(Il s'agit de profiter de ces vacances pour réviser les notions et prendre conscience de la totalité du programme. Ces fiches reprennent certains éléments vus en cours et en proposent d'autres. Elles ne sauraient suffire à préparer l'épreuve écrite, notamment parce qu'elles ne contiennent aucun élément de méthode. Si tel ou tel passage vous interroge et réclame selon vous des éclaircissements, envoyez-moi un mail ou notez le pour l'évoquer dés les cours de la rentrée. Cela nous permettra de gagner du temps. Bonnes vacances à vous!)
Conscience / Inconscient (TL – TES – TS)
a) La conscience spontanée désigne l’aperception du monde qui nous entoure. Je vois un arbre et j’en prends conscience.
b) La conscience réfléchie définit le rapport que j’établis avec moi-même dans le monde. Je me perçois comme présence ici et maintenant, dans tel milieu.
c) La conscience morale s’applique à la capacité de juger les autres et moi-même. Elle suppose le principe de distinction du bien et du mal.
Nous retrouvons clairement les termes de cette définition tripartite dans la Genèse avec l’épisode du fruit défendu. Celui-ci symbolise clairement et presque méthodiquement la conscience puisque le serpent vante à la femme ses qualités en lui disant : « vos yeux s’ouvriront » (conscience spontanée). Eve et Adam se rendent compte qu’ils sont nus (conscience réfléchie). Ils ont immédiatement honte de leur geste et de leur nudité, ce qui prouve non seulement qu’ils ont mal agi en désobéissant à l’Eternel mais surtout qu’ils le savent (conscience morale).
Tout le problème posé par la conscience réside dans l’effet de distanciation dont il la cause. Je sais ce que j’éprouve grâce à la conscience que j’en prends mais je ne suis plus dans le sentiment même puisque je perçois que j’en suis affecté. Je suis spectateur et acteur.
L’inconscient peut être physique (petites perceptions de Leibniz) ou psychique (Freud). Mais il s’impose de façon explicite ou pas à tout auteur dénonçant l’illusion de la conscience (« les hommes sont conscients de leurs actes mais ignorants des causes qui les déterminent. » Spinoza – Cela veut dire que ce n’est pas parce que nous savons que nous agissons que nous sommes les auteurs, les initiateurs de nos actions). Freud donne à ce concept toute son importance en affirmant que « le moi n’est pas maître dans sa propre maison. » (3e blessure narcissique)
La perception (TL)
Les sens nous trompent toujours, c’est ce que Platon illustre avec l’allégorie de la caverne. Les chaînes qui retiennent les prisonniers dans la grotte et qui les maintiennent dans l’illusion de croire qu’ils voient les choses vraies alors qu’ils n’aperçoivent que des ombres symbolisent les sens. La vérité des sensations que nous éprouvons réside, selon Platon, dans leur généralisation, dans leur conceptualisation. La vérité de la perception de ce chien noir que je ressens aujourd’hui réside dans le concept de chien, d’animal, dans l’abstraction de la couleur noire.
Pour Descartes, les sens nous trompent quelquefois, notamment lorsque ils ne me font apercevoir que deux apparences distinctes là où il faut bien qu’il existe une unité substantielle (le morceau de cire). Nous pouvons dés lors nous en remettre à une inspection de l’esprit, c’est-à-dire à une épreuve par mon entendement de la cire vraie là où mes sens se laissent abuser par la variation des apparences et des circonstances.
Pour les empiristes (Berkeley, Locke, Hume), les sens ne nous trompent jamais. Ils sont l’origine même de nos idées. Ce n’est pas parce que nous avons en nous le concept de cercle (celle d’une figure dont tous les points sont à égale distance du centre) que nous voyons des cercles dans la nature, (comme le soleil ou la lune), c’est au contraire parce que nous avons des perceptions d’abord que nous avons des concepts ensuite. La position des innéistes (Platon, Descartes, Leibniz) réside exactement dans la position inverse.
