Les découvertes
scientifiques n’ont jamais été aussi nombreuses, ni aussi rapides que durant
ces derniers siècles. De plus en plus d’innovations technologiques sont mises
au point chaque jour et la science semble n’avoir jamais provoqué autant
d’engouement que ces dernières années. La science a évolué avec son temps mais
l’homme s’est toujours interrogé sur ses origines. C’est ainsi que sont nées la
mythologie et la religion mais l’homme a aussi essayé de comprendre comment
l’univers fonctionne, quels sont les rouages des mécanismes naturels qui nous
entourent. C’est de cette façon qu’ils se sont intéressés à l’espace. Ils ont
d’abord relié les étoiles entre elles pour former les constellations puis, plus
tard, ils ont mis au point un moyen de
s’y rendre. De nos jours encore, l’espace et l’inconnu fascinent des personnes
de tout âge qui rejoignent des clubs d’astronomie pour observer les étoiles,
les planètes et les nébuleuses. L’être humain a toujours été curieux à propos
du monde qui ‘entoure et c’est comme ça qu’il inventa la science. Mais en
fait-il aussi pour être heureux ?
Il importe de préciser
quelques éléments à propos du bonheur. En effet d’après Blaise Pascal, le
bonheur est question de temporalité. La question ne serait pas celle de savoir
comment y accéder mais plutôt celle de savoir quand. Selon lui, le passé et le
présent ne nous serve qu’à envisager le futur or le bonheur se situe dans le
présent, il n’est accessible qu’à celui qui vit au présent. Nous utilisons le
passé et le présent pour regarder le futur et y chercher le bonheur ce qui est
vain étant donné que le futur est inaccessible puisque lorsqu’il nous tend la
main, il n’edst plus futur mais présent qui déjà devient passé, et nous
continuons à regarder au loin inconscient du fait que ce que l’on cherche, ce
que l’on désire est juste là, devant nous, maintenant. C ‘est pour cela
que l’on ne peut pas connaître le bonheur. Ainsi l’aspiration au bonheur revêt
les aspects du désir caractérisé par trois paramètres. Tout d’abord le désir
est défini par le refus du temps, c’est le concept énoncé par Blaise Pascal et
l’inaccessibilité au bonheur. Le désir instaure un champ à l’intérieur duquel
la temporalité n’existe pas. Comme dans un champ de pesanteur où celle-ci
serait très faible, on se retrouve alors à flotter dans le champ du désir
gravitant autour de ce qui nous semble être la source du désir sans pour autant
chercher à l’atteindre. Ce qui amène un deuxième et un troisième paramètre,
soit l’absence de conclusion ainsi que la non-dualité Sujet / Objet. L’absence
de conclusion s’explique par l’impossibilité d’atteindre la source du désir qui
est floue, vague, elle n’est pas définie ce qui entraîne la non dualité sujet /
objet car lorsqu’on atteint la source
présumée, on comprend que ce n’est pas elle. La source du désir est impossible
à cerner, ce qui fait disparaître l’objet du désir, mais également le sujet car
la personne qui croit désirer est plus le pantin du désir que l’acteur d’une
volonté. La science est synonyme de rigueur alors que le désir, le bonheur
représente la candeur. On peut donc se demander si le monde froid de la rigueur
scientifique est étanche à la chaleur du bonheur et de l’innocence, si la
frontière entre les deux mondes est si épaisse qu’elle empêche tout transfert
de l’un à l’autre rendant ainsi l’univers de la science complètement isolé.
