Ce soir nous fêtons l’anniversaire de l’un de mes amis du lycée. En sortant du travail Je retrouve un groupe d’ami devant un bar pour lui faire la surprise. Nous avons profité de la fin de semaine pour organiser une soirée à Paul, mon ami dont c’est l’anniversaire. Il arrive finalement au bar, arborant un large sourire. Nous prenons place à une table dans le fond du bar et nous commandons des boissons. Les rires ne tardent pas à se faire entendre, on peut même y déceler un sentiment de nostalgie. Le même groupe de lycéens se retrouve dans un bar 8 ans après leur terminal. Le temps est passé mais nous sommes encore là les uns pour les autres. Alors que je m’enfonçais profondément dans mes pensées, Paul m’appelle du bout de la table :
—Aaron ! Tu ne bois pas ? Allez c’est mon anniversaire, lâche-toi un peu !
Je lève mon verre de coca pour lui montrer que j’ai de quoi boire mais j’ai très bien compris qu’il voulait que je boive de l’alcool. Je n’ai jamais été un grand fan de l’alcool. Il insiste un moment et finit par interpeller le serveur. Celui-ci revient quelques secondes plus tard avec un verre de bière et le dépose devant moi. Je regarde Paul en soupirant et je bois une gorgée. Il affiche directement son air satisfait. Une musique de fond berce la soirée. Les heures défilent, et nos amis partent un à un. Bientôt il ne reste que Paul et moi. Il est saoule et ne fait que rire. Je passe son bras autours de mes épaules pour l’aider à marcher. Paul me regarde et me remercie pour cette soirée, il me demande aussi si Hannah, ma copine, ne sera pas trop en colère car il est tard. Je lui souris en retour et je lui explique que non, qu’elle était au courant que je rentrerai tard. Je vais le ramener chez lui. Il faut juste traverser la rue pour atteindre ma voiture. Nous nous engageons sur le passage piéton et alors que nous sommes au milieu de la route, j’aperçois des phares foncer sur nous. La seule chose que j’ai le temps de faire est de jeter Paul vers ma voiture. Par reflexe, je mets mes bras autours de ma tête pour la protéger. Le véhicule me percute de plein fouet, je suis projeté sur le pare-brise puis je roule sur le toit avant de me fracasser sur le béton. Ma tête heurte violement le sol… Un sifflement résonne dans ma boite crânienne. Je ne peux plus bouger, ni ouvrir les yeux pourtant je suis encore capable de sentir la douleur se propager dans tout mon corps. Je perçois de moins en moins Paul qui hurle mon prénom. Il me secoue comme pour me réveiller, j’ai envie de hurler de douleur mais rien ne sort, je n’ouvre même pas la bouche.
Alors que les secours viennent d’arriver, je me sens partir. Je n’entends rien du monde extérieur, juste ces voix dans ma tête… Je ne ressens plus aucune douleur, c’est l’obscurité. Soudain je me vois moi, debout dans une pièce entièrement blanche. Deux autres personnes arrivent, c’est également moi… Je ne comprends pas ce qu’il se passe dans ma tête, je suis effrayé. Finalement, mon chien de quand j’avais 6 ans apparait. Une question me brule les lèvres : Suis-je mort ? Fido s’avance en se métamorphosant en être humain et me répond :
—Non pas encore. Tu vas vivre mais ça sera différent. Tu vivras avec eux.
Il pointe du doigt les trois « moi ». Je ne comprends absolument rien, je pense que je suis shooté à la morphine. C’est forcément une hallucination. Avant que je ne puisse poser d’autres questions, tout disparait et c’est le blackout.
J’ouvre les yeux, tout est flou et je n’entends pas clairement les sons qui m’entourent. J’ai très mal à la tête et au bras droit. Je reprends petit à petit mes esprits. Un médecin entre dans la chambre, il vérifie mes constantes. Il s’assoit sur la chaise et me regardant il me demande quelque chose que je ne parviens pas à entendre. Je lève ma main gauche à mon oreille pour lui faire signe que je ne l’entends pas. Il s’approche et observe mes oreilles. En se redressant il me fait comprendre que c’est temporel et qu’il repassera dans dix minutes. Il sort. Je respire profondément en attendant que mes yeux s’habituent à la lumière. J’examine ensuite la pièce, je suis incapable de me souvenir de la moindre chose. Je ne sais pas ce que je fais ici mais je garde mon sang froid. En déglutissant, mes oreilles se débouchent et j’entends enfin le bruit des machines derrières moi. J’ai le bras droit dans le plâtre et un bandage autours de la tête. Ce médecin revient et me demande comment je me sens. Je lu réponds que j’ai mal au bras et à la tête mais que je ne me rappelle pas ce qui s’est passé. Il reste silencieux un moment, comme si ce n’était vraiment bon. Il m’informe que cela est surement temporaire car l’opération que j’ai subie était conséquente. Le médecin me dit que j’ai de la visite et va chercher les personnes en question. Je réfléchis, ne sachant pas qui pourrait bien me rendre visite dans cet hôpital. Un homme et une femme entrent dans la chambre. Elle se jette dans mes bras et lui me fixe les larmes aux yeux. Je la repousse.
—Excusez-moi mais qui êtes-vous ?
Le silence s’abat sur eux. Elle me regarde, l’air ahurie et lui se décompose. Le docteur entre au même moment.
