Bonjour,
Vendredi dernier , nous avions expliqué l'importance de la promesse dans le Droit.
Celle-ci en effet, décrit toujours les contours d’un monde à venir, monde dont l’ouverture consiste dans l’énonciation ou dans la signature de la promesse. C’est bel et bien la question de la réduction du comportement humain à des données calculables qui se pose donc au premier plan. Lorsque Galilée affirme que le réel est écrit en langage mathématique, il voulait parler du réel de la nature, des forces physiques qui s’y effectuent et dont on peut quantifier la puissance, les phénomènes. La question qui se pose à nous aujourd’hui est celle de savoir si l’on peut aussi appliquer le même raisonnement à l’ethos (attitude en grec) des humains. Après tout, c’est bien ce que semblent faire, en première analyse, les lois.
Mais en première analyse seulement car les lois et plus profondément encore la notion de devoir telle que Kant la fonde sur l’existence de la loi morale (exemple de la potence et du méchant Prince) en tout homme s’appuient l’efficience d’un sens du « devoir-être ». Les lois ne s’appliquent pas à l’homme en fonction de ce qu’il est mais dans la perspective de ce qu’il devrait être, et c’est dans la continuité de cette optique même que se comprend correctement l’idée même de promesse. L’homme est une créature susceptible de faire des promesses et c’est en cela qu’il est un sujet de droit. Qu’il tienne ou pas cette promesse est, après tout, secondaire, car ce qui nous intéresse ici est tout ce qui sépare cette propension sincère à la promesse de l’exécution de l’effectuation d’actions intégralement calculables, prévisibles, programmables.
Ce qui s’accomplit dans le droit est cette aptitude de l’être humain à se renouveler, à se fixer un cap, à se réinventer soi-même comme processus de convergence de toutes ses attitudes vers la ligne de fuite d’un seul point d’horizon. C’est d’ailleurs exactement ce qui donne à cette notion de « droiture » un sens aussi géométrique que juridique ou légal. De ce que j’ai été tel ou tel il ne s’ensuit pas que je serai identique à ce que je fus car à compter de la promesse quelque chose de nouveau se profile, comme un nouvel être que l’on s’engage à devenir.
Ce qui s’accomplit dans le droit est cette aptitude de l’être humain à se renouveler, à se fixer un cap, à se réinventer soi-même comme processus de convergence de toutes ses attitudes vers la ligne de fuite d’un seul point d’horizon. C’est d’ailleurs exactement ce qui donne à cette notion de « droiture » un sens aussi géométrique que juridique ou légal. De ce que j’ai été tel ou tel il ne s’ensuit pas que je serai identique à ce que je fus car à compter de la promesse quelque chose de nouveau se profile, comme un nouvel être que l’on s’engage à devenir.
Pour le dire plus simplement la distinction entre le fait et le droit est cruciale parce que le droit est une fiction. Il s’inscrit au coeur de l’homme comme cette ligne d’horizon qui fait sens entre ce qu’il fut et ce qu’il n’est pas encore, peut-être ce qu’il ne sera jamais, mais sans quoi il ne serait rien du tout, ou en tout cas serait incapable de faire sens de la dispersion en laquelle consiste sa vie réelle. Les Big data se contentent de collecter les traces de cette dispersion laissées sur le net ou dans les échanges entre collègues via le numérique pour les rendre calculables, pour les intégrer dans des stratégies de marché, ce qui ne fait pas sens. Nous aspirons à rendre notre existence lisible comme le serait un récit (donner à sa vie le sens d’une vie lisible) mais cette ambition se confronte aujourd’hui à tout ce qui ne vise qu’à le rendre traçable, les sociétés dites de « contrôle », pour reprendre le terme que Gilles Deleuze emprunte à William Burroughs.
Conclusion
Les Big Data, aujourd’hui, remettent totalement en question la nature du rapport que nous entretenions avec les lois, avec l’autorité, avec le pouvoir, avec les notions de normes et de Droit. Une vision totalement fausse et erronée de notre rapport aux lois consiste à la poser comme une contrainte alors qu’elle est une obligation. Avec Kant et son fameux exemple, nous percevons que le devoir est exactement cette obligation qui nous rend libres, libres de nous soustraire aux ordres malveillants d’un Prince malhonnête. Cela signifie que finalement le droit, c’est justement cette aptitude à trouver dans une situation bloquée de fait un espace fictif de devoir. Par conséquent il est absolument inconcevable d’envisager l’existence du droit sans le poser d’abord à partir de cette distinction du fait et du droit. Le droit c’est ce qui s’impose à nous quand les faits ne suffisent pas à nous imposer une attitude. Nous devrions tous porter ce faux témoignage contre un homme de bien si nous en restions aux faits. Et pourtant nous nous reconnaissons tous une marge de décision là où factuellement il n’y en a aucune. Ce qui se produit aujourd’hui c’est la substitution de la notion de « donnée brute » à celle de « fait ». Jusque là, les objets techniques s’imposaient à la nature. Aujourd’hui, l’instrument numérique via les Big Data se substitue au réel, crée un cadre, un support à la vie humaine sur lequel cette vie n’est pas seulement répercutée mais aussi anticipée, encadrée, administrée et finalement orientée, manipulée jusqu’à la rendre illisible, privée de sens.
Les Big Data, aujourd’hui, remettent totalement en question la nature du rapport que nous entretenions avec les lois, avec l’autorité, avec le pouvoir, avec les notions de normes et de Droit. Une vision totalement fausse et erronée de notre rapport aux lois consiste à la poser comme une contrainte alors qu’elle est une obligation. Avec Kant et son fameux exemple, nous percevons que le devoir est exactement cette obligation qui nous rend libres, libres de nous soustraire aux ordres malveillants d’un Prince malhonnête. Cela signifie que finalement le droit, c’est justement cette aptitude à trouver dans une situation bloquée de fait un espace fictif de devoir. Par conséquent il est absolument inconcevable d’envisager l’existence du droit sans le poser d’abord à partir de cette distinction du fait et du droit. Le droit c’est ce qui s’impose à nous quand les faits ne suffisent pas à nous imposer une attitude. Nous devrions tous porter ce faux témoignage contre un homme de bien si nous en restions aux faits. Et pourtant nous nous reconnaissons tous une marge de décision là où factuellement il n’y en a aucune. Ce qui se produit aujourd’hui c’est la substitution de la notion de « donnée brute » à celle de « fait ». Jusque là, les objets techniques s’imposaient à la nature. Aujourd’hui, l’instrument numérique via les Big Data se substitue au réel, crée un cadre, un support à la vie humaine sur lequel cette vie n’est pas seulement répercutée mais aussi anticipée, encadrée, administrée et finalement orientée, manipulée jusqu’à la rendre illisible, privée de sens.
Le cours sur "Morale, Droit et Justice" est terminé.
A demain
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