La définition de la
démarche scientifique a évolué avec son temps, nous allons donc soumettre les
différentes évolutions de la science aux paramètres du désir afin d’effectuer
le rapprochement ou non à l’aspiration au bonheur. Nous allons donc commencer
par questionner celui que l’on considère comme l’un des premiers scientifiques :
Aristote. Il a complètement défini la vision de la science mais également sa
vision a prévalu jusqu’à la fin du moyen-âge, pendant la période dite de la
scolastique. La vision qu’Aristote a de l’univers se conformant bien avec les
idées religieuses de l’époque. Il fut considéré comme référence absolue pour la
communauté. Mais à quoi correspond exactement la science classique
d’Aristote ? le chercheur est « passif ». Il établit des lois,
des théories sur le fonctionnement de l’univers d’après ses observations. Il ne
s’agit pas ici de tester les différentes théories par l’expérience, mais plutôt
à partir d’un constat établir une idée générale permettant la compréhension du
constat. Il s’agit pour le scientifique d’être totalement objectif pour ne pas
interférer sur la nature qu’il observe.
Dans sa quête de
neutralité, le scientifique se soustrait même du plan de l’objet impliquant
ainsi une non-dualité sujet/objet car il n’existe alors plus qu’un objet, la nature, le
scientifique étant totalement absent de tout rapport à celle-ci. Il l’observe
seulement de loin. Cet argument pencherait en faveur de l’inscription de
l’aspiration au bonheur dans la science classique si seulement il n’y avait pas
de conclusions aussi fermes que celles engrangées par la science classique car
le scientifique formule une loi, une théorie qui n’est alors ni testée, ni
remise en cause. La conclusion à la
démarche scientifique est alors cinglante.
Il n’y a pas non plus de
refus du temps dans la science d’Aristote car il n’est nullement question de
graviter dans un champ d’euphorie sinon d’observer le plus rigoureusement
possible les mécanismes de l’Univers pour en comprendre chaque détail. La
science classique semble alors impartiale et froide, ne laissant aucune place
au bonheur ou à la quête de celui-ci puisque elle suggère un désintéressement
total de la part du scientifique comme lorsqu’il effectuait une démarche
scientifique. Le scientifique cessait d’être un homme pour n’être qu’un
observateur.
Pourtant le scientifique
Archimède ayant vécu un peu plus tard serait celui qui s’est écrié
« Euréka » alors qu’il prenait son bain comprenant les mécaniques des
densités qui a donné son nom à la poussée d’Archimède. Aujourd’hui « eurêka »
est synonyme d’euphorie probablement en référence à la joie d’Archimède
lorsqu’il découvrit la poussée à laquelle il a donné son nom d’après la
légende. Si l’aboutissement de la démarche scientifique d’Archimède fut la joie
et le bonheur alors un des buts de sa démarche n’était-il pas le bonheur ?
Plusieurs siècles après une
longue période appelée scolastique et où Aristote demeurait la référence
« indéboulonnable » et ses théories universelles, des scientifiques
et des philosophes viennent bousculer le bien-fondé pour établir une nouvelle
vision de la Science et du scientifique. D’abord avec Galilée qui remet en
question le géocentrisme et la chute des corps. Evidemment personne ne le croit
mais il a recours à un procédé inédit : l’expérimentation. Face à
l’inquisition, il démontre expérimentalement d’une manière très simple que deux
corps de masses différentes tombent à la même vitesse s’ils sont lâchés au même
moment et que la vitesse de la chute n’est pas proportionnelle à la masse de
l’objet. Cette démarche plutôt simple visant à recréer une situation où la
nature répond exactement à la question qu’on lui pose en imposant des
conditions d’expérimentation et une hypothèse à vérifier va définir la méthode
scientifique d’une nouvelle période, la science moderne comme Kant et, plus
tard, Karl Popper.
Kant défend exactement
l’idée dans laquelle le scientifique engage alors un jeu de questions /
réponses avec la nature. Comme dans un tribunal, le scientifique interroge la
nature qui peut valider son hypothèse en apportant les preuves ou, au contraire
la réfuter. Afin de procéder à cet échange le scientifique crée un protocole
expérimental permettant de tester son hypothèse.
Dans ce sens là, la dualité
sujet / objet est évidente, le sujet est le scientifique et son objet est
la nature, dans la science moderne, il y a réellement interaction entre le
scientifique et la nature. Il ne paraît pas non plus y avoir de refus du temps
dans la science moderne puisque l’expérimentation du scientifique se déroule
dans un cadre bien calibré lui permettant de tester seulement ce qu’il veut
tester et non ce qu’il désire.