Dans « Vendredi ou les limbes du Pacifique », Robinson se rend compte de tout ce que sa perception des objets extérieurs doit aux autres. Si je ne doute pas, devant cette chaise dont je n’aperçois pourtant qu’un aspect, qu’un angle, , c’est parce que je sais grâce à l’existence des autres qu’ils aperçoivent ou qu’ils apercevraient les autres angles de l’objet. Si nous restons longtemps sans la présence des autres, nous commencerons à douter que ces objets existent en tant qu’objets. Nous vivrons alors dans un monde de fragments épars et chaotiques au sein duquel rien n’existe que ce que j’aperçois ici et maintenant. Cela apparaît d’abord à robinson comme « fou » mais la fin du roman de Michel Tournier suggère que c’est la perception la plus juste de la réalité. Il n’y a pas d’objets, mais nous supposons qu’il y en a.
Le désir (TL – TES – TS)
Le désir est-il un mouvement suscité par le manque ou une pulsion créatrice à laquelle rien ne fait défaut ? Pour Platon, C’est la première option qui est la bonne. Le désir est, en nous, la trace laissée par l’empreinte des Idées dont nous avons originellement fait l’expérience lorsque nous ne consistions que dans une âme (l’attelage dans Phèdre). Grâce à cette empreinte mémorielle, nous pouvons franchir un à un les paliers de généralisation qui, de cette expérience que je fais aujourd’hui d’un beau visage me permet de passer à la beauté de tous les visages puis de tous les corps, de toutes les idées jusqu’à la beauté même et l’Un.
Spinoza se situe aux antipodes de cette assimilation du désir à la souffrance du manque. Le conatus (désir de persévérer dans son être) est à l’œuvre en tous les êtres vivants. Il est ce qui fait pousser l’herbe et alimente notre désir d’exister. Avec le conatus, nous passons d’une considération des êtres comme essences à une perception quantitative des modes. Personne ne peut se concevoir comme un être séparé. Seul Dieu c’est-à-dire la nature, est une substance. Nous (c’est-à-dire tous les vivants) ne sommes que des façons différentes d’être « ce qui est ». Entre nous, donc ne s’activent que des différences d’intensité dans le fait d’exister, mais nous persévérons unanimement dans le désir d’exister. En d’autres termes, ce n’est pas parce que « je suis d’abord quelqu’un » que je désire, c’est parce que je désire que j’existe mais « je n’existe pas en tant que quelqu’un ». Je consiste dans l’intensité fluctuante de mon désir d’être. On n’est pas ceci ou cela, on ne fait qu’être mais plus ou moins.
Dans tout sujet sur le désir, la distinction entre le besoin, la volonté et le désir peut être très éclairante. Le besoin peut se satisfaire provisoirement et il est physique. La volonté ne tend qu’à se satisfaire et elle y parvient parce qu’elle est froide, rationnelle, efficace. Le désir semble absurde parce qu’il se nourrit de sa propre insatisfaction. Le désir rêve et se complait dans l’attente, dans la quête, dans tout ce qui l’éloigne de son objet mais n’est-ce pas justement ce qui le rend plus lucide que la volonté ? L’idée même que quelque chose ou quelqu’un puisse être « nôtres » n’est-elle pas aussi ruineuse et destructrice que fausse finalement ? Se pourrait-il que la sagesse consiste à se rendre compte que l’on ne peut rien posséder ? Dans l’exacerbation « d’un désir qui ne désire que désirer » se déploie peut-être le cercle impeccable d’une sagesse infinie.
