Que nous demande-t-on
exactement dans la première question de l’explication de texte ? Faire
l’étude des articulations et donner l’idée essentielle. Nous avons travaillé suffisamment ce texte en cours pour que vous essayiez de formuler par vous-même
la thèse qui vous semble défendue par l’auteur ici. Concernant les
articulations, il s’agit de décrire le mouvement de l’argumentation de
l’auteur. Ainsi pour ce passage de Nietzsche, nous pouvons, au brouillon, faire une sorte de
schéma : 1) Il pose une distinction (promesse d’un acte / promesse d’un
sentiment) 2) il la justifie (nous contrôlons nos actes, pas nos sentiments) 3)
Il l’illustre (exemple de l’amour, de la haine, de la fidélité) 4) Il peut
maintenant en venir à son projet véritable : casser le mythe, l’illusion
de la promesse éternelle et surtout révéler ce qu’il y a
« dessous » : « sauver les meubles », « donner le
change », faire croire que l’on aime, par exemple, alors que la vérité des
sentiments est bien plus complexe 5) produire un effet d’opposition entre la
solennité de la déclaration qui promet et l’impossibilité de s’effectuer
réellement : ce que nous promettons, c’est justement ce que nous ne
pouvons pas promettre. Nous éprouvons donc, à la lecture de ce texte une
impression générale de dérision devant la contradiction inhérente à nos façons
de parler qui expriment exactement le contraire de la vérité affective que nous signifions.
Nous n’avons plus
maintenant qu’à rendre compte de l’élan de cette dynamique :
Nietzsche essaie ici de
casser le mythe de la promesse sentimentale : que cachons-nous derrière
nos serments d’amour, de haine, etc. ? Il convient de trouver la
signification exacte de cet engagement extrêmement suspect à aimer ou détester
quelqu’un toute sa vie. Pour parvenir à ses fins, l’auteur pose d’abord une
distinction entre la promesse d’agir et celle de ressentir : autant la
première est réalisable autant la seconde ne l’est pas parce que nos passions
échappent à notre contrôle. Après avoir argumenté cette distinction, le
philosophe allemand l’illustre par la référence à l’amour, la haine, la
fidélité, mais c’est surtout d’amour dont il sera question dans la quasi
totalité du passage (il est en effet, plus cruel, de démonter le mécanisme de
la promesse amoureuse que de l’engagement à haïr et Nietzsche assume cette
cruauté philosophique). Il dispose maintenant de tout ce dont il a besoin pour
« crever l’abcès », dégonfler ce mythe, le neutraliser en montrant ce
qu’il cache. Ce que nous promettons, c’est simplement de sauver les apparences
en effectuant les actes, en envoyant les signes extérieurs qui
conventionnellement correspondent à l’amour, mais c’est seulement une affaire
de bonne intelligence des signes. Nous percevons ainsi l’effet de contraste
voulu par l’auteur entre la fermeté solennelle, « déclamatoire »,
sacrée de la promesse et l’impossibilité de sa réalisation. C’est donc avec un
sentiment puissant de dérision que nous achevons la lecture de ce texte,
puisque ce que nos façons de parler nous incitent à « jurer », c’est
exactement cette face cachée du sentiment sur laquelle rien ne peut être ni
fondé, ni attesté et encore moins promis.
Bref, s'il y a bien une chose que nous devrions honnêtement promettre à la personne que nous aimons, ce serait plutôt: "l'amour, pas toujours."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire