Aujourd’hui, lorsqu’on
regarde autour de nous, on constate toujours la même chose : des hommes
tels des pantins reproduisant sans cesse une routine à l’identique. L’idée
seule que le but, l’objectif de la vie puisse être réduit au fait de trouver un
emploi correct et de fonder une famille induit toute une notion de
programmation que l’on applique chaque jour sans réfléchir comme si nous y
étions obligés.
Pourtant, si l’homme était
« programmé », on ne pourrait pas dire qu’il possède une pensée. La
beauté de notre espèce réside justement dans cette capacité de l’homme à
réfléchir à ses actions mais aussi à réagir de façon spontanée, au gré de ses
sentiments, son intuition.
Donc l’homme se
comporterait-t-il tel une mécanique que l’on pourrait qualifier de
« créature d’habitudes » ? Vivre : est-ce une action
tellement innée que nous l’accomplissons de manière machinale ? Mais
peut-être avons la vie tellement chevillée au corps que nous existons
aveuglément et absurdement ?
L’homme ne serait qu’un
corps, un corps qui contrôlerait l’intégralité de sa personne, n’étant plus que
l’ombre de lui-même soumis à un mécanisme perfide le rongeant de l’intérieur.
C’est comme si nous
n’étions qu’un assemblage de rouages formant une mécanique infaillible,
actionnant chacun de nos membres dans un but précis dés lors que l’envie s’en
fait ressentir. Schopenhauer démontre cette idée ; Il explique le cycle du
besoin ou plutôt du désir : un besoin s’exprime, l’attente ne fait
qu’empirer la situation, gonflant notre idée au point d’en devenir une
obsession. Une fois ce besoin satisfait, une multitude d’autres apparaissent
qui laisseront place encore une fois à de nouveaux. Nous ne sommes finalement
pas face à un cycle mais à un cercle vicieux. Cette machine, nous en sommes le
jouet.
Après la planification d’un
projet, combien de fois avons-nous été déçus, après des mois d’attente
alimentés par des fantasmes inassouvis ? Mais finalement un automate, une
machine ne font que reproduire qu’agir. Dans ce sens, le corps ne peut pas y être
assimilé. Il est plus intelligent. Quand une pièce d’une machine tombe en
panne, elle s’arrête et ne fonctionne plus. Rien ne pourra la faire remarcher à
part l’intervention de l’homme. A l’inverse le corps de l’homme possède une
capacité à réagir. Prenons l’exemple scientifique de l’immunité innée. Elle est
comme un pare-feu, le premier rempart lorsque quelque chose de nuisible a été
détecté dans le corps. Comme les premiers virus d’une maladie où un greffon
perçu comme un intrus. De ce point de vue, le corps est bien une entité
complexe et intelligente capable à la fois d’agir et de réagir.
Mais dépassons cette
simplicité. Si nous parlons du quotidien, de cette fameuse expression
« métro-boulot-dodo », un mot reviendrait bien souvent : la
routine. Qu’est-ce que c’est ? L’habitude, elle peut être rassurante pour
certains, destructrice pour d’autres. Il serait naïf de croire en ce sentiment
de sécurité, ne faisant que nous transformer les uns après les autres en des créatures similaires. Pensez à cette foule
en transports en commun. Une foule agitée mais à la fois silencieuse, des corps
avec une âme inerte cachée quelque part. On peut facilement penser au lapsus
innocent mais révélateur de Momo, dans « la vie devant soi" de Romain Gary.
Il répète souvent à Madame Rosa, son unique figure maternelle, une femme âgée
souffrant d’Alzheimer qu’elle en état "d’habitude" au lieu d’hébétude.
