Dés la naissance de la philosophie, les hommes
ont voulu savoir de quoi l’Univers était fait. Ce mot venant du latin Universum
a plusieurs sens. D’abord c’est l’ensemble de tout ce qui existe, de tout ce
qui nous entoure de près ou de loin. Ensuite cela peut être un milieu, un
environnement ou le domaine psychologique d’une personne. C’est aussi un
ensemble de concepts, d’objets abstraits considérés comme un système organisé.
En littérature, c’est l’ensemble de l’humanité. Dans ce sujet, nous nous
intéresserons principalement à la première définition, celle de l’univers des
scientifiques composé de galaxies et de planètes. Or cet univers là a besoin de
faits scientifiques pour être connu et compris. Pour autant avons-nous besoin
de nous raconter des histoires de mondes pour le connaître ? Devons-nous
prendre en compte les histoires de notre monde, notre planète Terre ou de nos
mondes, les histoires de chaque personne, de chaque époque de la vie ?
Il faut d’abord différencier cosmologie et
cosmogonie. La cosmologie est l’Etude de l’origine, la nature, la structure et
l’évolution de l’univers. Elle est purement scientifique et développée par les
astrophysiciens qui cherchent à connaître la vérité. La Cosmologie est donc la
science des lois générales par lesquelles le monde est gouverné tandis que la
cosmogonie est le récit de l’origine du
monde. Elle vient du grec cosmo « monde » et gon : engendrer. Il
existe des milliers de légendes de création du monde. Elle se rapporte au sujet
dans le fait de se raconter des histoires de monde. La transmission de ces
histoires est orale. Ce sont des contes, des fictions. La cosmogonie est
irrationnelle. L’une des plus connues est la Théogonie d’Hésiode. Cette
histoire raconte comment sont venus au monde les premiers Dieux, comment
l’univers a été créé et partagé entre les différentes divinités associés à
différents symboles. Ce que nous retenons alors de cette théogonie est que les
grecs ont voulu expliquer de manière irrationnelle pourquoi nous existons,
comment l’univers s’est fait au travers de la parole du récit et de la légende.
Mythos est donc lié à logos, ce qui implique que pour créer la science, il a
fallu l’inventer. Aucune civilisation n’a pu pour le moment pratiquer la
science sans avoir d’histoires pour expliquer d’abord l’Univers par le mythe.
La science étant ici relié à la cosmologie, ne
doit rien inventer ni extrapoler sous peine de s’enfermer dans une histoire de
monde qui lui conviendrait, certes, mais l’éloignerait de la vérité et donc de
la connaissance de l’univers. Cependant la cosmologie qui étudie l’Univers se
trouve dans cet univers donc elle ne peut être objective et cela nous affecte
directement. On pourrait la comparer à l’expérience de la double fente de
Young, où lorsque l’on place un appareil détecteur pour mieux comprendre le
comportement des électrons, ils se comportent différemment.
Donc pour se rassurer et ne pas douter de la
science nous avons créé cinq critères
prouvant la scientificité d’une théorie.
Le premier critère est celui de la cohérence
interne. Une théorie ne doit jamais se contredire. Elle doit être générale et
totalement inspirée de la réalité pour être validée (critère de la
correspondance avec la réalité). Le troisième critère est la prédiction,
c’est-à-dire que la théorie doit anticiper une loi qui devra s’appliquer dans
le futur, elle doit être utile à tout le monde. Viennent ensuite les deux
critères les plus importants. Le rasoir d’Ockham qui est la simplicité :
une théorie efficace et valide doit être économe en principes afin de ne pas se
perdre et oublier notre cohérence interne. Et puis il y a la falsifiabilité
selon Karl Popper : une théorie doit être le support d’une démarche
scientifique où des expériences ont été nombreuses pour valider sa compétence.
Cependant si la théorie échoue, alors elle est réfutée à jamais, mais si elle
est validée cela ne veut pas dire qu’elle est vraie car on ne peut pas
l’expérimenter dans toutes les conditions possibles. Elle est donc juste
validée, mais jamais vraie.
Ainsi ces critères permettent de contrôler
scientifiquement les théories et
certains de ses critères peuvent aussi s’appliquer à l’action de se raconter
des histoires, ce qui pourraient montrer que les histoires de mondes sont
reliées à la connaissance de l’Univers. D’abord la cohérence interne fonctionne
aussi pour l’histoire car si l’histoire n’est pas claire, les lecteurs
pourraient être déconcertés et se détourner de celle-ci, comme on pourrait le
faire avec une théorie. La correspondance avec la réalité et la prédiction ne
peuvent s’appliquer à l’histoire car elle peut être inventée de toute pièce et
se passer dans un autre monde que le notre (à l’instar de la mythologie faisant
intervenir les Dieux et des endroits comme les enfers, ou de la science fiction).
