Cette affaire révèle quelque chose d’important sur notre rapport à l’évènement. Ce prédateur sexuel va être jugé et probablement condamné pour des agissements parfaitement inadmissibles. Pas grand chose à dire de plus. Ce n’est pas ça qui est intéressant. Cette affaire revêt une tournure un tant soit peu plus polémique et profonde quand, prenant un minimum de recul, on ne peut manquer de s’interroger sur ce qui a rendu possible la systématicité de ce type de comportement. « Tous les hommes placés au même poste n’auraient probablement pas agi comme Weinstein »….Espérons-le! Mais tous auraient pu le faire! L’industrie du cinéma Hollywoodien va sortir blanche comme neige de ce procès et quiconque manifesterait la plus petite intention de pointer des défauts de « structure », des questionnements sur des modalités de fonctionnement, de cooptation, d’arrangement, de financement se verra probablement accusé de vouloir dédouaner l’accusé de toute responsabilité. Ici comme ailleurs le cri de ralliement des imbéciles et des professionnels du jugement médiatique (pléonasme) « comprendre, c’est excuser » refera surface.
Il faut qu’on soit surpris par la nouvelle. Quoi? Un homme riche et sans charisme auquel on donne les pleins pouvoirs pour financer et choisir la distribution de films promis et produits comme des biens de grande consommation cinématographique faisait du harcèlement et du chantage sur des femmes à la plastique irréprochable? Quelle surprise!
Comment réagir sans honte à de telles pratiques? C’est très simple: boycottons ces films! N’allons pas les voir et n’achetons pas les DVD. « Ne pas avoir honte de soi »: c’est un exercice extrêmement compliqué et de plus en plus difficile, aujourd’hui. Beaucoup d’actrices n’iront probablement pas témoigner à cause de cette honte de soi. Nous, nous avons la possibilité de ne pas encourager ces pratiques en disant non à un certain type de cinéma. Ce n’est pas Weinstein le problème, ce sont les films qui rendent possible qu’il ait agi ainsi, et ici encore soyons précis, non pas les films en eux-mêmes (certains sont très bons et ne pas les voir me posera quelques cas de conscience mais moindre que celui de les voir) mais leur mode de production. Ce qu’il faudrait imposer, c’est la cessation de la relation entre le producteur et le réalisateur. Des projets de films proposés anonymement et des investisseurs qui donnent leur aval financier, sans avoir le moindre avis à donner sur le film en lui-même. Point! Cette simplicité là est peut-être trop aveuglante pour être vraiment aperçue. Que l'argent donne, à celles et ceux qui en ont, la jouissance des biens qu'elles peuvent acquérir, c'est logique, voire souhaitable mais qu'elle donne des droits, ou pire encore des droits de regard sur des œuvres ou des personnes, c'est problématique. Cela dit, on pourrait faire encore mieux: supprimer les investisseurs, rêver d'un cinéma dont les projets seraient financés par des organismes publics laissant carte blanche à des réalisateurs, se rappeler que le cinéma est un Art. Évidemment on va me parler de l'URSS, c'est-à-dire d'un des rares exemples de cinéma de propagande ayant donné naissance à des cinéastes artistes comme Eiseintein. Qui marquera l'histoire du cinéma? Weinstein?
Weinstein est un fait divers et, comme le dit Pierre Bourdieu: "le fait divers fait diversion", c'est-à-dire attire l'attention des lecteurs ou téléspectateurs pour laisser intacte la structure qui rend possible que des Harry Weinstein existent, un peu comme le traitement médiatique par certaines chaînes "d'information continue" (ou de déformation insistante) d'incidents créés dans des cités périphériques permet de détourner l'attention de l'opinion publique du vrai problème, à savoir qu' "il y a des cités périphériques".
Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ne sont jamais des problèmes de "personnes", mais de "structures". A la limite, nous pouvons traiter ces personnes comme des symptômes. La fièvre est un symptôme qui "veut dire" que l'on est atteint d'une infection. Donald Trump est un symptôme qui "veut dire" que le système électoral américain et les institutions démocratiques fédérales sont indiscutablement défaillantes. Harry Weinstein est un symptôme qui veut dire l'industrie du cinéma de grande distribution aux EU est dysfonctionnante.
