(Le traitement de cette question fait l’objet d’un cours. Pour autant, les différentes étapes de son approfondissement définissent également une façon méthodologique d’aborder le sujet. Il convient donc que vous vous rendiez attentives et attentifs à cette progression qui reprend exactement quoi qu’avec plus de temps, ce qu’il vous faudra réaliser le jour de l’épreuve. Même si l’objectif avoué de cette question est de nous permettre de traiter les notions de conscience, d’inconscient, de liberté, de devoir, entre autres), il convient de saisir la démarche philosophique qu’il s’agira pour vous d’appliquer à tous les sujets de dissertation. Gardez bien à l’esprit que nous travaillons dans cette double perspective (travail des notions et méthodologie de la dissertation (sujet 1 et 2 du baccalauréat))
Si ma vie était une toile, ce serait…..parce que…..sauf que…..
Si ma vie était une musique, ce serait… parce que….sauf que…..
Et ainsi de suite (4 phrases)…Il faut simplement que vos réponses fassent sens, vous n’avez surtout pas à raconter votre vie personnelle. Si certaines oeuvres nous touchent plus que d’autres, c’est peut-être parce que nous y retrouvons une dimension, une ambiance, une complexité qui consciemment ou pas fait directement écho à notre perception de notre vie. Ce petit exercice nous permet de rentrer tout de suite dans le sujet: que l’on puisse comparer notre vie à une oeuvre semble plutôt répondre favorablement au sujet mais en même temps il vous faut préciser ce qui rend cette assimilation douteuse ou finalement impossible.
1) Problématisation du sujet
Suis-je aussi « auteur de ma vie » que Gustave Flaubert est l’auteur de Madame Bovary? N’est-il rien de ma vie qui m’échappe de telle sorte que je puisse revendiquer d’en être entièrement le maître d’oeuvre, jusqu’à dire du plus inattendu de ses détours que je les assume, que j’en suis l’auteur lors même que je n’ai pas voulu ce détour?
Il peut être intéressant par exemple de remarquer qu’aucun parent de bon sens n’oserait affirmer qu’il est l’auteur de le vie de son enfant parce que cela signifierait qu’il a engendré son enfant comme une oeuvre dont il serait le créateur (même si certaines expressions de la langue française sont très ambiguës à ce propos: l’auteur de mes jours, ils m’ont donné la vie, etc.) On comprend ainsi mieux le sens que revêt la notion d’auteur. Être l’auteur d’une oeuvre ne signifie pas que l’on en est la cause, l’origine, mais qu’on en est « l’artisan », que l’on en a maîtrisé la réalisation du début jusqu’à la fin. Cette chose sans moi ne serait pas ce qu’elle est, ce qui n’a aucun rapport avec le fait de dire que cette chose sans moi ne serait pas. Cette nuance est fondamentale.
Le regard que nous projetons sur notre vie est en lui-même problématique, parce que la distinction entre ce qui regarde et ce qui est regardé n’est pas réellement déterminable. Que suis-je d’autre que ma vie, en fait? Où trouver en moi ce moi spectateur du moi vécu sans le positionner dans une dimension complètement illusoire, vide, inexistante? Tout regard que l’on porterait sur sa vie serait donc fondé sur cette spéculation au gré de laquelle on pourrait « être », consister dans autre chose que ce corps vivant qui en cet instant existe. On se rend peut-être ainsi plus sensible à la profondeur et à la difficulté d’appliquer la maxime de Socrate: « Connais toi toi même et tu connaîtras l’univers et les Dieux. » puisque l’identité requise entre le sujet connu et l’objet connu (toi-même!) est comme préalablement remise en question, fragilisée voire interdite par une action impliquant nécessairement une dualité entre ce qui connaît et ce qui est connu. Pour me connaître moi-même, il faudrait que je sois extérieur à moi, donc que je ne sois pas « moi ».
S’il est difficile voire impossible de faire de sa vie un « objet », une réalité perceptible, on mesure à quel point il n’est absolument concevable de se prétendre l’auteur de sa vie, pour cette seule raison que l’on ne peut pas être l’auteur d’une oeuvre dont l’existence est en elle même en question. Si je ne peux pas concevoir ma vie, la définir au sens de circonscrire comme une réalité limitée dans le temps et dans l’espace, a fortiori suis-je encore moins justifié à me considérer comme l’auteur de cette « oeuvre » qu’il n’est pas possible de « produire », de faire apparaître comme « une » oeuvre, puisque elle n’est pas encore achevée.
