« Dans la
manufacture et le métier, l'ouvrier se sert de son outil; dans la fabrique il
sert la machine. Là le mouvement de l'instrument de travail part de lui; ici il
ne fait que le suivre. Dans la manufacture les ouvriers forment autant de
membres d'un mécanisme vivant. Dans la fabrique ils sont incorporés à un
mécanisme mort qui existe indépendamment d'eux.
En même temps
que le travail mécanique surexcite au dernier point le système nerveux, il
empêche le jeu varié des muscles et comprime toute activité libre du corps et
de l'esprit. La facilité même du travail devient une torture en ce sens que la
machine ne délivre pas l'ouvrier du travail mais dépouille le travail de son
intérêt. Dans toute production capitaliste en tant qu'elle ne crée pas
seulement des choses utiles mais encore de la plus-value, les conditions du
travail maîtrisent l'ouvrier, bien loin de lui être soumises, mais c'est le
machinisme qui le premier donne à ce renversement une réalité technique. Le
moyen de travail converti en automate se dresse devant l'ouvrier pendant le
procès de travail même sous forme de capital, de travail mort qui domine et
pompe sa force vivante.
La grande
industrie mécanique achève enfin, comme nous l'avons déjà indiqué, la
séparation entre le travail manuel et les puissances intellectuelles de la
production qu'elle transforme en pouvoirs du capital sur le travail. L'habileté
de l'ouvrier apparaît chétive devant la science prodigieuse, les énormes forces
naturelles, la grandeur du travail social incorporées au système mécanique, qui
constituent la puissance du Maître. »
Le Capital - Karl Marx I, chap. XV
« Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources
de la richesse collective jailliront avec abondance, alors
seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé
et la société pourra écrire sur ses drapeaux « De chacun selon ses
capacités, à chacun selon ses besoins ! »
Karl Marx - Gloses marginales
au programme du parti ouvrier allemand, 1875
« La religion, du moins la chrétienne, est la relation de l’homme à lui-même, ou plus exactement à son essence, mais à son essence comme à un autre être. L’être divin n’est rien d’autre que l’essence humaine ou mieux, l’essence de l’homme séparée des limites de l’homme individuel, c’est-à-dire réel, corporel, objectivée, c’est-à-dire contemplée et honorée comme un autre être, autre particulier distinct de lui »
Ludwig Feuerbach –
L’essence du christianisme
« Le maître est la conscience qui est pour soi, et non
plus seulement le concept de cette conscience. Mais c’est une conscience
étant pour soi, qui est maintenant en relation avec soi-même par la
médiation d’une autre conscience, d’une conscience à l’essence de
laquelle il appartient d’être synthétisée avec l’être indépendant ou la
choséité en général. Le maître se rapporte à ces deux moments, à une chose
comme telle, l’objet du désir, et à une conscience à laquelle la choséité est
l’essentiel. Le maître est : 1) comme concept de la conscience de soi, rapport
immédiat de l’être-pour-soi, mais en même temps il est : 2) comme médiation ou
comme être-pour-soi, qui est pour soi seulement par l’intermédiaire d’un Autre
et qui, ainsi, se rapporte : a) immédiatement aux deux moments, b) médiatement
à l’esclave par l’intermédiaire de l’être indépendant ; car c’est là ce qui lie
l’esclave, c’est là sa chaîne dont celui-ci ne peut s’abstraire dans le combat
; et c’est pourquoi il se montra dépendant, ayant son indépendance dans la
choséité. Mais le maître est la puissance qui domine cet être, car il montra
dans le combat que cet être valait seulement pour lui comme une chose négative
; le maître étant cette puissance qui domine cet être. Pareillement, le maître
se rapporte médiatement à la chose par l’intermédiaire de l’esclave ; l’esclave
comme conscience de soi en général, se comporte négativement à l’égard de la
chose et la supprime ; mais elle est en même temps indépendante pour lui, il ne
peut donc par son acte de nier venir à bout de la chose et l’anéantir ;
l’esclave la transforme donc par son travail. Inversement, par cette médiation
le rapport immédiat devient pour le maître la pure négation de cette même chose
ou la jouissance ; ce qui n’est pas exécuté par le désir est exécuté par la
jouissance du maître ; en finir avec la chose ; mais le maître, qui a interposé
l’esclave entre la chose et lui, se relie ainsi à la dépendance de la chose, et
purement en jouit. Il abandonne le côté de l’indépendance de la chose à l’esclave,
qui l’élabore. »
G.W.F. Hegel, La phénoménologie de l’esprit (1806-1807), t.1, trad. J.Hyppolite, éd. Aubier Montaigne, 1941, pp. 161-162
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