L’existence, le Temps (TL)
« L’existence précède l’essence » - Jean-Paul Sartre : Nous ne sommes pas des objets techniques. Ceux-ci sont conçus avant d’être fabriqués. Un coupe-papier ne peut pas devenir un trombone ou une paire de ciseaux parce que les hommes ont réfléchi d’abord à ce qu’ils sont ou doivent être avant de les produire. Dans la Genèse, Dieu a une idée d’Adam avant de modeler de la boue pour lui donner sa forme. Quand un Chrétien, un juif ou un musulman s’interroge sur sa présence, il l’attribue à Dieu comme à sa cause efficiente et finale (Les quatre causes d’Aristote : la cause matérielle d’une chose ou d’un être est la matière dont elle est constituée – la cause formelle est le modèle qu’elle imite – la cause efficiente est le principe qui lui a donné naissance – la cause finale est le but dans lequel elle a été créée). Cela signifie que l’essence précèderait l’existence », c’est-à-dire que ce que nous sommes est déjà établi, entériné avant que nous existions.
C’est contre cette conception que Sartre a théorisé les principes de l’existentialisme dans « l’existentialisme est un humanisme ». L’homme jouit d’une liberté infinie. Il n’est pas ceci ou cela avant d’exister. Ce que nous sommes c’est ce qui se constitue au fil de notre existence et pas avant. Nous consistons dans l’expérience de cette pure contingence : « tout en nous aurait été différent si… », mais justement nous ne cessons de nous faire et de nous défaire au fil de nos aventures, de nos rencontres, de nos épreuves, pour le meilleur et pour le pire. Rien n’étant préétabli, chaque instant de notre vie est à la fois contingent, hasardeux et décisif, fatal.
« Si Dieu n’existe pas, tout est permis » dit un personnage de Dostoïevski Et l’athéisme de Sartre s’insinue dans la brèche creusée par cette citation en insistant sur le fait que cette permissivité exhaustive n’est pas du tout synonyme de désinvolture et ne doit pas servir de prétexte au désengagement. C’est exactement le contraire qui est vrai. Si tout est permis, l’homme est seul responsable de soi et du genre humain dans son ensemble.
Dans son roman « La nausée », Sartre décrit l’angoisse que saisit Roquentin son personnage lorsqu’il réalise que tout dans l’existence est comme « pétri » dans cette contingence. Rien n’est là « nécessairement ». Rien ne s’impose de soi. Tout ce qui est aurait pu être autrement et c’est dans la fragilité de cette texture là que nous en faisons l’expérience, nous dont l’être ne s’impose pas davantage de lui-même.
Il faut également avoir en tête la distinction entre vivre et exister. Nous vivons : cela signifie que nous consistons dans le bon fonctionnement de cet assemblage d’organes qui constitue notre corps. Nous avons et gagnons de quoi vivre, de quoi nous alimenter, de quoi satisfaire aux fonctions vitales mais ce n’est pas pour autant que nous existons, c’est-à-dire que manifestons notre existence par des activités qui font signe de celle ou celui que nous sommes. Persévérer dans son être pour Spinoza, c’est exister plutôt que vivre.
Dans l’épisode 9 de la saison 3 de « Breaking Bad », Jesse donne un excellent exemple de ce que signifie exister lorsqu’il décrit la réaction de Monsieur Pike, son professeur de techno devant la pauvre boîte qu’il vient de construire. « C’est tout ce que tu peux ? » C’est là ton conatus ? Tu n’existes pas plus que cela ? Jesse sera vexé par cette réaction et construira une superbe boîte.
Il faut distinguer le temps et la durée dans la philosophie d’Henri Bergson. Le temps désigne cette accumulation d’unités extérieures que nous utilisons pour mesurer un mouvement qui lui n’a rien d’extérieur ni de divisible. Si je fais un footing, ma montre ou mon chronomètre vont m’indiquer le temps que j’ai passé pour venir à bout des kilomètres. C’est objectif, précis, quantitatif mais c’est aussi un peu faux parce que c’est juste une unité de mesure plaquée artificiellement par la communauté des hommes sur un autre « courant ».
Pendant mon footing, je suis passé par des sensations et des sentiments différents. J’ai fait l’épreuve d’états de conscience différents sans passer brutalement de l’un à l’autre, comme si c’était sous l’effet dynamique d’une seule et même trame que je vivais cette accumulation des kilomètres parcourus. Cette durée me fait davantage coïncider avec la structure fluide du devenir qui finalement s’active continuellement en tout lieu que le temps des horloges parce qu’elle est continue, indivisible, intérieure, qualitative. Selon Bergson, c’est en ne se fiant qu’au temps que la science passe structurellement à côté des phénomènes qu’elle étudie, ou dumoins n’en présente qu’une certaine interprétation.