Mais pourtant que suis-je donc en train de faire ou d’être si ce n’est pas « ma vie »? N’est-elle pas toujours efficiente dans cette densité pure et sans faille, dans cette continuité ininterrompue de tous les instants de ma vie? Puisque rien ne saurait m’arriver sans que je le vive, sans que je le sois, ne suis-je pas, plus que de tout autre ouvrage volontairement entrepris, l’auteur de ma vie, comme une paternité souterraine mais opérationnelle 24 heures sur 24, des premières secondes de ma naissance jusqu’à mes derniers instants? Quelle que soit mon occupation du moment, j’y écris nécessairement la suite du roman de ma vie.
Si, donc, en un sens, la vie est bien ce qui m’a été donné « brutalement », sans consultation, sans que j’ai mon mot à dire, encore moins à écrire à ce sujet, puisque elle constitue la condition fondamentale, première, incontournable, qui fait qu’en cet instant je suis, en un autre sens, on voit mal , précisément pour la même raison, de quoi d’autre je serais à même de me proclamer comme « le créateur » puisque, de fait, quoi que je fasse de ma vie, ou quoi qu’il advienne de ma vie, ce sera toujours la « mienne », ce sera toujours cet « ouvrage en chantier » dont je suis bel et bien en train de conserver la trace, d’enregistrer les épisodes heureux ou malheureux indifféremment, comme un écrivain rédige presque sous la dictée l’histoire qui petit à petit se tisse dans sa pensée au fur et à mesure qu’il la conçoit (mais est-ce vraiment lui consciemment qui la conçoit?)
2) Compréhension des termes du sujet
Il est clair que toute la difficulté du sujet vient de l’association des notions d’auteur et de « vie ». « Dans » ma vie, je peux être l’auteur d’un livre, d’une toile, d’une démarche, d’une entreprise, ce qui signifie que j’en ai conçu le projet, que j’en ai organisé la réalisation, que j’ai supervisé et réfléchi tous les détails et que je peux ainsi me considérer comme une sorte de Dieu de démiurge, de créateur qui a non seulement donné vie à cette réalisation mais qui a fait d’elle ce qu’elle est, un peu comme un mécanicien amateur qui construirait pièce par pièce une voiture et qui pourrait dire: c’est moi qui l’ai conçue et montée. Mais on ne peut pas se dire l’auteur de sa vie puisque non seulement nous n’avons pas décidé de vivre, mais aussi parce que de nombreux évènements de notre vie changent notre vie et lui donne une direction que l’on n’a pas souhaitée.
Inversement, on peut opposer que tout ce qui nous arrive EST « nous », c’est-à-dire que celle ou celui que nous sommes consiste précisément dans cette sorte d’arrangement continu au fil duquel nous composons, nous faisons avec, les aléas de nos existences. Certes, chacune et chacun de nous fait ce qu’il peut avec ce qui lui arrive et s’imagine souvent qu’il n’est pas ce que la vie a fait de lui parce que lui aurait voulu, préféré, choisi une autre voie que celle de la réalité, mais de qui parlons nous en fait quand nous tenons ce genre de raisonnement? Où se trouve ce moi qui aurait du être comme ceci ou cela? Nulle part. Si nous ne le sommes pas devenus, peut-être est-ce précisément parce que cette image de soi est un leurre, qu’il n’a jamais fait partie de notre potentiel, de notre être véritable. Ne serait-ce pas une très belle et surtout très juste leçon de sagesse que de considérer que nous sommes exactement ce moi qui en cet instant « est », sans que le regret ou que l’anticipation « débordent » de cet aplomb, de cette ligne pure, exacte et fulgurante qui nous fait nous situer à la verticale parfaite de l’existence. Ce que je suis, c’est ça: cette vie efficiente en cet instant, ouverte à l’inconnu que recèle nécessairement ce présent pur. L’acceptation du présent telle qu’elle est défendue par Marc-Aurèle, par Epictète, c’est-à-dire par les stoïciens est peut-être à situer aussi dans cette perspective. Comment nous situer par rapport à ce que nous sommes? De quelle modalité d’appropriation, si tel était le bon terme (et ce n’est sûrement pas le cas) faut-il que nous fassions usage pour manifester notre intérêt, notre rapport à nous-même, le fait que nous soyons concernés?