Tout autour de nous, dans
notre quotidien, nous pousse à reproduire les mêmes actions, ne montrant que le
déclin de notre personnalité et notre absurdité. Aujourd’hui notre société est
confrontée à une crise depuis de nombreuses années qui laisse des millions de
personnes dépourvues de revenus pour vivre. La mondialisation ne cesse de
s’accroître entrainant une optimisation de la production. Quand l’homme se
comporte tel une machine, travaillant à la chaîne, n’arrivant pas à se
distinguer , comment voulez-vous que nos propres inventions ne nous remplacent
pas ? C’est à ce moment là où l’homme se ridiculise comme une bête de foire,
qu’il tente de reporduire en vain en laissant de côté tout ce qu’il est, qu’il
devient une carcasse vide laissant de côté tout ce qu’il est, se transformant
en machine.
Selon Descartes, l’homme
pense. Il démontre le lien entre pensée et parole. L’automate ne fait que
reproduire une série d’actions qu’on lui a programmé. Il n’y a dans ce
programme aucune trace de dialogue. On émet un besoin, elle reproduit. Si l’on
prend le cas de l’animal, certaines personnes nous expliqueraient que bien
entendu l’animal a un langage, et par conséquent qu’il parle. Parler c’est
exprimer une idée, les mots que nous utilisons ont une signification et
embarquent avec eux une opinion. On donne donc du sens à ce qu’on dit. L’animal
n’a aucune raison car il ne fait que reproduire les mêmes gestes ne témoignant
d’aucune réflexion. Ces deux idées peuvent être réunies avec l’exemple du perroquet.
Il répète les mots qu’il entend mais in ‘y associe aucun sens. Il ne pense pas
ce qu’il dit. L’animal est l’égal de l’automate.
L’homme a cette capacité de
langage qui lui permet de penser. Il choisit ses mots, les assemble afin
d’exprimer une idée, idée que personne ne peut reproduire de la même façon et
encore moins une machine. Il peut évoluer malgré les difficultés dans le seul
but de se faire comprendre. L’homme né sourd et muet a su s’adapter et trouver,
car peut-on réellement vivre sans exprimer ses pensées, sans libérer sa
conscience ?
Tout autour de nous est
fait pour nous conditionner, nos façons de nous comporter ne sont plus les notres,
notre personnalité nous est dictée. Il est plus que jamais impossible de sortir
et de se retrouver dans un milieu neutre. Il faut se conformer comme si notre
monde n’était qu’un jeu composé de personnages, issus de
« copier/coller » interminables, même programme greffé dans le crâne,
injecté dans le sang, nous aveuglant sur la réalité et nous bornant à croire en
des idées perverties.
On ne peut pas dire que le
jour où le rideau se lèvera tout le monde se réveillera car le rideau est déjà
levé. L’homme a choisi son camp : « pilule bleue ? Pilule
rouge ? » L’inconscient est bien plus facile à tromper qu’on ne le
pense.
Scientifiquement l’homme
est un être vivant. On peut admettre que comparer l’homme à une machine à vivre
puisse être réducteur mais cela ne vaudrait-il pas de nous interroger sur le but de la vie de
l’homme et d’une machine ?
Aristote expose quatre
causes à l’existence de tout un chacun : la cause matérielle, efficiente,
formelle et finale. On trouve avec aisance les réponses concernant la machine.
Prenons un lave-linge. Il est constitué de pièces, fabriqué par son
constructeur, imaginé par un archétype d’une autre machine et a pour but de
laver des vêtements. La vie d’un lave-linge est conditionnée de A à Z avec un
but précis.
En reproduisant le même
processus pour l’homme on se heurte à l’impossibilité de trouver des causes
efficiente, formelle et finale. Elles sont propres à chacun, à sa religion, à
ses croyances ou sa spiritualité. Rien ne peut être défini de manière
universelle. Alors l’homme ne serait pas né dans un but précis, ne serait pas
animé d’une envie le poussant dans n’importe quel moment de sa vie. Il ne
ferait que tourner en rond, marchant dans ses propres empreintes de pas.
