1) Quel(s) sens faut-il donner au terme d’ « auteur » dans ce sujet ?
2) Quels sont les références philosophiques ou autres (littéraires, cinématographiques, etc.) auxquelles vous pensez pour traiter cette question. Justifiez ?
3) Rédigez une introduction (au minimum 10 l en respectant bien ces trois phases):
a - Partez d’une situation, d’une illustration, ou d’une remarque extraite de la vie quotidienne qui amène le problème sans toutefois le poser comme tel
b - Montrez que cette situation est faussement simple car en fait l’attitude pointée par le sujet (ici être l’auteur de sa vie) n’est pas du tout évidente. Elle ne va pas de soi. Dites pourquoi en avançant un argument contre cette thèse (nous ne pouvons pas être l’auteur de notre vie)
c- Formulez le plus efficacement, simplement, et le plus précisément possible le problème posé par le sujet.
Réponse 1: Être l'auteur d'un geste, d'un acte, d'une œuvre, c'est assumer l'entière responsabilité de leur réalisation. Si ces gestes ou ces actions "sont", c'est bien à cause de nous et nous constituons la causalité première, efficiente de leur production. Ce n'est pas seulement ici l'idée selon laquelle ces effets ne se seraient pas concrétisés si nous n'avions pas été "là" qui est ici soulignée mais plus encore le fait qu'ils entretiennent avec nous une relation profonde, soit qu'ils soient tels que nous avons voulu qu'ils soient, soit qu'ils portent la marque de notre unicité, de notre signature authentique, comme cela peut être le cas pour l’œuvre d'un artiste. En effet, le créateur d'un roman ou d'une toile n'a pas nécessairement planifié consciemment la réalisation de cette œuvre mais, puisqu'il en est l'auteur, il les a marqué du sceau de son singularité, de son style, ce qui en fait des œuvres uniques, inimitables. La question posée ici n'est donc pas seulement celle de savoir si notre vie se développe à cause de notre existence, car ce serait une question stupide, mais si la relation que nous entretenons avec notre existence peut se concevoir sur le modèle de l'acte à l'auteur de cet acte ou celui de l’œuvre à l'artiste. L'initiative, la responsabilité et la singularité constituent donc les trois critères définissant l'auteur par rapport à son action ou à son œuvre. Aussi étrange que cela puisse sembler, la question consiste ici à se demander si l'on peut signer sa vie comme on le ferait d'une déclaration dont nous assumons la responsabilité ou d'une œuvre dont nous sommes le créateur.
Réponse 2: Les références choisies par les élèves sont le plus souvent Descartes, Sartre et Schopenhauer.
Descartes cherchant une proposition telle que rien ni personne ne serait à même de la remettre en cause mesure l'extrême fragilité de nos connaissances, de ns sources d'information: celle de nos sens, de nos raisonnements, de nos représentations. Mais cet inventaire finit par se heurter à ce que l'on pourrait considérer comme une zone d'influence qui finalement échappe à son contrôle car même à considérer l'existence d'une puissance souveraine passée maîtresse dans l'art de me faire adhérer à des représentations, du monde, des autres, de moi-même de ma vie qui seraient fallacieuses, elle ne parviendrait pas à me faire douter que j'existe car même si j'envisageai la possibilité de n'être rien, il faudrait bien que je sois capable de penser pour me représenter une telle hypothèse. Aussi loin qu'on puisse aller dans la capacité à douter de moi, encore faut-il que je sois pour penser cette option selon laquelle je ne serai rien. il est donc impossible que je ne sois rien. A tout le moins suis-je cette pensée de n'être rien, ce qui suppose que je suis bien quelque chose. La pensée: "je ne suis rien" ne peut pas ne pas se contredire dans les termes. Descartes découvre donc une zone à l'intérieur de laquelle je peux concevoir avec une certitude absolue une connaissance certaine: "je suis". Je suis l'auteur de cette pensée et avec elle d'une réalisation effective de mon existence. Personne ne saurait me faire croire que je ne suis rien tant que je penserai être quelque chose. Je suis l'instance auto-fondatrice de mon existence et donc en ce sens là (sens métaphysique) l'auteur de ma vie.
Sartre reprend de Descartes cette intuition d'une liberté infinie du sujet du "je pense". Lorsque nous affirmons que la vie nous contraint parce qu'elle nous impose des choix, nous ne comprenons pas que c'est justement l'infini de notre liberté qui s'effectue devant ces choix. En d'autres termes, être placé impérativement devant des choix à faire, c'est être mis en situation de pouvoir exercer l'infini de notre liberté. Nous sommes constamment les auteurs de notre vie et cela nous place en situation de responsabilité permanente. Nous préférons donc nous mentir à nous-même et faire preuve de mauvaise foi an affirmant que nous ne sommes pas libres. En réalité, c'est l'infini de notre liberté tel qu'il se réalise an chaque choix qui nous tétanise.
Schopenhauer s'opposerait totalement à cette conception pour la bonne et simple raison qu'elle ne prend pas la situation humaine au "commencement". Mais quel est ce commencement? C'est le fait que rien ne peut exister sans être d'abord soumis à un impératif qui est celui du vouloir-vivre. Même ce prétendu infini de la liberté humaine doit s'accomplir dans un être" qui, en tant qu'être est traversé par cette pulsion du vouloir-vivre. On peut toujours se justifier après coup et invoquer de la volonté, de la conscience, des usages, des lois humaines, la vérité est qu'en tant qu'être vivant nous sommes tous animés de vouloir vivre et que cette pulsion nous manipule en nous faisant continuellement osciller comme un pendule de la souffrance à l'ennui, souffrance de manquer de ce que nous désirons, ennui de l'avoir assouvi. « Comme point de départ destiné à être le fondement explicatif de tout le reste, on doit prendre ce qui ne peut s’expliquer plus avant, mais ne peut non plus être mis en doute, ce dont l’existence est certaine, mais inexplicable. Et c’est le vouloir-vivre. » Si on prend quoi que ce soit d’autre pour point de départ, il faudra pouvoir en déduire cette aspiration à l’existence : « Cela ne marchera jamais. »
Réponse 3: De notre naissance à notre mort, se succède une série d'épisodes que nous nous représentons à nous-mêmes comme tissant la trame de notre vie. Des évènements se produisent mais ils ne se produisent pas sans que nous les appréhendions comme nous arrivant à nous, impactant "quelque chose" que nous appelons "notre vie". Pourtant il n'est pas faux que ces situations s'effectuent aussi "extérieurement". Elles se réalisent et nous n'avons pas la prétention de penser que c'est nous qui avons orchestré leur émergence, leur effectuation de A à Z. Mais que dois-je faire de cette part de l'évènement qui, "en arrivant", m'arrive à moi précisément, spécifiquement ? Comment pourrais-je en être l'auteur puisque je ne l'ai pas décidé? D'un autre côté, on ne voit pas non plus comment je pourrai m'en désolidariser puisque, de fait, cet évènement qui s'est passé dans ma vie sans que je l'ai souhaité a produit sur mon existence des effets qui auront un impact sur moi, qui feront advenir au grand jour un aspect de moi qui m'est encore inconnu sans pour autant que je puisse nier qu'il sera bel et bien "moi"? Se dessine ainsi une modalité d'appropriation étrange des évènements de notre vie qui à la fois font partie intégrante de nous-mêmes sans pour autant que nous puissions affirmer que nous en sommes les maîtres d’œuvre. Comment désigner cette modalité d'assomption de notre existence? Fait-elle de nous les auteurs de notre vie ou simplement des destinataires touchés, comme on dit du hasard des affectations, par la fatalité de telle ou telle existence?
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