De plus l’histoire n’est pas écrite pour nous rappeler nos erreurs du passé
afin de ne pas les refaire mais simplement pour garder une trace de notre vie.
L’histoire peut anticiper un phénomène à l’avenir mais elle ne peut pas créer
de lois. Quant à la simplicité, l’histoire peut ou non choisir d’être
compliquée ce qui veut dire qu’elle peut s’appliquer au rasoir d’Ockham d’une
certaine façon. Mais pour finir avec le dernier critère, la falsifiabilité ne
peut s’accorder avec l’histoire car ce n’est pas une théorie à valider. On peut
l’approuver scientifiquement mais si elle est fausse, elle n’est pas à réfuter,
à bannir irrémédiablement. Au contraire, elle s’inscrit dans l’époque et le
contexte dans lequel elle a été testée, vérifiée.
Donc, dans certaines conditions, l’histoire
peut comme la théorie, et plus généralement la science s’intégrer dans certains
critères de la scientificité et cela montre ainsi que ces deux domaines sont
peut-être liés. D’ailleurs on pourrait se demander si les scientifiques et les
auteurs de théorie ne se raconteraient pas des histoires pour avancer dans la
connaissance de l’Univers. Par exemple, Einstein s’est peut-être imaginé des histoires de
mondes qui auraient pu l’aider à créer les théories que l’on connaît
aujourd’hui. Ainsi le scientifique aurait besoin d’une part en lui
d’imagination pour connaître l’Univers.
Descartes dans ses « méditations »
s’est posé la question de savoir si’ nous pouvions avoir une certitude quant à
l’extériorité des choses qui nous entourent. Il prend alors un morceau de cire
comme exemple. Au début, le morceau de cire est un bloc compact, solide,
parfumé. Il fait du bruit quand on le frappe. Puis on le met devant une flamme,
il devient mou et liquide, perd de son odeur et ne résonne plus. Pourtant on
est bien certain que c’est le même morceau de cire mais ces deux apparences ne
sont pas la même chose. Nos sens nous disent que ce sont deux choses distinctes
alors que nous savons bien que c’est une seule et même matière. Il conclue que
seul notre entendement peut savoir et même « voir » la cire là où mes
sens me montrent deux choses différentes. Mais Descartes ne se serait-il pas
raconté d’histoire d’une seule cire alors qu’il y aurait des millions de
possibilités inimaginables ?
Deux autres exemples tirés de la physique
quantique pourraient aussi nous faire envisager que nos sens soient trompés
face à la multitude de possibilités d’états d’un objet ou d’une chose. Ces deux
expériences sont celle de la double fente de Young et le chat de Schrödinger.
La première rapporte le comportement étrange des électrons quand ils sont
observés. On envoie à travers deux fentes des billes lancées à pleine vitesse.
On observe alors deux tranches sur un tableau derrière les fentes. Maintenant
on fait de même avec des vagues, on s’aperçoit qu’il n’y a pas deux tranches
mais un patron d’interférences avec plusieurs tranches. On essaye alors la même
expérience avec des électrons. On en projette donc sur les deux fentes et, au
lieu de trouver seulement deux fentes comme avec les billes, on trouve un
patron d’interférences. Les scientifiques
essaient alors deux choses. Premièrement, ils envoient un par un les
électrons et si, au début, on observe bien deux tranches au bout d’un certain
temps, on voit à nouveau plusieurs tranches. Ils ont alors voulu observer de
près le comportement de l’électron pour
savoir dans quelle fente il passait. Ils ont alors placé un observateur devant
les fentes et dans ces conditions, on a retrouvé le modèle de deux tranches.
Cela signifie que premièrement on ne sait toujours pas comment passent les
électrons et que deuxièmement l’expérience change selon qu’il y ait un
observateur ou pas. Mais alors où est la connaissance de l’univers si une même
expérience me décrit deux réalités : onde et corpuscule ?