Nous ne pouvons pas ne pas assumer le fait d’exister, le fait d’être nous, parce qu’alors nous perdrions le seul point d’ancrage qui nous relie à la vie, mais, en même temps, cette vie dont je ne peux pas me désolidariser m’apparaît toujours comme inachevée, incomplète, confuse, faite de bricolages, d’épisodes hasardeux, comme si nous improvisions constamment des montages, des solutions précaires et floues pour répondre à ce défi d’être constamment « soi-même » au fil d’expériences fragmentées, diverses, multiples. Comment se dire l’auteur de cette « bouillie », de cet appareillage étrange fait de tentatives plus ou moins avortées pour vivre. C’est l’un des sens possible du fameux vers de Valéry dans le cimetière marin: « le vent se lève, il faut tenter de vivre. » Vivre, c’est ce que l’on tente de faire et, en même temps, il n’est peut-être rien de mieux, ni de plus que cette tentative qui puisse se concevoir comme mon « oeuvre ».
Mais que signifie vraiment « être auteur »? On peut distinguer cette notion de celé d’acteur ou d’agent. On est acteur de sa vie quand on prend des décisions dans sa vie, quand on agit; Cela signifie que l’on n’est pas passif, que l’on est partie prenante mais cette initiative reste cependant moindre que celle qui est suggérée par le terme d’auteur, lequel ne se contente pas de déclencher un projet ou un acte mais le construit pour soit exactement ce qu’il est. Nos parents ne sont pas les auteurs de nos vies parce que même s’ils sont ceux qui nous permettent de vivre, ils ne nous imposent pas que notre vie soit telle ou telle (en tout cas, ils ne devraient pas le faire)
La notion « d’agent » fait signe d’une prise de décision bien inférieure à celle d’auteur. L’agent est toujours « missionné ». Il est celui qui organise, administre ou supervise un projet qu’on lui a fixé. Etre agent c’est se sentir en charge d’un devoir, d’une tâche qu’une autre personne nous a donnée. Si je me considère comme « l’agent » de ma vie, cela signifie que je fais de mon mieux pour aller jusqu’au bout de cette tâche qu’est vivre. Etant entendu qu’on m’a donné cette chance de vivre, j’essaie de me conformer à cette mission. Lorsque le sociologue Milgram parle de l’état « agentique », il désigne précisément cette propension à l’obéissance sommeillant en chacune et en chacun de nous. On perçoit bien ainsi que la notion d‘auteur n’est pas du tout conforme à l’esprit de cette subordination,
On peut encore essayer d’éclaircir cette notion d’auteur en essayant de la situer par rapport aux quatre types de causalité définies par Aristote:
- La cause matérielle: rien ne peut exister sans être fait dans une matière. Par exemple, le marbre est la cause matérielle de la statue.
- La cause formelle: toute chose et tout être ont une forme. Supposons que la statue représente un homme. L’homme est la cause formelle de la statue
- La cause efficiente: toute chose a un créateur. La cause efficiente de la statue est le sculpteur
- La cause finale: tout ce qui est, selon Aristote a été fait dans un certain but: la cause finale de la statue est l’esthétique.
Si nous essayons de situer la notion d’auteur par rapport à ces quatre définitions, il ne fait aucun doute qu’elle correspondrait plutôt à la cause efficiente. Quelle est la cause matérielle de ma vie? Mes parents. Quelle est la cause formelle de ma vie? C’est une vie humaine. Quelle est la cause finale? Les réponses peuvent varier selon que l’on pense être sur terre pour une raison précise qui aurait rapport à Dieu ou au destin, ou pas du tout, mais, en tout cas, cette question ne peut recevoir une réponse certaine (elle est de nature métaphysique ou religieuse).
Mais nous comprenons mieux le problème: la question n’est pas de savoir ce qui fait que je suis en vie, ni pourquoi je suis en vie, ni en tant que quoi je suis supposé vivre mais plus spécifiquement de savoir si je suis le principe déterminant qui explique que ma vie soit telle qu’elle est.
Etymologiquement « Auteur » vient du latin auctor qui signifie « instigateur, fondateur, auteur ». Auctor est dérivé du verbe augere, « faire croître, augmenter ». L’auteur est donc « celui qui augmente ».« Auteur » a la même origine que « autorité » : auctoritas en latin dérive également de augere, augmenter. Mais, en indo-européen, la racine aug- désigne la force, notamment la force divine. Alors, augere en latin a un sens plus fort que simplement « augmenter ». Augere, augmenter, c’est accroître ce qui existe déjà, mais dans un sens plus ancien, c’est produire ce qui n’existe pas encore. Augmenter le réel, c’est créer. L’auteur est donc un créateur. Il jouit à l’égard de sa création d’une autorité proprement divine.
