1) L’effet de contrainte (Vérité formelle/ Vérité matérielle/ Vérité intuitive)
Quand disons-nous la vérité? Quand l’énoncé de notre affirmation correspond à son contenu réel, c’est-à-dire quand je dis effectivement « ce qui est », quand mon propos ou mon discours est quasiment dicté par une pesanteur effective que l’on pourrait qualifier de « poids du réel ». On dit la vérité quand on ne dit pas n’importe quoi mais qu’il existe un effet de contrainte soit du réel soit du raisonnement. On peut ainsi distinguer la vérité formelle et la vérité matérielle.
- La vérité formelle réside dans la validité purement logique d’un raisonnement: si a est en relation avec b et si b est en relation avec c, alors a est en relation avec c. La validité de la vérité formelle vient précisément de ceci qu’elle ne concerne pas des éléments soumis aux aléas du monde ou des circonstances.
- La vérité matérielle est, elle, au contraire, relative à des contenus, à des situations. La vérité formelle consiste donc dans une forme de cohérence propre à un type de raisonnement logique ou mathématique et dans lequel on constate sans aucun doute possible que les conclusions sont conformes aux prémices, c’est-à-dire aux principes d’une démonstration. La vérité matérielle est celle que l’on peut assigner à une proposition qui est conforme à un état de fait. Dans les deux cas on vise une transparence mais ce n’est pas la même: autant dans la première c’’est la transparence d’un raisonnement à lui-même, un principe de cohérence propre à une modalité de raisonnement pure, autant dans la seconde (matérielle) c’est la transparence d’un discours par rapport à un fait.
Concernant la vérité matérielle, la théorie de la relativité linguistique joue également « les trouble-fête » car la question se pose de savoir dans quelle mesure une personne peut s’extraire des catégories de classement imposées par sa langue maternelle pour saisir les données brutes d’une perception « réelle ».
Nous voilà avertis, dés l’abord, de l’extrême complexité de cette question: il existe un rapport premier et fondamental entre toute proposition prétendant ou aspirant à la vérité et une « extériorité », un effet de contrainte produit par la pesanteur d’un « fait », ou d’un raisonnement indubitable, évident, posé ou imposé. En un sens, jamais nous ne sommes davantage convaincus de dire la vérité que lorsque nous ne faisons qu’exprimer une évidence, une réalité pure ou une conclusion irrécusable parce que rigoureusement déduite de principes avérés. Nous ne disons jamais ce que « nous pensons », au sens de « pensée d’opinion », d’avis personnel quand nous disons la vérité. Toute personne commençant son discours par « voilà mon opinion » ou « voilà ce que je pense » se situe d’emblée ailleurs que sur le terrain du vrai. Y-a-t-il une légitimité à donner son opinion du point de vue de la vérité? Aucune.
On pourrait résumer cette première approche en affirmant qu’on ne dit jamais la vérité quand on dit ce que l’on pense mais au contraire quand on dit « ce que l’on ne peut pas ne pas penser ». Par conséquent, jamais nous ne sommes davantage susceptibles de dire quelque chose de faux que lorsque nous cessons de nous rendre attentifs à cette « extériorité ». On dit la vérité quand on dit ce qui s’impose de soi-même, ce qui manifeste une forme d’auto-suffisance d'une réalité ou d'une pensée devant laquelle nos sens ou notre faculté de raisonnement « s’inclinent ».
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