Tout autre traitement de ces personnes indésirables et dommageables pour les institutions ou les organismes qu'elles décrédibilisent est tout simplement indigne, et plutôt que de stigmatiser la profession de journaliste qui est, en elle-même, incroyablement nécessaire, voire empreinte de légitimité et de noblesse, il nous revient par cette même arme du boycott de définir clairement le type de journalisme que nous voulons, à savoir un journalisme de longue et lente investigation plutôt que de traitement continu. Le traitement récent de l'affaire Thibaut de Ligonnès montre comment de faux journalistes peuvent transformer un non évènement en évènement. Ce qui nous intéresse dans le journalisme ce n'est pas de nous montrer de l'extraordinaire ni de l'infâme mais de révéler ce qui, souterrainement, rend possible l'abjection, de mettre à jour les ressorts du pouvoir quotidiennement exercé sur des victimes.
Il faut qu’on soit surpris par la nouvelle. Quoi? Un homme riche et sans charisme auquel on donne les pleins pouvoirs pour financer et choisir la distribution de films promis et produits comme des biens de grande consommation cinématographique faisait du harcèlement et du chantage sur des femmes à la plastique irréprochable? Quelle surprise!
Comment réagir sans honte à de telles pratiques? C’est très simple: boycottons ces films! N’allons pas les voir et n’achetons pas les DVD. « Ne pas avoir honte de soi »: c’est un exercice extrêmement compliqué et de plus en plus difficile, aujourd’hui. Beaucoup d’actrices n’iront probablement pas témoigner à cause de cette honte de soi. Nous, nous avons la possibilité de ne pas encourager ces pratiques en disant non à un certain type de cinéma. Ce n’est pas Weinstein le problème, ce sont les films qui rendent possible qu’il ait agi ainsi, et ici encore soyons précis, non pas les films en eux-mêmes (certains sont très bons et ne pas les voir me posera quelques cas de conscience mais moindre que celui de les voir) mais leur mode de production. Ce qu’il faudrait imposer, c’est la cessation de la relation entre le producteur et le réalisateur. Des projets de films proposés anonymement et des investisseurs qui donnent leur aval financier, sans avoir le moindre avis à donner sur le film en lui-même. Point! Cette simplicité là est peut-être trop aveuglante pour être vraiment aperçue. Que l'argent donne, à celles et ceux qui en ont, la jouissance des biens qu'elles peuvent acquérir, c'est logique, voire souhaitable mais qu'elle donne des droits, ou pire encore des droits de regard sur des œuvres ou des personnes, c'est problématique. Cela dit, on pourrait faire encore mieux: supprimer les investisseurs, rêver d'un cinéma dont les projets seraient financés par des organismes publics laissant carte blanche à des réalisateurs, se rappeler que le cinéma est un Art. Évidemment on va me parler de l'URSS, c'est-à-dire d'un des rares exemples de cinéma de propagande ayant donné naissance à des cinéastes artistes comme Eiseintein. Qui marquera l'histoire du cinéma? Weinstein?
Weinstein est un fait divers et, comme le dit Pierre Bourdieu: "le fait divers fait diversion", c'est-à-dire attire l'attention des lecteurs ou téléspectateurs pour laisser intacte la structure qui rend possible que des Harry Weinstein existent, un peu comme le traitement médiatique par certaines chaînes "d'information continue" (ou de déformation insistante) d'incidents créés dans des cités périphériques permet de détourner l'attention de l'opinion publique du vrai problème, à savoir qu' "il y a des cités périphériques".
Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ne sont jamais des problèmes de "personnes", mais de "structures". A la limite, nous pouvons traiter ces personnes comme des symptômes. La fièvre est un symptôme qui "veut dire" que l'on est atteint d'une infection. Donald Trump est un symptôme qui "veut dire" que le système électoral américain et les institutions démocratiques fédérales sont indiscutablement défaillantes. Harry Weinstein est un symptôme qui veut dire l'industrie du cinéma de grande distribution aux EU est dysfonctionnante.
Tout autre traitement de ces personnes indésirables et dommageables pour les institutions ou les organismes qu'elles décrédibilisent est tout simplement indigne, et plutôt que de stigmatiser la profession de journaliste qui est, en elle-même, incroyablement nécessaire, voire empreinte de légitimité et de noblesse, il nous revient par cette même arme du boycott de définir clairement le type de journalisme que nous voulons, à savoir un journalisme de longue et lente investigation plutôt que de traitement continu. Le traitement récent de l'affaire Thibaut de Ligonnès montre comment de faux journalistes peuvent transformer un non évènement en évènement. Ce qui nous intéresse dans le journalisme ce n'est pas de nous montrer de l'extraordinaire ni de l'infâme mais de révéler ce qui, souterrainement, rend possible l'abjection, de mettre à jour les ressorts du pouvoir quotidiennement exercé sur des victimes.
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