La culture ( TL – TES – TS)
La culture peut désigner quatre actions différentes :
a) l’acte de cultiver la terre. On peut dés lors la rapprocher du travail considéré comme transformation de la nature au profit de l’homme
b) l’acte de se cultiver, d’acquérir des connaissances qui nous donnent un bagage culturel de références. On dit alors que l’on est une personne cultivée
c) l’acte d’appartenir à une culture en particulier, c’est-à-dire de suivre les usages de la civilisation, du peuple ou de la communauté dans laquelle nous avons été éduqués.
d) L’acte de contrarier sa nature, de dépasser en soi tout ce qui est de l’ordre du naturel, de l’instinctif de l’inné, du donné. Ce qui est culturel, c’est ce qui est acquis. Se pose alors la question de savoir ce qui en nous tiendrait de la nature ou de la culture. Maurice Merleau-Ponty insiste sur le fait qu’il ne s’agit là que d’une question d’interprétation et que tout en nous peut se dire culturel ou naturel selon le point de vue que nous choisissons d’adopter. La paternité est d’abord l’acte naturel qui suppose la filiation génétique, mais en même temps, nous savons bien qu’il existe autant de façons d’être père qu’il existe de civilisations, voire, au sein d’une même communauté, de valeurs ou d’images que l’individu assimile ou choisit de négliger pour construire culturellement sa façon d’exercer sa paternité.
Existe-t-il en nous quoi que ce soit qui ne ferait pas l’objet d’une « refonte », d’une réappropriation par la culture de mouvements naturels. N’est-ce pas le propre de l’homme que de nier en lui tout ce qui serait naturel ? (cf. sur le blog Labo philo « la culture fait-elle l’homme ? »)
Le langage (TL – TES)
Langage vient du grec Logos qui signifie aussi Raison, Rationalité. Il faut relier ce terme à celui de Cosmos qui désigne l’univers tel qu’il est ordonné par des lois. Le Cosmos s’oppose au Chaos de la même façon que le Logos contredit le trouble de la personne qui n’arrive pas à sortir de la confusion de ses sentiments : « je ne sais pas quoi dire ! ». Le langage s’oppose à la parole car cette dernière est contingente, accidentelle alors que le langage est une réalité à laquelle on ne peut pas se soustraire: nous vivons dans un monde au sein duquel toutes nos manifestations seront considérées comme « voulant dire quelque chose ». Je peux ne pas parler mais je ne peux pas ne pas signifier, même et surtout quand je me tais.
La question qui se pose est celle du rapport entre le logos et le cosmos. N’est-ce pas parce que nous disposons d’un langage que nous voyons de l’ordre dans l’univers alors qu’il consiste peut-être en lui-même dans un chaos imprescriptible ? Le langage est un instrument de distinction et de classification mais aussi une instance de médiation qui nous tient à distance de tout ce que nous vivons. Grâce au langage, nous analysons notre vécu, nous le ramenons à ses composantes mais à cause de cela ce n’est justement plus du vécu. Le langage fait ressembler les hommes à des invités qui dans une fête voudraient connaître le nom de tous les participants au lieu de se laisser porter par l’ambiance.
« Je dis une fleur et voici qu’apparaît hors de l’oubli où ma voix relègue aucuns contours l’absente de tout bouquet. » Mallarmé. Nous pourrions relier ce vers du poète à la thèse du linguiste Ferdinand de Saussure : « Dans la langue il n’y a que des différences » Les mots sont des symboles qui fonctionnent d’autant mieux qu’ils n’entretiennent aucun rapport direct avec la chose qu’ils signifient. C’est comme un jeu de carte ou une pièce de monnaie : ce qui me permet d’acheter une baguette avec une pièce de deux euros, ce n’est pas du tout le fait qu’il y ait un lien direct entre la pièce et la baguette c’est au contraire le fait que la valeur de la pièce a été préalablement fixée par le rapport que cette pièce noue avec les autres pièces au sein du système monétaire. De même l’efficience de la langue est systématique. La signification est seconde par rapport à la valeur.
