dimanche 26 avril 2015

Stage de révision du 27 avril - Méthodologie (2e partie)


B) Le sujet 3
1)    Comprendre le texte (trouver l’idée essentielle)
Sur quel critère pouvons-nous nous appuyer pour savoir avec certitude que nous pouvons choisir le texte ? C’est très simple : si, au terme de trois ou quatre lectures, nous voyons bien que ce texte va dans un seul sens, qu’il défend vraiment UNE idée, et une seule, même si nous ne sommes pas encore capable de formuler précisément cette thèse, le choix du texte est viable. Si par contre, nous avons le sentiment que l’auteur se contredit ou que son discours se disperse, c’est que nous n’avons pas compris tout ce qui en fait UN texte. Il vaut mieux opter pour le sujet 1 ou 2.
Il reste cependant à saisir vraiment en quoi consiste cette idée. Deux critères peuvent nous aider dans cette recherche :
-       La force : ce texte ne nous aurait pas été proposé s’il ne contenait pas une idée « marquante », une thèse susceptible d’imprégner suffisamment les esprits de son temps et ceux des époques ultérieures.
-       La cohérence : une idée essentielle désigne le point de convergence de toutes les phrases, de toutes les affirmations, de toutes les nuances et les figures de styles dont le passage est composé.
Considérons le texte suivant de Pascal :
« Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être. Nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire, et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité ou la générosité ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir afin d’attacher ces vertus-là à notre autre être et les détacherions plutôt de nous pour les joindre à l’autre. Nous serions de bon cœur poltrons pour en acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et d’échanger souvent l’un pour l’autre. »

Nous percevons assez rapidement que globalement Pascal nous parle ici de la distinction entre l’être et le paraître, mais cela ne suffit pas du tout à définir l’idée essentielle, car ce qui intéresse le philosophe c’est précisément la réalisation concrète de cette séparation et son caractère absurde. Il ne nous suffit pas de faire en nous la séparation entre ce que nous sommes et celui que vous voulons sembler aux yeux des autres mais encore faut-il que nous donnions au second l’avantage sur le premier jusqu’à n’être plus que des fantômes, des écorces vides. Plus nous manifesterons une aptitude à cerner avec précision les nuances les plus subtiles de la pensée d’un auteur, plus nous ferons impression sur notre correcteur. Nous pouvons formuler ainsi l’idée essentielle de cet texte : Pascal dénonce ici non pas la scission entre l’être que nous sommes et celui que nous paraissons en société mais le principe même de cette inversion des valeurs par le biais duquel nous sacrifions au paraître les qualités de l’être. C’est ainsi volontairement que nous travaillons à vider notre être authentique de toute épaisseur au profit d’une apparence que nous ne faisons que revêtir superficiellement.
2)    Rédiger l’introduction
Il faut absolument nous interdire de commencer notre introduction par « ce texte nous interroge sur.. » ou bien encore « le texte qui nous est proposé ». Nous devons amener la référence à ce texte et à son idée essentielle, il importe donc de ne pas partir du fait qu’il nous est donné.
Le principe de rédaction est simple : 1 - Le thème 2- La thèse (l’idée essentielle). Le thème désigne le cadre, le contexte, le fond notionnel sur la base duquel le texte « prend déploie son argument. Pascal nous dit quelque chose mais il le soutient sur le fond problématique de tout ce qui a été dit avant lui par d’autres, de tout ce qui a été vécu et formulé par d’autres hommes. C’est ça le thème. La thèse désigne la prise de position spécifique de l’auteur par rapport à ce thème. La thèse est donc beaucoup plus précise, détaillée, aventureuse que le thème (par aventureuse, il faut entendre que l’auteur s’affirme, s’expose dans une argumentation, prend donc un risque.)

Introduction : Notre comportement n’est jamais exactement identique quand nous sommes seuls et lorsque nous sommes en compagnie d’une autre personne. Dés que nous paraissons au regard d’autrui, nous jouons un rôle. Tel adolescent fume pour revendiquer une maturité qu’il est loin de posséder et nombreux sont ceux qui semblent avoir leur portable collé à l’oreille pour montrer à leur entourage immédiat qu’ils ont beaucoup d’amis. A vrai dire, cette dissociation entre ce que nous sommes et ce que nous paraissons va beaucoup plus loin que de tels exemples le laissent à penser, car pour nous intégrer à un groupe, pour nous faire apprécier, voire tout simplement pour ne pas déroger à tous les codes en vigueur dans nos mentalités, nos traditions, nos normes familiales, professionnelles ou sociales, nous sacrifions notre authenticité à notre apparence. Nous n’existons qu’à la surface du personnage que nous jouons pour nous faire accepter des autres, pour incarner à leurs yeux l’image de la réussite (thème). Ici Pascal fustige cette attitude en en dénonçant l’absurdité, la caducité, car c’est de notre propre mouvement que nous nous vidons de nous-même pour incarner une marionnette. Nous préférons perdre les qualités authentiques que nous avons en les exhibant, en les dénaturant, en les mimant plutôt que de les cultiver pour ce qu’elles sont en réalité. Le propos de Pascal est donc de dénoncer cette inversion des valeurs par le biais de laquelle il nous est devenu tellement naturel de feindre que nous ne pouvons ni nous réjouir de cette apparence superficielle que nous faisons semblant d’être, ni nous contenter de cette authenticité qui définit vraiment notre personnalité. Il nous est communément impossible d’être sans vouloir paraître et de paraître sans désirer être nous-mêmes. Nous oscillons ainsi constamment entre l’envie d’être vraiment celui que nous sommes et l’ambition de le faire savoir aux autres, biais par lequel nous ne le sommes plus authentiquement (thèse).

