Il convient ici de revenir sur un passage à la fois difficile et déterminant du cours, à savoir le lien entre la superposition de deux états onde/corpuscule, le rapport que cela induit avec l’observation ou la mesure scientifique et la possibilité des univers multiples qui ne constitue en fait que l’une des interprétations possibles des conséquences de ce que manifestent plusieurs expériences: un photon (ou un électron) détecté se comporte comme un corpuscule, non détecté comme une onde (de probabilité). C’est vraiment un atout que d’être capable d’évoquer cette dualité dans tout travail philosophique portant sur la vérité. On peut, sans doute aucun, soutenir que quelque chose de ces expériences de physique quantique donne raison à Nietzsche quand il affirme: « il n’y a pas de faits, il n’y a que des interprétations. » Le poids de l’interprétation dans la physique et la thèse selon laquelle il est plus question en science d’interprétation que d’explication sont ici clairement posés.
Les développements présentés par David Louapre, Docteur en Physique, sont vraiment clairs et décisifs dans cette compréhension. Nous nous contenterons donc ici de reprendre sa vidéo et d’essayer de la rendre accessible (plus encore qu’elle ne l’est par elle-même) à chacune et à chacun.
Quelle est exactement la nature de la lumière? Est-elle faite de corpuscules, c’est-à-dire de petits points lumineux, les photons, ou bien d’ondes, comme des vagues? Newton pensait qu’elle était corpusculaire. Huygens d’ondes. L’expérience de Young faite en 1801 prouve qu’elle est constituée d’ondes et par conséquent que Huygens a raison. Mais Einstein plus tard prouvera qu’en certaines occasions la lumière se comporte comme si elle était composée de photons. L’expérience des fentes de Young finalement n’a pas tranché cette question dont il faut souligner qu’elle porte sur la nature d’une force, la lumière, sur sa matière, sur ce dont elle est faite. C’est quand même cela le fond de cette histoire, la question de ce que l’on appelle la quiddité, en philosophie: qu’est-ce que c’est: de la lumière? Avoir à répondre que ça dépend de la façon dont on la détecte est quand même assez surprenant, comme si une réalité n’était pas indépendante de la façon dont on essaie de la faire surgir, apparaître. Pour rendre compte de l’anomalie de ce que l’on est en train de mettre à jour, on pourrait imaginer un chasseur qui saurait qu’il y a en tel endroit UN animal, un seul et qui disposerait un piège pour attraper ce seul animal. Envisagez la possibilité qu’on lui dise que s’il met un piège à lapin il attrapera un lapin et s’il met un piège à sangliers il attrapera un sanglier. Il répondra qu’un lapin n’est pas un sanglier et que le gibier ne change pas de nature en fonction du piège. Eh bien là si!
L’exemple choisi par David Louapre de la maïzena et l’eau est évidement très intéressant. Un certain dosage permet d’obtenir une substance liquide mais aussi modelable comme de la pâte. Qu’est-ce la maïzena? Ce qu’on en fait. La relativité de la nature d’une matière aux modalités de sa captation, ou de la façon dont la fait venir activement à la réalité: c’est ça que la physique quantique, entre autres choses, bouleverse. Le physicien Niels Bohr a appelé cette caractéristique très déstabilisante la complémentarité, à savoir que les propriétés des objets quantiques ne se manifeste qu’au gré des expériences, selon les modalités de ces expériences.
La maïzena est-elle liquide? Oui si vous l’utilisez comme liquide. Est-celle solide? Oui si vous la voyez et manipulez comme un solide.