Cela fait la force de la langue. Elle peut s’appliquer à tout : objets, sentiments, idées. Penser c’est forcément utiliser un langage, nommer, désigner étiqueter, classer. « Il est impossible de penser sans mots » - Hegel et rien n’est plus inutile et confus que l’ineffable.
Mais en même temps, cette force du langage qui repose sur sa structure systématique, c’est-à-dire différentielle n’est-celle pas justement ce qui nous fait continuellement différer ? Je dis une fleur et ce qui apparaît, c’est une absence car aucune fleur n’est à elle seule « LA » fleur et dés que nous nommons, nous ratons ce que nous nommons parce que nous étouffons sa spécificité présente derrière une dénomination globale, générale, abstraire. Désigner c’est abstraire, c’est-à-dire rendre absent. Cette règle est particulièrement intéressante dans le rapport que nous avons à nous-mêmes. Nous ne cessons de nous parler à nous-mêmes en nous interrogeant et en qualifiant nos ressentis, créant par là même une parfaite opacité à soi dans laquelle pourrait bien consister finalement l’Inconscient Freudien.
L’art (TL – TES – TS)
a) L’art comme imitation – Platon n’accorde pas à l’art une place essentielle. Dans sa conception de la cité idéale (La République), il ne situe pas les artistes et les mettrait à la porte de la ville. Pourquoi ? Parce que l’œuvre d’art est éloigné de deux degrés de la vérité. Représentons nous un lit. En quoi cet objet est-il vrai ? Il est d’abord vrai en ceci qu’il fait signe du concept de lit. La vérité d’une perception réside d’abord dans ce que je peux en généraliser, en abstraire (cf. la perception). Puis vient le lit sensible que je peux toucher et voir, c’est le lit construit par le menuisier. Il est éloigné d’un degré de l’idée même de lit. Puis vient le peintre qui représente un lit, un faux semblant, distant de deux degrés du concept de lit. Aristote a une vision moins hostile à l’œuvre en lui accordant une fonction pédagogique (l’œuvre nous apprend quelque chose de la vie), thérapeutique (la musique nous calme) et surtout cathartique (nous purifions nos passions en assistant à des pièces de théâtre qui exorcise les sentiments les plus violents que nous sommes susceptibles d’éprouver comme la terreur et la pitié)
b) L’art comme création – Pour Hegel, l’œuvre d’art est une création de l’homme et, en même temps, une manifestation du divin. Elle est une expression sensible de l’intelligible. L’art est le besoin rationnel qu’a l’homme d’élever à sa conscience spirituelle le monde extérieur et intérieur pour en faire un objet dans lequel il reconnaît son propre moi. Il y a donc quelque chose qui relie l’œuvre d’art à l’objet technique en ce ci que l’homme y acquiert la conscience de soi. Il s’agit dans les deux cas de se reconnaître dans l’ouvrage même de la transformation que l’on impose à la nature. Toutefois, l’œuvre d’art, contrairement à l’objet technique, est une fin en soi, c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’utilité pratique. Elle n’est pas un ustensile.
c) L’œuvre d’art comme capture des forces et de la réalité – « L’artiste, dit Bergson, est un homme qui voit mieux que les autres car il regarde la réalité nue et sans voile. » La plupart des hommes ne perçoivent la réalité qu’au travers du filtre des conventions (langage) et de l’utilité pratique. L’artiste parvient à épurer sa vision de ces perspectives déformantes et rend compte de cette pure émergence d’une réalité à nos sens sans préjugé, ni présupposé.