Imaginons maintenant qu’un chat soit placé dans
une boîte dans laquelle il y a un mécanisme qui détecte la désintégration d’un
atome radioactif. Si le détecteur capte la désintégration, alors il casse une
fiole de poison qui tue le chat. Or, on ne peut pas savoir si l’atome se
désintègre ou pas, il y a une possibilité de 50/50. Le chat est donc à la fois
mort et vivant tant qu’on n’ouvre pas la boîte. Mais pour savoir s’il est mort
ou vivant, il faut ouvrir la boîte, mais si on ouvre la boîte, on imposera le
fait qu’il sera mort ou vivant. La superposition quantique ne s’appliquant pas
à notre échelle, lorsque la boîte est fermée on peut mathématiquement prévoir
l’état du chat : Une chance sur deux qu’il soit vivant. Nous pouvons alors
tirer deux conclusions la physique quantique doit rester quantique. On ne peut
pas l’appliquer à notre échelle et elle doit rester un concept mathématique
(c’est l’école de Copenhague), ou alors il existe un univers parallèle pour
chaque état superposé (c’est la théorie d’Everett). Qu’en est-il de l’état où
le chat n’est pas mort quand la boîte est ouverte ?
Pour l’interprétation de Copenhague le 2e
état n’existe tout simplement pas, le chat est vivant, c’est tout. S’il est
mort, il n’est plus vivant, un point c’est tout.
Pour Everett, lorsque la boîte est ouverte le
chat est mort ou vivant, mais cette alternative décrit une bifurcation entre
deux réalités qui ont également lieu. On
sera donc dans un monde où le chat est mort sachant qu’il y en a un autre où il
est vivant.
Ainsi ces deux expériences ne
nous indiquent pas comment vont réagir les électrons après les avoir lancé
contre les fentes ni comment le chat est dans la boîte s’il y a eu
désintégration, on ne peut pas prévoir d’avance tant il y a de possibilités
imaginables. Et si d’après Everett il y avait la possibilité de plusieurs
mondes parallèles où le chat n’aurait pas les mêmes états, cela ne voudrait-il
pas dire qu’il existe quelque chose de plus grand, invisible nous mettant
devant ces faits accomplis quelque part, sans pour autant tomber dans des
histoires de mondes ?
Et si la
notion même d’Univers était à revoir, balayant ainsi la question de connaître
l’univers sans se raconter des histoires de mondes ?
Comme nous
venons de le voir avec Everett, il se pourrait qu’il existe d’autres mondes où
le chat soit bien vivant et d’autres dans lesquels il serait mort. Et si
l’ensemble de tous ces mondes composait le multivers ? Un multivers dans
lequel tout serait possible et où il existerait toutes les versions différentes
de nous faisant pratiquement tous la même chose mais différemment ? Le
chat dans un monde serait vivant, dans un autre, non, dans un autre encore, le
poison n’aurait pas été libéré pareillement, etc.
La théorie
du multivers correspond aux critères de la scientificité : elle est
simple, élégante et économe en concepts (même si elle ne l’est pas en
mondes : many worlds, a few words).
La théorie
du multivers est la conséquence de la thèse de l’inflation exponentielle (qui
montre qu’il y a une expansion de l’Univers de plus en plus rapide comme les
trous dans un gruyère), de l’énergie de la matière noire (étant extrêmement
petite alors que c’est elle qui réalise l’expansion et qui, lorsque l’on essaie
d’enlever quelques zéros des milliards de milliards de zéros constitue le
chiffre de l’énergie afin d’augmenter la valeur de cette énergie - l’univers
serait radicalement différent et il n’y aurait pas de vie sur terre, mais qui
prendrait alors du sens dans un multivers grâce aux infinies possibilités de
retrouver des planètes identiques) et de la théorie des cordes (cordes vibrant
de façons différentes créant de nombreuses particules car elles se trouveraient
dans les quarks, les protons et et neutrons créant eux des atomes qui eux
créent toutes les molécules). Tout cela créerait donc (d’après Guth, Linde,
Vilankin qui ont découvert ces théories) le multivers dans lequel on vit.
Le
multivers serait donc la fin du raisonnement de la question de la connaissance
de l’Univers, comme le dit l’astrophysicien Aurélien Barrau car nous entrons
peut-être selon lui dans une forme de « logomythie » où, à l’inverse
de la mythologie, il s’agirait, pour la science, le logos, de créer de nouveaux
mythes : mythos, sachant qu’il n’est plus question pour le savant de dire
la seule vérité possible de ce monde là mais peut-être l’interprétation la plus
sobre et la plus élégante de tous les mondes réels.
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