Ce sujet est tellement vaste qu’il convient de
déterminer par notre plan plusieurs champs de recherche à l’intérieur desquels
les différents sens possibles de la question pourront faire l’objet d’un
traitement philosophique rigoureux, précis. La démarche la plus simple sera
sans aucun doute la plus efficace. Qu’est-ce qui nous relie les uns aux
autres ? La religion d’abord, non seulement parce que son
étymologie : le latin « religare » (faire lien) nous oriente
directement dans cette voie, mais aussi parce qu’il n’y a pas de société sans
religion. Historiquement, c’est la
religion qui a structuré la communauté. Que la première modalité d’adresse
de Dieu à ses créatures se trouve être, dans la Genèse,
l’Interdit : « Tu ne mangeras pas le fruit de l’arbre de la
connaissance du bien et du mal » ne saurait être évidemment une
coïncidence. Pour chacune des parties, il conviendra de préciser à l’avance
dans le domaine exploré ce qui fait lien et la nature de l’Interdit :
1-
Dans la Religion, nous sommes
unis par des croyances et des rites.
La forme de l’interdiction est l’Interdit
(notamment le fruit défendu) et les
Commandements. La question peut donc être déclinée de la façon
suivante : « Ne pouvons-nous
partager, au sein de notre communauté, les mêmes croyances et mêmes rites
religieux qu’à partir de l’émergence de l’interdit ? »
2-
Dans la Société, ce qui nous
relie est l’échange (sous toutes ces formes : échanges de biens, de
services, de paroles, d’idées, etc.). L’interdit s’impose à nous sous la forme
des lois. La question devient donc : « Ne pouvons-nous échanger des biens, des services, des contrats,
des promesses, etc. qu'à l'intérieur d'un cadre structuré par des lois ? »
3-
Dans la famille, nos rapports
sont d’emblée déterminés par notre « situation » : père, mère,
fille, etc. La question qui se pose est donc celle de savoir si ces « situations » (mais
peut-être pourrions-nous également utiliser le terme de « fonctions »)
sont à même de « valoir » et d’opérer dans le milieu familial indépendamment
de la prohibition de l’inceste ?
4-
Nous sommes également liés
par de purs rapports affectifs. L’interrogation portée par le sujet s’avère ici
particulièrement simple : « Peut-on
aimer et être aimé(e) sans tabous ? », ou, pour le dire
autrement : « N’est-ce
pas toujours à partir de tabous rendant possible tel genre d’affection à
l’exclusion de tel autre que nous pouvons laisser libre cours à l’expression de
nos sentiments amoureux ? » (Peut-on aimer sans avoir à préciser "comment" on aime, indifféremment, sans détermination de "cadre": amitié, amour, sexualité, complicité, etc ?)
La difficulté de cette
dissertation résidera aussi dans la nécessité pour nous de ne jamais oublier, dans
aucune des quatre parties traitées, la question essentielle mise à jour dans
notre travail de problématisation préalable : ne serait-ce pas le propre
de l’homme que ne pouvoir faire « groupe » autrement que sur la base
de ce processus de neutralisation de l’action par de la diction. Peut-il exister de
« l’interhumain » hors d’un champ d’interactions délimité par des
interdictions ?
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