Turner, par exemple, termine sa carrière en ne peignant plus que des forces (pluie, vapeur et vitesse) parce que c’est fondamentalement cela qui se manifeste. Peindre des objets ou des silhouettes, c’est déjà se laisser influencer par le principe de classification de nos perceptions par le langage. On sait que Cézanne passait plus de deux heures devant son motif pour le déconstruire et peindre « ce chaos de perceptions irisées » en quoi consiste le réel le plus pur. On peut rapprocher cette conception de Heidegger et de sa vision des souliers d’une paysanne par Van Gogh. Ce que le peintre a saisi c’est la pure présence. Nous sommes touchés par cette œuvre parce que Van Gogh a peint ce que c’est « qu’être simplement là » pour ces souliers. Il y a là une vision existentialiste que l’on peut rapprocher du sentiment de Roquentin dans « la nausée » (l’existence, le temps)
Turner, par exemple, termine sa carrière en ne peignant plus que des forces (pluie, vapeur et vitesse) parce que c’est fondamentalement cela qui se manifeste. Peindre des objets ou des silhouettes, c’est déjà se laisser influencer par le principe de classification de nos perceptions par le langage. On sait que Cézanne passait plus de deux heures devant son motif pour le déconstruire et peindre « ce chaos de perceptions irisées » en quoi consiste le réel le plus pur. On peut rapprocher cette conception de Heidegger et de sa vision des souliers d’une paysanne par Van Gogh. Ce que le peintre a saisi c’est la pure présence. Nous sommes touchés par cette œuvre parce que Van Gogh a peint ce que c’est « qu’être simplement là » pour ces souliers. Il y a là une vision existentialiste que l’on peut rapprocher du sentiment de Roquentin dans « la nausée » (l’existence, le temps)
Le travail (TL – TES – TS)
Il faut avoir en tête la tripartition aristotélicienne :
a) La poiésis désigne l’action de produire grâce à un savoir faire. Une fois l’objet fabriqué, le savoir s’abolit dans le résultat. C’est le travail propre aux esclaves. Ce qui est créé l’est par rapport à cette finalité qu’est le produit fini. On peut juger cette conception dévalorisatrice pour le travail manuel mais en un sens, elle préfigure l’aliénation du travailleur.
b) La praxis désigne au contraire le travail libre, l’action pure et noble qui est à elle-même sa propre fin comme l’action politique. Il ne s’agit pas de faire « quelque chose » qui serait extérieur à l’action mais « bien en soi » pour la cité. Toute action d’un particulier mené en vue d’un bien pour la cité est praxis.
c) La théoria désigne le travail intellectuel, celui du chercheur ou du philosophe. L’homme est le seul être raisonnable du règne naturel. Plus il cultive et exerce sa raison plus il cultive en lui sa spécificité d’homme. Il existe donc dans la théoria une dimension universelle par le biais de laquelle l’homme conquiert son statut, son excellence et consécutivement son bonheur.
La philosophe Hannah Arendt reprendra cette tripartition en accordant toute son attention à la notion de « praxis », d’action politique. On agit dans le pur « intéressement » (inter-esse) à la cité.
Le problème philosophique que pose le travail est celui du sens. L’homme a besoin de se reconnaître dans la transformation qu’il impose à la matière première fourni par la nature. C’est ce que Simondon appelle les « milieux de concrétisation ». Les découvertes techniques créent des ondes de choc par le biais desquelles l’influence des hommes se diffuse et transforme la planète en pur réceptacle de l’action humaine.
Le travail donne donc à l’homme l’occasion de se saisir et de se reconnaître dans la transformation de son milieu (2001, Odyssée de l’espace). Mais c’est justement l’aliénation de ce travail nécessaire à la reconnaissance par l’économie capitaliste qui fait perdre tout sens « humain » à cette activité. En se vendant comme force de travail, l’ouvrier n’est plus en mesure de réaliser cette identification. Le propriétaire des moyens de production extorque au producteur la plus-value de son « surtravail » de telle sorte que le salariat devient l’instrument même de l’exploitation d’une classe par une autre (Marx).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire