Nous avons tous déjà fait l’expérience de la déception : une
fête, un rendez-vous, une célébration quelconque est à venir et, lorsque nous
la vivons, elle n’est pas à la hauteur de nos espérances. Nous nous étions fait
des illusions sur son compte. Si nous étions raisonnables, nous n’aurions pas
attendu de ces évènements plus que ce qu’ils étaient susceptibles de nous
apporter. Mais comment le savoir puisque nous n’en avions pas encore fait
l’expérience ? Peut-être en voulant simplement à l’avance que cet événement
arrive comme il arrive, tel qu’il « sera », en nous efforçant de
réprimer en nous ce mouvement par lequel nous avons tendance à l’idéaliser. (fin
de la première phase, le sujet est amené par une situation qui nous installe
dans la perspective du problème) Mais quelle est exactement la nature
de ce mouvement qu’il nous faudrait contrarier ? S’il s’agissait de
volonté, cela signifierait que nous nous appliquerions concrètement à rendre
cet événement agréable et dans cette activité, nous n’aurions pas le temps de
nous faire des illusions à son endroit, nous travaillerions à le rendre tel que
nous voulons qu’il soit. Si c’était de « besoin » dont il était
question ici, cela signifierait que cette célébration serait pour nous vitale
et que nous serions physiquement liés à sa réalisation et ici encore, le temps
de l’idéalisation manquerait. L’assoiffé ne se fait des illusions sur l’eau qui
lui manque, il la recherche avec toutes les forces dont il dispose encore.
Puisque elle ne désigne ni la dépendance du besoin ni la détermination ferme de
la volonté, cette force qu’il nous faut contrarier pour nous empêcher
d’idéaliser ce moment à venir est, sans aucun doute du désir. Effectivement,
autant le besoin et la volonté définissent des mouvements exclusivement occupés
à l’acquisition de leur objet, autant le désir décrit en fait l’attirance qui
me lie à cet objet, le champs de proximité qui s’établit à la seule idée que je
l’obtienne. Le désir n’exprime donc pas la nécessité de posséder son objet mais
l’effet que produit en nous « l’idée » de l’acquérir. Autrement dit
la nature même du désir est fantasmatique. Nous mesurons ainsi à quel point le
désir est absurde puisque il désigne cette dimension d’idéalisation que nous
intercalons entre nous et l’objet vers lequel nous tendons en l’investissant
dés lors d’une dimension quasi-divine, c’est-à-dire inatteignable. Plus je
désire un objet plus je travaille inconsciemment à me le rendre impossible.
Quoi de plus insensé ? Toutefois la question se pose de savoir ce qui
s’opère réellement au cœur de ce travail. N’y aurait-il pas dans l’absurdité
même de cet effort consistant à éloigner l’objet de nos désirs quelque chose de
juste, d’authentique, de vrai ? Ne serait-ce pas précisément en rendant
impossible l’acquisition d’un objet ou la jouissance d’un moment que le désir
nous permettrait de réaliser tout ce que ces notions même de possession ou de
jouissance, voire même d’ « objet » revêtent de
« réellement illusoire » ? (Fin de la deuxième phase, dans le sujet,
nous avons trouvé le problème à partir d’une analyse simple mais distinctive
des notions) Est-ce parce que le désir nous fait tendre vers
l’impossible qu’il est absurde, ou parce qu’il nous révèle tout ce que la
certitude de posséder ou de jouir a de faux qu’il est au contraire profondément
réaliste et lucide ? (Fin de la 3e phase :
formulation de la problématique. Nous précisons le problème et nous montrons
bien à quel point nous avons compris que la question était bien plus complexe
qu’elle pouvait le paraître, de prime abord : il est vrai que le désir est
absurde puisque il rend impossible ce que nous souhaitons avoir, mais n’est-ce
pas justement cette illusion là que le désir pointe et démasque : l’idée
même de maintenir sous son pouvoir quelque chose ou quelqu’un, la certitude "d'avoir" ou de "jouir d'un moment" sont illusoires –
Peut-être quelque chose de la vie en société a-t-elle un intérêt à nous
entretenir dans cette illusion là : celle de la propriété, de la
jouissance d’un bien, de la possession d’un acquis mais c’est faux et c’est
précisément grâce à notre désir que nous pouvons le comprendre)
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