Pourtant là où la frontière est plus perméable se trouve dans l’absence de
conclusions. En effet, pour Karl Popper une thèse ne peut être absolument vraie
mais corroborée. Pour cela, elle ne doit pas simplement avoir été validée une
fois par l’expérimentation. Car comme en mathématique, un exemple ne prouve
rien, il existe un argument permettant non pas de corroborer une thèse mais de
la réfuter car il suffit d’un seul contre-exemple pour réfuter une thèse. Or
selon Karl Popper, une thèse devient vraisemblable à partir du moment où elle a
réchappé à toutes les précédentes tentatives de réfutation. Elle n’est pas pour
autant validée mais corroborée, elle est alors plausible. La science
Poppérienne semble d’une extrême rigueur et d’une froideur empêchant tout
bonheur. Pourtant, c’est peut-être dans le froid Popperien que s’épanouit la
fleur du désir, du bonheur. Car cette
vision laisse entrevoir une brèche au désir que l’on pourrait qualifier
d’absence de conclusion. C’est justement parce que la démarche du scientifique
ne s’interrompt jamais réellement puisque il se situe dans la remise en
question constante alors c’est là la lueur du désir qui apparaît. Après tout on
peut sans peine imaginer la joie et la fierté du scientifique dont la théorie
survit aux tentatives de réfutation. La joie de Galilée lorsque il découvrit
que la terre n’était pas au centre de l’univers et que la terre tournait autour
du soleil, la joie de Carl Sheele lorsqu’il comprit que l’air n’était pas un
corps pur mais un mélange d’au moins deux gaz et que seul l’un d’entre eux
était combustible. Le bonheur peut se trouver dans le dépassement de soi et
l’accomplissement et la réalisation d’une théorie scientifique peut en faire
partie. De là à dire que le bonheur est la motivation de toute science, rien
n’est plus incertain.
Penchons-nous maintenant
sur l’époque actuelle où les sciences et la technologie occupent une part très
importante de la société. Tandis que la science sert les industries afin de
construire des innovations toujours plus bluffantes et performantes pour
améliorer nos conditions de vie ou réaliser plus de profit. Lorsque les
physiciens se sont plongés dans l’étude de l’infiniment petit grâce à des
accélérateurs de particules, ils ont ouvert les portes d’une science nouvelle
qu’est la physique quantique. Lorsque l’on pense à la physique quantique pour
la plupart des personnes cela renvoie à une science théorique et compliquée. Et
pourtant elle est présente dans notre quotidien sous bien des aspects. Nos
ordinateurs utilisent la mécanique quantique, les ingénieurs afinde concevoir
des processeurs toujours plus petits et puissants font appel à un procédé de
miniaturisation complexe utilisant la mécanqieu quantique et la capacité d’un
électron d’être potentiellement à deux endroits à la fois. La mécanique
quantique est également utilisée dans le fonctionnement des disques durs qui se
basent sur le principe de magnétorésistance géante et sur le spin de
l’électron. Une alternance de champs magnétiques permet ou non aux électrons
spin up de passer provoquant une
alternance de la résistance électrique et une alternance binaire en 0 et 1.
Même notre cerveau suivrait des lois quantiques. La physique quantique n’est
donc pas seulement un ramassis d’hypothèses saugrenues mais bien de théories
spectaculaires et difficiles à cerner ouvrant la voie à un potentiel de
développement infini.
De nombreuses expériences
par leur caractère contradictoire et incompréhensible ont mis en évidence des
phénomènes quantiques comme l’expérience des fentes de Young qui visait à
déterminer la nature de la lumière, ondes ou particules. Dans le cas d’une
onde, la double diffraction entraînée par les fentes provoque des figures
d’interférences. L’expérience a été menée en propulsant des électrons à
l’aide d’un canon à électron. Or même en projetant les électrons un à un, on
observait une figure d’interférences, pourtant l’électron ne pouvait pas
interférer avec lui-même à part s’il passait par les deux fentes à la fois. Or
lorsque l’on met un instrument de mesure prés des fentes pour déterminer celle
par laquelle il est passé, la figure d’interférence disparaît.