Cependant Bossuet souhaite
voir plus loin, plus profond que cette première analyse qu’on lui offre. Certes
de prime abord, il voit une masse informe, confuse, essayant de former un tout,
mais un tout incohérent : l’homme. Mais il finit par découvrir une beauté
dans une perspective, chaque détail prendra son sens et éclate alors comme une
vérité. Bossuet, croyant, montre
également que sa religion le porte et l’aide à trouver une cause à l’existence
humaine. Un homme ne souhaitant pas s’accorder à telle ou telle croyance
excluant un grand nombre de possibilités ne trouvera pas de cause. Personne ne
détenant le savoir absolu, mais est-il réellement possible de vivre sans ses
objectifs ?
L’homme est une créature
d’une complexité extrême. Il est difficile de croire que l’homme puisse vivre
sans but. Depuis son commencement, l’homme évolue et fait évoluer son monde
avec lui par ses capacités d’innovation. Dans un livre de Ian Sinclair, le
récit est introduit par un extrait de Samuel Palmer. « Lorsque l’art
inspire l’esprit, je reste insensible au froid, à la faim et à la fatigue
corporelle. Alors créer, marquer et acter ne seraient-ils pas d’autres besoins
Des besoins primaires de s’exprimer, d’exister à travers ses
inspirations ? Exister serait donc donner du sens à sa vie, se lever le
matin, savoir ce que l’on va faire et ce que l’on a accompli. Un besoin
inconscient de laisser libre cours à son imagination et de laisser une trace
dans ce monde.
Nous sommes des machines de
production. Nous procréons pour entretenir la lignée familiale. Nous déposons
des brevets à notre nom. Nous adoptons notre propre style. Nous associons à une
religion des croyances, adhérons à une certaine pensée et formulons les nôtres.
Etre conforme au moule est la pire chose qui puisse nous arriver. On cherche à
nous prouver à nous-mêmes et aux autres qu’au milieu de 7,5 millions
d’individus nous sommes uniques. Tout notre être est né dans le but d’accomplir
quelque chose.
Deleuze et Parnet
démontrent même que notre organisme éprouverait la même envie. L’anorexique
serait alors une personne qui jugerait les lois vitales comme de simples
rythmes de vie, pouvant être mis en doute. Ce serait une façon de vivre, de
manger quand on a faim. Bouleverser ces rythmes serait dés lors une façon de
s’affirmer. Le corps n’est plus un organisme mécanique, l’anorexique fait de
son corps une machine à exister.
Nous sommes des usines, des
usines à penser, nous produisons des opinions et n’arrêterons pas tant que la
vie nous animera. Descartes disait « je pense donc je suis » :
si l’on arrive à contredire la croyance en notre existence et à douter de
soi-même, nous pensons et nous avons une conscience. Nous existons dés lors bel
et bien. C’est pour cela que dans un rêve, le moment où l’on doute interrompt
la possibilité du rêve car il fait cesser l’éventualité du songe. Même pour
rêver, il faut exister. L’existence ne peut être attribuée à une machine car
elle ne laisse aucune trace de sa présence, mais également et surtout car elle
ne pense pas et ne se demande pas : « pourquoi est ce que je
reproduis ce programme ? »
Nous sommes partis de
l’idée selon laquelle l’homme ne serait qu’un corps machine, à la fois agissant
comme un mécanisme mais également capable de réagir intelligemment. On a
ensuite démontré la notion d’habitude, nuisible à l’homme. Après nous nous sommes
penchés sur son inconscience et sa conscience respectivement son point faible
et son point fort. Puis nous avons expliqué comment l’homme n’a pas de but à sa
vie.
Et enfin l’homme en tant
que machine productrice, n’ayant comme seul besoin que d’assouvir cette soif
créatrice : soif d’acter et de marquer le mode de sa présence.
Comme nous l’avons vu,
l’homme est d’une espèce particulière et étrange. Il peut être à la fois tout
mais est également un inconnu à ses propres yeux. Pour comparer l’homme à la machine
faudrait-il encore pouvoir le définir, nous définir nous-mêmes, ce dont nous
sommes incapables.
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