Mais il faut approfondir ce phénomène: on envoie un faisceau de lumière contre une plaque avec deux trous: le faisceau se divise. Mais de quoi est fait ce faisceau divisé? Si les deux rayons sont de distance égale, alors les ondes s’ajoutent de telle sorte que le choc sera plus intense avec la plaque. On aura un signal. Si les deux faisceaux sont décalés, alors le haut d’une onde interférera avec le bas de l’autre et il n’y aura rien. Apparaîtront alors des raies sur l’écran capteur (modèle d'interférences). C’est ce que l’on appelle des franges d’interférence. Pour bien comprendre à quel point l’expérience des fentes de Young prouve la nature ondulatoire de la lumière, on peut boucher l’un des fentes. Il n’y a plus qu’un seul train d’ondes et la tâche est uniforme. Il n’y a pas de franges. Si la lumière était corpusculaire, l’écran serait touché en un seul endroit.
David Louapre cite alors une autre expérience qui finalement reprend exactement les éléments mis à jour par l’expérience des fentes de Young mais avec un appareillage qui semble plus complexe. En réalité cette complexification va au contraire rendre possibles des observations plus nettes encore (et encore plus déstabilisantes). On envoie un faisceau laser contre une plaque semi-réfléchissante. Le rayon traversera à 50% la plaque et sera renvoyé par elle à 50%. Il se diffractera donc en deux rayons. Si l’on place deux miroirs (entièrement réfléchissants, contrairement à la première plaque) on peut les amener à se recroiser par la position d’une seconde plaque semi-réfléchissante. Si l’on installe des détecteurs juste après cette seconde plaque, on captera des signaux lumineux. Pourquoi? Parce que la lumière étant ondulatoire, et le trajet parcouru par le rayon égal, les interférences sont constructives. C’est la même chose que les endroits du capteur dans lesquels il y a une tâche sombre. Si par contre on rallonge l’un des trajets diffractés, c’est exactement comme les endroits où le sommet de l’onde touche le bas de l’autre onde et l’onde s’annule. Il n’y aura donc pas de signal.
En 1980, cette expérience est relancée parce qu’on est capable d’envoyer des photons uniques. La notion même de photon présuppose une nature corpusculaire. Un photon est un point lumineux que l’on peut envoyer séparément. Lorsque un photon est projeté contre une plaque semi réfléchissante, on passe à un autre régime d’enregistrement, ou d'effectuation qui est celui de l’alternative. Le photon ne passe pas à 50% à travers la lame ET à 50% diffracté, il est l’un OU l’autre. Le 50/50 se manifeste par l'alternative et non par la superposition. Ce point est crucial. Si la lumière est corpusculaire et donc composée de photosn, elle passe par A OU par B. Si elle est ondulatoire elle passe par les deux. La lame semi réfléchissante joue le même rôle que les fentes de Young.
Il ne peut absolument pas se produire d’interférences si la lumière est composée de photons corpusculaires, puisque la lumière passera soit à travers la plaque, soit sera réfléchie. Avec la source de photons uniques, nous n’avons pas affaire à des ondes, du moins tant que l’on se contente de les envoyer contre une plaque semi réfléchissante. Par contre, si l’on fait parcourir aux photons envoyés un par un tout le trajet de l’interféromètre de Mach-Zehnder avec les boucles plus ou moins grandes de façon à créer le même décalage créant des ondes destructives et constructives, on va se rendre compte que le schéma d’interférences se dessine à nouveau, ce qui est surprenant puisqu’on a envoyé des photons et qu’on les a envoyés un à un. C’est comme si le photon dont a vu qu’il passait soit à travers la plaque soit était diffracté par elle passait en réalité par les deux, comme une onde. L’interféromètre fait, comme son nom l’indique pour détecter des interférences les perçoit effectivement alors même que ce que l’on a envoyé est un corpuscule, un photon. Le photon se « plie » aux conditions d’apparition et de mesure qu’on lui impose, comme si sa nature dépendait de ce qu’on attend qu’elle soit.
