des références qui vous semblent utilisables pour le traitement du sujet.
2) Pour le sujet 3
a) Expliquez les deux dernières phrases du texte:
Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés de marionnettes ne présentant pas le moindre soupçon de spontanéité. Justement parce qu'il possède en lui tant de ressources, l'homme ne peut être pleinement dominé qu'à condition de devenir un spécimen de l’espèce animale homme."
b) Formulez l’idée essentielle du texte de Hannah Arendt.
3) Vous travaillerez, cette semaine les trois sujets conjointement, mais évidemment pour le bac blanc et pour le bac tout court, vous en choisirez un. Désignez le sujet que vous sélectionneriez si vous passiez cette épreuve de baccalauréat et justifiez votre choix. Evoquez, même rapidement les idées, les arguments que vous envisagez d’utiliser dans la perspective de la construction d’un plan et, pour le sujet choisi proposez en un, même minimal.
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