Il est d’usage de distinguer le fait d’être vivant de celui d’être « existant ». Vivre, c’est avoir un certain nombre de fonctions et de nécessités organiques à satisfaire. C’est, à la limite un terme de biologie. A l’égard de la vie, en ce sens là, nous sommes passifs. Exister désigne au contraire une action ex/sister ex/sistere: jaillir, se tenir hors de. Exister c’est revendiquer le fait de vivre et marquer de son empreinte la vie. De ce point de vue, si je suis l’auteur de ma vie, il ne fait aucun doute que j’existe. Par contre, si je ne le suis pas, je ne fais que « vivre ».
3) Idée de plan
Si une réponse s’imposait de façon évidente, définitive et surtout univoque, cette question ne pourrait pas faire l’objet d’un traitement philosophique. Nous avons bien croisé ces ambiguïtés: si par être l’auteur de sa vie », on entend être le concepteur de tout ce qui la constitue, il semble assez difficile de répondre par « oui » car il arrive de multiples choses non désirées par nous dans notre vie, mais est-ce bien là dans cette conception totalitaire de l’auteur que nous avons à nous inscrire? Je ne suis pas l’auteur de tout ce qui m’arrive dans la vie, mais je suis l’auteur de l’attitude que j’adopte face à ce qui m’arrive. C’est très exactement en cette attitude que consiste la sagesse des Stoïciens. Etre à la hauteur de ce qui nous arrive, c’est, sans jeu de mots, le seul moyen d’être l’auteur de sa vie, à condition donc de ne pas aspirer à maîtriser ce qui se situe hors de notre puissance:
« Il y a des choses qui dépendent de nous et d 'autres qui ne dépendent pas de nous. Ce qui dépend de nous, c'est la croyance, la tendance, le désir, le refus, bref tout ce sur quoi nous pouvons avoir une action. Ce qui ne dépend pas de nous, c'est la santé, la richesse, l'opinion des autres, les honneurs, bref tout ce qui ne vient pas de notre action. Ce qui dépend de nous est, par sa nature même, soumis à notre libre volonté; nul ne peut nous empêcher de le faire ni nous entraver dans notre action. Ce qui ne dépend pas de nous est sans force propre, esclave d'autrui; une volonté étrangère peut nous en priver. Souviens-toi donc de ceci : si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature, esclave d'autrui, si tu crois que dépende de toi ce qui dépend d'un autre, tu te sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l'âme inquiète, tu t'en prendras aux dieux et aux hommes. Mais si tu penses que seul dépend de toi ce qui dépend de toi, que dépend d'autrui ce qui réellement dépend d'autrui, tu ne te sentiras jamais entravé dans ton action, tu ne t'en prendras à personne, tu n'accuseras personne, tu ne feras aucun acte qui ne soit volontaire; nul ne pourra te léser, nul ne sera ton ennemi, car aucun malheur ne pourra t'atteindre. » (Epictète, Manuel, I)
Le philosophe Gilles Deleuze (1925 - 1995) crée à partir de cette conception des Stoïciens un nouveau concept de causalité que nous pourrions rajouter aux quatre déjà existantes d’Aristote, c’est celle de « quasi-causalité ». Nous ne sommes en aucune manière la cause de ce qui nous arrive mais nous pouvons tenter d’en devenir la quasi-cause en créant un style d’être ou d’oeuvre totalement nouveau à partir de cet accident ou de cet aléa.
Django Reinhardt n’est pas la cause de l’incendie qui a privé de mobilité deux de ses doigts mais il est bien l’auteur du style de musique qui va voir le jour à partir de cette incident. C’est bien ça, la quasi-causalité: cela désigne notre capacité à improviser une pratique, une oeuvre, une attitude totalement imprévisible à partir d’un évènement non voulu et éventuellement dramatique. Django Reinhardt est la quasi cause du drame qui l’a frappé en entérinant sa nouveauté, sa brutalité et en la validant par une pratique artistique que rien ne pouvait laisser pressentir. Dans cette notion de quasi-causalité, quelque chose d’une compatibilité entre deux thèses qui pourtant nous apparaissaient inconciliables voit le jour: 1) nous ne voulons pas tout ce qui nous arrive 2) nous sommes, en quelque sorte, ce qui nous arrive.