Résumons: les photons envoyés un à un passent la première plaque, comme des corpuscules en étant soit diffractés, soit en se prolongeant à travers la première plaque. Mais après, on crée la boucle sur l’un des trajets, ce qui ne devrait en rien impacter l’autre trajet puisque il ne devrait y en avoir qu’un seul et pourtant le même phénomène d’interférence se produit, manifestant clairement qu’ « il », le photon s’est divisé…alors que non. Comment ce qui a été envoyé en tant que corpuscule peut-il réagir comme une onde à un instrument de mesure formaté pour détecter en lui l’onde??? On envoie une certain réalité dans un instrument de capture conçu pour une autre nature que celle qu’il est, et voilà qu’il se comporte comme s’il était aussi cette réalité « attendue ».
La notion de « perspectivisme Nietzschéen » est parfaitement illustrée par une telle observation. C’est comme si la réalité n’était que les conditions d’apparition, de manifestation qu’on lui impose. Alors que la plupart des expérimentateurs partent du principe que l’expérience teste une réalité qui préexiste à l’expérience, l’interféromètre de Mach Zehnder fait apparaître une nature de la lumière qui se module entièrement selon ce que l’on attend qu’elle soit. C’est bien la notion de complémentarité des objets quantiques (infiniment petits) que l’on retrouve ici, telle qu’elle fut formulé par Niels Bohr. C’est comme la maïzena qui finalement nous « dit »: je suis liquide si tu me vois comme liquide et solide si tu me touches comme un solide. Je ne suis rien avant de me manifester et je me manifeste au gré des propriétés que tu m’affectes.
Mais quel rapport peut-on établir entre ces expériences et les univers multiples? Celui:ci: il y a superposition des deux états: corpusculaire et ondulatoire. La détermination des modalités de capture de l’un ou de l’autre détermine la réalité de l’un ou de l’autre. Si l’on s’attend à ce qu’une réalité soit corpusculaire, elle l’est, ou le devient et inversement. Le chat de schrodinger ne fait que modéliser autrement cette vérité là, parce que c’en est une. Lorsque le photon a franchi la première plaque (Trajet A ou Trajet B) et que la seconde plaque est finalement installée, le photon va se comporter comme une onde et donner lieu à des interférences. Mais supposons que la seconde plaque ne soit pas installée, alors l’instrument de capture nous donnera à interpréter le photon comme se comportant ainsi qu’un corpuscule. Il aura donc choisi un trajet (A ou B) mais que comment éviter de penser qu’il existe quand même ici une réalité ondulatoire non mesurable ici puisque ce qui sera mesuré c’est le photon corpusculaire imposant donc de penser qu’il est une réalité alternative où le photon a suivi l’autre trajet? Le photon se comporte comme un corpuscule si l'on s’attend à ce qu’il en soit un, comme une one si l’on s’attend à ce qu’il en soit une. C’est la modalité de perception qui semble en décider, y compris rétroactivement (miraculeusement), mais alors l’expérience à choix retardé de John Wheeler ne nous aurait-elle pas mis en présence de la ligne la plus affûtée qui puisse être de partage entre des mondes? Mais quand? Lorsque le générateur quantique de nombre aléatoire décide de ne pas installer la seconde plaque, alors le photon passe nécessairement par A ou par B. Mais comment peut-il le faire puisque ce choix au moment où il se produit n’a pas encore été arrêté par le générateur? C’est impossible et pourtant il a choisi la voie B. L’idée d’un univers multiple consiste ici à expliquer l’impossibilité dans une temporalité de succession que le photon ait pu choisir B dans une situation où pourtant ce choix ne s’impose pas encore en tant que choix par le décalage avec une réalité alternative dans laquelle il suit la voie A. Il faut bien qu’il soit une onde avant d’être interpellé à choisir en tant que corpuscule. Il faut bien qu’il suive un trajet possible en tant qu’onde avant d’être sommé d’en choisir un en tant que corpuscule. Cela veut dire que le mécanisme de détection qui le force à être un corpuscule impose aussi la distinction, de partage avec un autre univers dans lequel le corpuscule qu’on l’a sommé d’être dans ce monde va choisir « dans un autre », l’autre trajet.
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