—Mais enfin, Aaron ! C’est moi, Hannah, ta fiancée ! dit-elle
—Et moi, c’est Paul, ton meilleur ami. Tu m’as sauvé la vie hier soir…
Voyant leurs visages si apeurés je me dis que je dois les connaitre, et pourtant rien, pas un seul souvenir d’eux. Je ferme mes paupières et un flash me parvient. Je vois Fido me pointer du doigt alors qu’en face et à côté de moi se tient d’autres moi. Je ne comprends rien à la situation, le médecin non plus d’ailleurs. Il fait sortir les visiteurs. Dans la journée, les médecins me font des tests, me demande sans arrêt mon nom et prénom. Après une semaine d’hospitalisation, je peux enfin rentrer chez moi. Cependant ils organisent une sorte de briefing avant mon départ, l’homme et la femme qui étaient venus me voir sont présents.
—Bonjour à tous. Commence un docteur. Je vous informe que Aaron Fynn peut sortir de cet hôpital mais nous devons vous faire part de notre découverte… Sa voix devient grave
—Que se passe-t-il ? s’inquiète la femme
—En cherchant d’éventuel antécédents médicaux, nous avons trouvé que M. Fynn avait été diagnostiqué, très jeune, avec un TDI. Cela signifie « trouble dissociatif de l’identité », le patient possède plusieurs personnalités très distinctes qui arrivent et partent de manière plus ou moins aléatoire dans la journée. L’accident a fait remonter les autres personnalités qu’il avait enfouit profondément en lui, c’est pour cela que parfois il ne sait pas qui vous êtes. Toute sa vie, il l’a vécu ayant une identité, celle de Aaron Fynn. Maintenant, il est possible que vous ayez à faire avec une ou plusieurs toutes autres versions de lui. Nous ne savons pas exactement combien elles sont mais une chose est sure, ces autres personnalités n’ont aucune idée des habitudes ou des relations qu’a Aaron.
Je me sens comme stupide à ce moment précis. J’ai l’impression de ne rien savoir sur les personnes qui me connaissent. Je pars avec eux même si je ne les reconnais pas. Une fois rentré, Hannah me montre ma chambre. Elle m’explique que c’est normalement notre chambre mais que, pour ne pas me brusquer, elle dormira dans la chambre d’ami. J’observe la pièce, m’arrêtant sur de nombreuses photos. Je m’installe sur le lit, j’essaie de comprendre ce que le médecin nous a dit. Les mots « trouble dissociatif de l’identité » résonnent dans ma tête. C’est une chose dont je ne rends même pas compte, Je changerais d’identité sans le savoir et de manière aléatoire ? Hannah m’appelle pour manger, j’entre dans la cuisine. Elle pose un plat sur la table.
—C’est un gratin de pâtes. Me dit-elle. Viens manger !
—Tu as déjà faim ? Je lui demande en m’asseyant.
—Eh bien oui, il est midi. Elle semble sceptique.
—Et donc ? C’est tôt pour manger non ?
—Comment ça ? Tu manges à cette heure-là d’habitude. Tu souhaites manger à quelle heure ?
—J’ai l’habitude de prendre mon repas vers 14h, je ne mange pas à midi !
Un silence s’installe. Elle fait une grimace puis respire profondément. Elle se lève, attrape une feuille et un stylo. Je la vois marquer « TDI Aaron informations », je la dévisage, presque offensé.
—Si on veut réussir à te redonner la bonne identité, il faut que j’en sache plus sur les autres ! me dit-elle souriante. Combien penses-tu avoir de personnalités différentes ?
—Quatre ! je réponds immédiatement alors que j’en avais aucune idée. C’est comme si je savais tout inconsciemment mais que lorsque je cherche une réponse elle ne venait pas.
—D’accord, donne-moi un maximum d’information sur la personne que j’ai en face de moi.
—Je… Je ne sais pas trop quoi te dire. Je mange à 14h et le soir autour de 21h. Je ne déjeune pas. Je suis sportif. Euh… c’est tout je crois.
Elle écrit tout ce que je lui dis et me demande comment je m’appelle. Je ne comprends pas au début, et soudainement je lui dis « Felix ». De nouveau, les mots sortent sans que je ne puisse comprendre pourquoi. Je fini par me lever et je l’informe que je vais courir. Elle me retient par le bras, s’inquiétant pour ma santé. Je la rassure et je pars me changer. Je sors. L’air fraie me surprend et je commence.
J’enchaine les rues, les unes après les autres, elles se ressemblent toutes. Les gens se promènent sous le soleil d’avril. Au loin, j’aperçois un parc. Une mère est assise sur le banc et surveille ses enfants qui jouent dans la structure en bois. Je m’approche pour me reposer quelques instants sous un arbre. Les rires des enfants animent ce moment. Le petit garçon se met à courir autour de la structure et passe près de moi. Sa sœur le poursuit et cela pendant plusieurs minutes. Le frère trébuche et tombe sur mes jambes. Je l’aide à se relever et lui demande s’il va bien. Il me sourit de toutes ses dents avant de m’affirmer qu’il n’a rien. Leur mère se précipite vers moi, se confondant en excuses. Je lui dis que tout va bien. Elle semble soulagée, elle appelle ses enfants parce qu’ils doivent rentrer pour le déjeuner. Je les regarde s’éloigner. Je soupire, ressentant une sorte de nostalgie. J’ai beau essayer de toutes mes forces, je ne parviens pas à me souvenir de mon enfance. Je demeure dans mes pensées mais j’en sors rapidement lorsque je vois un groupe d’adolescents encercler un jeune homme. Je me redresse et écoute ce qu’ils disent. Ils sont en train de le menacer. Au moment où l’un d’eux le pousse, le pauvre jeune tombe. Je vois l’image au ralenti et j’ai un flash. Je surgis brusquement et envoie mon poing droit dans le visage de l’adolescent.
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