La notion d’auteur revêt pour le moins trois dimensions distinctes:
1) Une dimension métaphysique (la métaphysique désigne cette partie de la philosophie qui s’interrogent sur les questions les plus premières et les plus difficiles: Dieu, la matière, l’esprit, les premiers principes. D’où vient que le monde existe? Y-a-t-il un commencement? Etc.) L’auteur d’un acte ou d’une oeuvre la créée. Il fait advenir quelque chose là où avant rien n’était mais plus encore que cela, ce qu’il fait être est tel qu’il en a initié le projet, la conception. Je suis l’auteur de ma dissertation, si je ne l’ai pas recopié sur tel ou tel site parce que je l’ai créée de bout en bout. Elle a été pensée, planifiée préconçue et conçue par ma pensée. J’en suis l’initiateur tout à la fois dans ce qu’elle est, et dans le fait qu’elle est. Je suis passé à l’acte décrire à partir d’une réflexion préalable. En d’autres termes, je l’ai d’abord conçu comme possible et je l’ai ensuite effectuée comme réelle. De la même façon, on n’imagine assez mal Flaubert écrire sans raturer, sélectionner, reprendre toujours et encore ses formulations. Il existe donc un problème de temporalité par rapport à la possibilité que notre vie soit notre oeuvre; l’auteur est celui qui pense avant et qui, une fois l’oeuvre créée, vient de produire une réalité achevée, alors que notre vie est toujours à l’œuvre. Ce serait donc une oeuvre qui ne cesserait jamais. Il faudrait rajouter que nous sommes l’auteur « en acte » de notre vie mais alors n’est-ce pas plutôt le terme d’acteur qui conviendrait? Dans cette partie portant sur la métaphysique, c’est plutôt la question du commencement que nous allons poser: puis-je faire advenir ma vie, puis-je la faire exister de la même façon qu’un auteur est la cause efficiente de son oeuvre, celui à qui l’oeuvre doit d’exister mais aussi à qui elle doit d’être ce qu’elle est? Suis-je ce qui fait de ma vie ce qu’elle est? (Descartes - Sartre - Schopenhauer). Comme transition avec la deuxième partie nous pourrons utiliser la notion de libre-arbitre puisque elle est à la fois métaphysique et morale)
2) Une dimension morale: si je suis l’auteur de ma vie, je dois en assumer la responsabilité, je m’en porte garant aux yeux des autres et de moi-même. Dans quelle mesure cette assignation à être l’auteur de sa vie ne viserait pas à nous imputer des responsabilités qu’en réalité nous ne pouvons pas assumer? « L'histoire des sentiments en vertu desquels nous rendons quelqu'un responsable, partant des sentiments dits moraux, parcourt les phases principales suivantes. D'abord on nomme des actions isolées bonnes ou mauvaises sans aucun égard à leurs motifs, mais exclusivement par les conséquences utiles ou fâcheuses qu'elles ont pour la communauté. Mais bientôt on oublie l'origine de ces désignations, et l'on s'imagine que les actions en soi, sans égard à leurs conséquences, enferment la qualité de « bonnes » ou de « mauvaises » : pratiquant la même erreur qui fait que la langue désigne la pierre comme dure, l'arbre comme vert - par conséquent en prenant la conséquence pour cause. Ensuite on reporte le fait d'être bon ou mauvais aux motifs, et l'on considère les actes en soi comme moralement ambigus. On va plus loin, et l'on donne l'attribut de bon ou de mauvais non plus au motif isolé, mais à l'être tout entier d'un homme, lequel produit le motif comme le terrain produit la plante. Ainsi l'on rend successivement l'homme responsable de son influence, puis de ses actes, puis de ses motifs, enfin de son être même. On découvre finalement que cet être lui-même ne peut être rendu responsable, étant une conséquence absolument nécessaire et formée des éléments et des influences d'objets passés et présents : partant, que l'homme n'est à rendre responsable de rien, ni de son être, ni de ses motifs, ni de ses actes, ni de son influence. On est ainsi amené à reconnaître que l'histoire des évaluations morales est aussi l'histoire d'une erreur, de l'erreur de la responsabilité : et cela, parce qu'elle repose sur l'erreur du libre arbitre. » (NIETZSCHE " Le crépuscule des idoles « ). (Nietzsche - Sartre - Ricoeur). On peut utiliser La distinction que fait Paul Ricoeur entre l’ipséité et l’identité narrative pour faire transition.
Nous disposons ainsi d’un plan en trois parties. Il faut prendre soin de partir de la dimension la plus simple pour progresser vers la plus nuancée et la plus subtile.
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