3)    La structure du texte

Il est impossible d’expliquer un texte sans comprendre sa structure, c’est-à-dire son mode de fonctionnement. On peut avoir l’impression que le passage en question est figé, clos sur lui-même, mais c’est faux : il ne serait pas proposé s’il n’était pas à même de dynamiser toute pensée faisant preuve de suffisant de bonne volonté pour percevoir son mouvement. En d’autres termes, tout texte philosophique est une « machine à convaincre » qui essaie de nous faire convenir d’une idée essentielle. Il s’agit maintenant pour nous de saisir son mode fonctionnement. Comme pour la dissertation, le correcteur du bac fera facilement la différence entre les candidats qui essaient de s’ouvrir à la pensée d’un auteur (ce qui ne signifie que nous devions nécessairement être d’accord avec lui) et ceux qui veulent en finir le plus vite possible. C’est une affaire de disposition d’esprit dans laquelle il faut se mettre avant même de commencer l’épreuve. Le passage doit susciter en nous le désir de penser, la volonté d’expliquer vraiment ce texte là, sans nous en écarter mais aussi d’exprimer tout ce qu’implique les thèses défendues, ce qu’elles évoquent, ce qu’elles induisent. Il s’agit de se maintenir constamment entre ces deux défauts qui seront également sanctionné: la paraphrase et le dépassement.
Comprendre un texte, c’est aussi distinguer clairement sa façon d’argumenter l’idée qu’il défend. Il y a un cheminement d’esprit grâce auquel l’idée petit à petit progresse, suit son cours. Ce n’est pas que l’auteur prenne des détours, c’est plutôt qu’il est impossible que sa thèse s’impose à nous « d’un seul coup ». Ce n’est pas une révélation, c’est nécessairement une démarche.
Prenons comme exemple ce texte d’Emmanuel Kant :
« L'homme est un animal qui, du moment où il vit parmi d'autres individus de son espèce, a besoin d'un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables ; et, quoique, en tant que créature raisonnable, il souhaite une loi qui limite la liberté de tous, son penchant animal à l'égoïsme l'incite toutefois à se réserver dans toute la mesure du possible un régime d'exception pour lui-même. Il lui faut donc un maître qui batte en brèche sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté universellement valable, grâce à laquelle chacun puisse être libre. Mais où va-t-il trouver ce maître? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Or ce maître, à son tour, est tout comme lui un animal qui a besoin d'un maître. De quelque façon qu'il s'y prenne, on ne conçoit vraiment pas comment il pourrait se procurer pour établir la justice publique un chef juste par lui-même : soit qu'il choisisse à cet effet une personne unique, soit qu'il s'adresse à une élite de personnes triées au sein d'une société. Car chacune d'elles abusera toujours de la liberté si elle n'a personne au-dessus d'elle pour imposer vis-à-vis d'elle-même l'autorité des lois. Or le chef suprême doit être juste pour lui-même, et cependant être un homme. Cette tâche est par conséquent la plus difficile à remplir de toutes ; à vrai dire sa solution parfaite est impossible. »
Kant expose un problème que nous ne pouvons résoudre que partiellement, imparfaitement : le gouvernement de l’homme par l’homme. Il s’agit donc pour lui de nous faire convenir d’une impasse, d’une situation bloquée et toute son argumentation consiste à mettre en place une souricière parce que nous ne pouvons ni évacuer la difficulté ni la solutionner. La rigueur de la progression ici est implacable, logique.
Nous sommes d’emblée placés devant la question du maître, car tout homme possède deux caractéristiques fondamentales : il est raisonnable d’une part mais aussi porté à favoriser son intérêt propre en toute circonstance, de telle sorte qu’il lui faut une autorité pour faire en lui pencher la balance du « bon » côté. L’homme comprend le devoir d’être raisonnable quand il réfléchit mais cède à ses inclinations quand il se laisse gouverner par ses appétits : voilà le problème qui appelle comme solution « le maître ». Malheureusement l’autorité n’échappe pas aux conditions préalables de la difficulté qu’elle est censée résoudre puisque ce dirigeant sera lui-même un homme sujet à la même dualité que ceux qu’il doit régir : animalité et raison. L’homme est assez conscient de ce qu’il est pour comprendre qu’il a besoin d’une justice supérieure mais il est aussi trop faible pour l’incarner. Comme la solution ne peut résoudre le problème, reste le problème. Le point crucial du texte est la question : « Mais où va-t-il trouver ce maître ? » puisque la réponse : »nulle part ailleurs que dans l’espèce humaine. »  nous replonge dans les termes mêmes du problème.

4) Expliquer le texte
Il n’est pas plus envisageable de prétendre à la totale compréhension d’un texte que de croire que l’on peut répondre à la question posée dans le sujet 1 ou 2. La plupart des candidats rendent des copies trop courtes parce qu’ils pensent avoir globalement compris le passage. Comprendre, c’est dans leur esprit, « résumer », mais c’est la démarche exactement contraire qu’il faut adopter. Tout texte est en lui-même « une matière à réflexion », au sens propre. Il convient donc de suivre son évolution sans jamais le trahir mais sans se fermer non plus à ce que chacune de ses nuances peut susciter en nous de questionnement, de prolongement voire d’esprit d’opposition. Evoquer des auteurs défendant des positions radicalement contraires nous permettra de mieux saisir l’enjeu du texte, la résonance des thèses défendues.
Il convient d’éviter le plus possible les formules de style indirect : « l’auteur dit que….Il pense que…etc. » Il est compris dans ce type d’exercice que nous parlons « dans » le texte. Il s’agit finalement de rendre compte de l’impact d’une pensée sur la notre étant entendu qu’en choisissant ce type de sujet, nous nous sommes engagés à rendre compte avec nos mots d’une réflexion qui sans être la notre trouve en nous un interlocuteur attentif et rigoureux.

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