jeudi 9 avril 2015

Explication du texte de Russell - Exercice sur deux textes de René Descartes et de Maurice Merleau-Ponty


« Lorsque nous avons la première fois aperçu en notre enfance une figure triangulaire tracée sur le papier, cette figure n’a pu nous apprendre comme il fallait concevoir le triangle géométrique, parce qu’elle ne le représentait pas mieux qu’un mauvais crayon une image parfaite. Mais, d’autant que l’idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d’un triangle peint, de là vient qu’ayant vu cette figure composée nous ne l’avons pas conçue elle-même, mais plutôt le véritable triangle. Tout ainsi que quand nous jetons les yeux sur une carte où il y a quelques traits qui sont tracés et arrangés de telle sorte qu’ils représentent la face d’un homme, alors cette vue n’excite pas tant en nous l’idée de ces mêmes traits que celle d’un homme : ce qui n’arriverait pas ainsi si la face d’un homme ne nous était connue d’ailleurs, et si nous n’étions plus accoutumés à penser à elle que non pas à ses traits, lesquels assez souvent même nous ne saurions distinguer les uns des autres quand nous en sommes un peu éloignés. Ainsi, certes, nous ne pourrions jamais connaître le triangle géométrique par celui que nous voyons tracé sur le papier, si notre esprit n’en avait eu l’idée d’ailleurs. »
                                                                                                    DESCARTES



« Les faits que l’expérience nous propose sont soumis par la science à une analyse dont on ne peut pas espérer qu’elle soit jamais achevée puisqu’il n’y a pas de limites à l’observation, qu’on peut toujours l’imaginer plus complète ou exacte qu’elle n’est à un moment donné. Le concret, le sensible assignent à la science la tâche d’une élucidation interminable, et il résulte de là qu’on ne peut le considérer, à la manière classique, comme une simple apparence destinée à être surmontée par l’intelligence scientifique. Le fait perçu et d’une manière générale les événements de l’histoire du monde ne peuvent être déduits d’un certain nombre de lois qui composeraient le visage permanent de l’univers ; c’est, inversement, la loi qui est une expression approchée de l’événement physique et en laisse subsister l’opacité. Le savant d’aujourd’hui n’a plus, comme le savant de la période classique, l’illusion d’accéder au cœur des choses, à l’objet même. Sur ce point, la physique de la relativité confirme que l’objectivité absolue et dernière est un rêve, en nous montrant chaque observation strictement liée à la position de l’observateur, inséparable de sa situation, et en rejetant l’idée d’un observateur absolu. Nous ne pouvons pas nous flatter, dans la science, de parvenir par l’exercice d’une intelligence pure et non située à un objet pur de toute trace humaine et tel que Dieu le verrait. Ceci n’ôte rien à la nécessité de la recherche scientifique et ne combat que le dogmatisme d’une science qui se prendrait pour savoir absolu et total. Ceci rend simplement justice à tous les éléments de l’expérience humaine et en particulier à notre perception sensible. »
                                                                                       MERLEAU-PONTY, Causeries

1)    Pourquoi est-il impossible, selon Descartes, que le premier triangle que nous avons aperçu dans notre enfance nous ait enseigné la figure géométrique du triangle ?
2)    « Mais d’autant que l’idée véritable du triangle était en nous. » Expliquez en utilisant l’opposition entre l’empirisme et l’innéisme. L’exemple des traits représentant un homme vous semble-t-elle vraiment efficace ? Pourquoi ? De quel ailleurs parle Descartes, selon vous ?
3)    Comparez l’idée défendue dans ce texte avec ce texte de Laplace :
« Nous devons envisager l’état présent de l’Univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de ce qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux. »
Pierre Simon de Laplace, Essai philosophique sur les probabilités
4)    « En rejetant l’idée d’un observateur absolu » : que veut dire,ici, Merleau-Ponty ?
5)    Comparez la dernière phrase du texte de Merleau-Ponty avec la thèse défendue par Russell. Les deux auteurs sont-ils en complet désaccord selon vous ?

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