Cette expérience a engendré
l’incompréhension de plusieurs spécialistes mais la réalité est là, le point de
vue modifie le résultat. Les résultats dépendent de ce que l’on mesure. Pour la
première fois, la nature ne répond pas à une hypothèse en la validant ou non
mais s’adapte même à l’expérience pour montrer autre chose. Finalement il
existait une infinité de trajectoires possibles or la mise en place d’un
appareil d’observation a éliminé ces possibilités détruisant les figures
d’interférence. L’observation sélectionne que phénomène macroscopique sera
retenu.
Nous pouvons étendre la
mécanique quantique à la théorie des mondes multiples d’Hugh Everett selon
laquelle à chaque instant se produit une infinité de mondes. En effet comme
lors de l’expérience des fentes l’électron a la possibilité de passer par A,
par b, peut-être par les deux et notre observation sélectionne une possibilité.
Dans la théorie des mondes multiples chaque choix, à chaque instant toutes les
particules possèdent une infinité de possibilités de déplacement de choix et le
fait de vivre, de faie tel choix sélectionne une possibilité parmi toutes les
autres, ce qui ne signifie pas qu’elles sont anéanties mais plutôt qu’elles se
dissimulent à notre regard, à ce monde là. Comme les figures d’interférence qui
disparaissent lorsque l’on observe la trajectoire, l’ensemble disparaît lorsque
l’on en regarde un seul. Les autres mondes disparaissent de notre perception
même la plus fine car le fait de percevoir est ce qui les dissimule.
Dans la mécanique quantique
les trois paramètres du désir sont réunis car la mécanique quantique fait
disparaître toute notion et tout cadre. Comme le temps et la notion de sujet et
d’objet, il ne persiste qu’une suite d’évènements totalement imprévisibles, ce
qui donne à la mécanique quantique toute sa complexité. Avec la mécanqiue
quantique, la science rejette définitivement tout idéal de vérité universelle,
qu’il serait absurde et impossible à atteindre. La science se place alors dans
un idéal d’élégance plus que de vérité. Les théories scientifiques donnent
envie de croire qu’effectivement il existe une infinité de mondes, de
dimensions, de trous de ver pour voyager à l’autre bout de l’univers. Les
théories et les sujets d’étude deviennent de plus en plus variés et complexes
mais surtout il ne s’agit plus de démontrer des choses lambda dont personne ne
se préoccupe mais d’étudier des phénomènes qui font rêver et qui ouvrent les
portes du fantasme.
Pour conclure, les avancées
de la science ne penchent-elles pas de plus en plus vers la Science-Fiction
pour délaisser la science dite traditionnelle ? Au final ne peut-on pas voir
la science fiction comme l’anticipation de la science de la même façon que la
météorologie prévoit le climat, la science fiction prévoirait la science. Après
tout, certaines technologies d’aujourd’hui ont d’abord été anticipées sous la
forme d’inventions de la science fiction. Elle pourrait ainsi apparaître comme
un idéal de la science dans la direction quantique, dans l’abandon de l’idéal
absurde de vérité universelle. La science fiction n’aurait pas la prétention de
dire la vérité mais de tendre vers l’élégance et par conséquent vers une forme
de bonheur. Car la science fiction représente le désir et le fantasme de
pouvoir embrasser une ère nouvelle, comme le voyage temporel ou les voitures
volantes. Longtemps objets de pure fiction, ils engendrent alors un désir
profond de découvrir de nouvelles choses qui nous sont inconnues faisant appel
à notre soif de savoir et de curiosité. En renonçant à l’idéal de vérité la
science fiction peut-elle apparaître comme rigoureusement
« scientifique » ?
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