Nous
ne nous attachons jamais à une personne, à un groupe, une collectivité, une
institution, un état, une religion sans que cette « adhésion »
(mettons ce terme entre guillemets car notre intégration dans un état ou une
religion est souvent une donnée « de fait » que nous n’avons pas
choisie en naissant ici plutôt qu’ailleurs, dans telle famille pratiquante, ou
pas) sans que cette relation ne soit préalablement posée à l’intérieur de
limites prédéfinies. Les termes utilisés dans certains propos, voire
« manuels » de bonne éducation des enfants sont particulièrement
édifiants : un enfant a besoin de « règles », de
« structures ». Il faut qu’il sache jusqu’où il peut aller. Avoir des
enfants, ce serait d’abord imposer des limites. Cela signifie donc que le lien
parental qui, en un sens, est le plus « naturel » qui soit :
relation des géniteurs à leur progéniture, ne peut se concevoir comme la
libération exclusive d’un sentiment d’affection, d’attachement. Ce rapport,
censé être bâti sur le fait donné d’une approbation essentielle, fondatrice et
protectrice, une sorte de « OUI » inconditionnel à l’existence de son
enfant s’accompagnerait en fait de l’entrée en vigueur d’un « NON »,
non moins essentiel visant à inscrire ce lien dans un certain registre de
relations au sein duquel on pourrait faire certaines choses à l’exclusion d
‘autres décrétées « interdites », illégales, incorrectes,
« tabous ».
L’Éternel,
dans la Genèse, ne se comporte pas autrement à l’égard de ses créatures en leur
accordant le droit de manger le fruit de l’arbre de vie, mais pas celui de
l’arbre de la connaissance du bien et du mal. A peine Adam et Eve ont-ils été
créés que déjà ils se voient limités dans leur liberté d’action par un
Interdit. C’est comme si le fait d’être s’accompagnait d’emblée par un
« ne pas faire » fondamental.
Cette
énergie positive par le biais de laquelle nous sommes enclins à lier
connaissance avec Autrui, à entrer en rapport avec lui, à lui vouer une affection
« première », semble contrariée voire ramenée au second plan par la
négativité radicale de l’interdit : « Tu ne dois pas »,
« mais du fruit, tu ne mangeras pas ». Il semble bien que cette
efficience positive du lien ne puisse donc se concevoir, pour les êtres
humains, sans ce pendant négatif de l’interdiction. C’est comme si nous ne
pouvions pas développer notre « inter – activité » ailleurs que dans
cette zone « interstitielle » de « l’inter – diction ». De
la transgression de l’Interdit édicté par l’Eternel va naître l’engagement de
la communauté, suivant les pas de leurs géniteurs désobéissants, dans une
« voie », certes douloureuse mais humainement
« interactive ». La question est donc de savoir si les liens qui nous
unissent à nos semblables, quelle que soit la nature de ces liens, peuvent
échapper à ce « non ». Sont-ils condamnés à n’être que le positif d’un
« négatif » premier, d’un acte de répression et d’autorité sans
lequel aucun rapport humain ne pourrait se constituer ?
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