1)
Le
mot : « Humanité » qui figure dans le titre de l’opuscule
peut être compris, au moins, en deux sens, formulez ces deux acceptions et
montrez en quoi elles s’opposent dans l’esprit de Kant et dans celui de
Benjamin Constant.
2)
Résumez
la pensée de Benjamin Constant telle qu’elle est formulée dans les paragraphes
1 et 2. Le raisonnement du philosophe français vous semble-t-il recevable ?
Pourquoi ?
3)
Sur
quoi repose le droit à la vérité, selon vous ?
4)
Quelle
est l’argumentation développée par Emmanuel Kant pour contredire le
raisonnement de Benjamin Constant ?
5)
Définissez
la vérité subjective (éventuellement donnez des exemples) et la vérité
objective.
6)
Quelle
est le ton utilisé par Kant lorsqu’il évoque une « singulière logique ».
En quoi consiste-t-elle ?
Réponses:
1) Pour le sens commun, nous accomplissons un acte
« par humanité » lorsque nous le réalisons par compassion ou par
bienveillance. Il est « humain » d’aider son prochain, même et
peut-être surtout si cela nous conduit à agir contre la logique. Par humanité,
on peut agir de façon irrationnelle. Etre humain c’est laisser agir des
motivations affectives. On peut se laisser apitoyer par la détresse de notre
semblable et l’aider même si cela va à l’encontre d’une règle quelconque. Par
conséquent, il s’agit de laisser prévaloir l’immédiateté ou l’urgence d’un
contexte dans lequel un geste de notre part peut aider une autre personne même
si en le faisant, nous ne respectons plus un règlement ou une consigne. On est
humain quand on n’agit pas par conformité pure à la loi.
Lorsque Kant évoque la loi
morale, il ne pense pas à la loi au sens légal du terme. La loi morale, c’est
la forme même de la notion de loi, à savoir l’universalité et c’est le propre
de l’homme en tant qu’il est libre de suivre cette loi morale qui lui permettra
‘agir en suivant la raison plutôt que de se laisser incliner du côté des
sentiments et des passions. C’est donc aussi par humanité qu’il défend la thèse
opposée à celle de Benjamin Constant. Il y a l’humanité comme sentiment et
l’humanité comme « genre humain », comme universalité. Sur quel
critère peut-on fonder une sociabilité humaine ? Pour Benjamin Constant,
sur une « entente » qui peut inclure le mensonge si celui-ci nous
permet concrètement de vivre ensemble. Pour Kant sur l’universalité de la loi
morale, laquelle interdit inconditionnellement le mensonge, car aucun contrat
humain ne peut se concevoir sur le fond de la trahison universelle de toute
parole donnée.
2) L’idée de Benjamin Constant est qu’il doit exister
des principes intermédiaires entre les principes purs et la réalité de la vie
en société. Aucune vie communautaire n’est possible sans une certaine
souplesse, sans une marge de manoeuvre admise entre ce que nous devons
absolument faire et ce que nous pouvons faire. Ainsi il est mal de mentir
(Principe) mais il est impossible de vivre en société sans mentir parce que
certaines situations nous contraignent à le faire. On doit donc créer des
principes intermédiaires : le mensonge est interdit sauf s’il permet de ne
pas nuire à quelqu’un.
Nous avons le devoir de dire
la vérité, mais des personnes dotées d’intentions meurtrières se sont, du fait
même de ces intentions, situés hors du cadre moral et légal. Ils se sont ainsi
exclus du droit à l’égard duquel nous sommes susceptibles de nous estimer
« tenus » de leur dire la vérité. Les hommes sont reliés entre eux
par l’efficace d’un contrat implicite mais ils se sont d’eux-mêmes exclus de ce
contrat et nous leur devons plus rien dés lors qu’ils ne respectent plus les
termes mêmes de ce contrat.
3) Une affirmation est vraie quand elle est démontrée.
On n’accède à une vérité que lorsque nous faisons un raisonnement, examinons
des preuves ou des témoignages, mais il n’y a pas ici de « droit »
qui puisse entrer en compte sans quoi la question de « l’autorisation »
primerait sur celle de la « démonstration ». La vérité est une
affaire de recherche, pas d’accréditation. Elle s’impose à toute personne assez
rigoureuse pour mener un travail de vérification jusqu’à son terme. Cette
universalité du Droit et de la morale que Kant défend est toujours à
accomplir : elle est un devoir, tandis que l’universalité de la vérité
fait déjà partie intégrante de la notion. La vérité n’a pas à devenir
universelle pour être vraie, elle est déjà par essence la notion même d’universalité.
Est vrai ce qui peut être dit pour tout le monde, en tout lieu et en tout
temps. La vérité c’est l’Universel, la loi morale, c’est l’universalité qu’il
me faut instaurer en toute action : elle est un devoir.
4) Ce qui fait que la proposition : « la Tour
Eiffel est à Paris » est vraie vient de sa conformité avec une réalité. Si
je vais à Paris, j’y verrai la Tour Eiffel. Ce n’est pas une affaire de volonté.
On ne voit pas bien comment l’on pourrait intercaler dans mon rapport à cette
vérité une question de « droit », de légitimité. Il n’est pas
légitime d’affirmer que la Tour Eiffel est à Paris, c’est simplement vrai. Ce
n’est pas une question de reconnaissance ou d’habilitation mais de connaissance
et d’exactitude.
5) Un croyant a le droit d’affirmer que Dieu existe.
C’est là une vérité de foi qui lui donne une certitude non prouvée,
infalsifiable. Mais il s’agit ici d’une vérité subjective, précisément parce
qu’elle n’est pas démontrable. Une vérité objective est une proposition fondée,
justifiée, mais il ne faut pas confondre la légitimité (droit) et la
vérification (vérité).
6) S’il fallait reconnaître un droit à la vérité
objective, alors une proposition ne serait reconnue comme vraie qu’à ceux qui y
ont droit. Cela signifierait qu’il faudrait rajouter au critère de l’exactitude,
de la fiabilité testée, démontrée d’une proposition celui de la « vertu »
du chercheur et il resterait à déterminer le critère même de l’attribution de
ce qualificatif : « vertueux ». C’est comme si une proposition
vraie ne se suffisait plus à elle-même pour être vraie. « Si Socrate est
un homme et si tous les hommes sont mortels alors Socrate est mortel » :
cette proposition est vraie parce qu’elle est cohérente et que la conclusion
suit exactement les prémisses, on ne voit pas où pourrait se glisser dans cette
cohérence la question du droit ou de l’autorisation. Suivre Benjamin Constant
reviendrait à poser le raisonnement suivant : « Si Socrate est un
homme et si tous les hommes sont mortels, Socrate n’est mortel que pour ceux
ont le droit de retirer la seule conclusion logique des prémisses. Pour les
criminels, par exemple, Socrate ne serait pas mortel.
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