3)
Le Plan
La nécessité de « faire
un plan » ne doit pas nous paralyser et surtout cela ne doit pas figer le
mouvement de réflexion qui a été lancé par la compréhension du problème.
Personne ne peut écrire une bonne dissertation en suivant simplement des
consignes du type : « des arguments pour le oui tu trouveras,
des arguments pour le non tu trouveras, une synthèse tu rédigeras, etc. »
Il importe vraiment de nous détacher totalement de cette façon de concevoir un
plan. Laissons-nous plutôt porter par la
pente naturelle et problématique d’une question. Si nous avons choisi ce
sujet, c’est que nous avons bien vu qu’il était possible de répondre oui et
non. Nous avons commencé de mettre au brouillon quelques idées et chacune
d’elle se situe nécessairement d’un côté ou de l’autre.
Il convient alors de les
relire et de se demander comment nous pourrions formuler de façon générale la
position qu’elles défendent. Notre correcteur n’appréciera pas du tout que nous
écrivions des phrases de transition du type : « Maintenant que
nous avons vu la partie : « Oui » nous allons voir la
partie « Non ». Pourquoi ? Parce que, si vous écrivez des
phrases de ce type, cela veut dire que vous vous moquez totalement du fond de
la question que l’on vous pose et que vous appliquez aveuglément une
méthodologie. Une dissertation est comme un vol que nous ne pouvons jamais
accomplir sur « pilote automatique ». Il nous faut prendre les commandes et nous confronter
à cette question là.
Ainsi, par exemple, nous
réalisons bien que vérité et bonheur constitue deux perfections, deux idéaux,
deux modalités de recherche : l’une existentielle : le bonheur,
l’autre plus « formelle », plus conceptuelle, la vérité. Le bonheur
exprime un sentiment de paix, d’équilibre, de sérénité, de sécurité. La vérité
est le plus souvent une affirmation, un jugement, un résultat dont il nous faut
« convenir ». Le sujet nous interroge donc sur la question de savoir
si dans toute recherche, dans toute démarche née d’un esprit de curiosité,
d’une « quête », ne vient pas un moment où notre sérénité, notre
bien-être ne justifierait pas que nous arrêtions de chercher la vérité.
Il
existe des possibilités de satisfaction qui s’appuient sur de l’ignorance.
Œdipe aurait peut-être mieux fait de ne pas vouloir savoir pourquoi la peste
sévit à Thèbes. Lorsque Créon revenant de l’oracle de Delphes lui répondra que
les dieux sont fâchés par la mort de Laïos, il a tort de lancer l’enquête sur
son meurtrier puisque c’est lui-même. D’un autre côté, nous savons bien que
notre désir de vérité est intense, vivace et qu’il est plausible qu’aucune
tranquillité ne puisse vraiment nous rendre heureux si elle n’est pas fondée
sur la vérité. C’est la vérité insupportable qui incitera Œdipe à se crever les
yeux et à finir sa vie en mendiant sur les routes, mais aurait-il pu vivre en
paix s’il n’avait pas connu le fin mot de cette histoire, s’il ne s’était pas
connu lui-même, parricide et incestueux ?
Ce qui se met en place peu à
peu dans notre esprit ce sont des rapprochements de termes, de notions : bonheur / tranquillité /
sécurité / stabilité / certitude et Vérité / Exactitude / Savoir / Intégrité /
Certitude. Nous voyons des oppositions se formuler et un esprit de
contradiction s’affûter peu à peu. Il n’est pas question de résoudre mais
d’explorer de la complexité et d’exprimer clairement l’esprit de ces
contradictions. Dans un premier temps, nous envisageons donc ce qui nous semble
le plus évident mais c’est en même temps ce dont nous savons déjà que nous
contredirons la thèse.
Il est important
d’approfondir constamment, de nourrir le sentiment d’une progression, d’une
subtilité de plus en plus marquée. C’est un travail de précision qui part
d’oppositions simples voire caricaturales pour petit à petit formuler des
nuances de plus en plus fines. Une dissertation de philosophie se constitue le
plus souvent de trois parties. Que faisons nous dans la troisième ? Si
nous allons en effet de plus en plus loin dans cette remontée à contre-courant
qui va du sujet au problème nous allons nous rapprocher du présupposé de la
question (ici le fait que la vérité et le bonheur ne sont pas compatibles).
Mais est-ce vraiment le cas ? Si nous avons affiné peu à peu les deux
notions principales du sujet, peut-être nous sommes nous rendus compte que
cette incompatibilité était contestable. Pourquoi ? Si le bonheur consiste
à vivre l’instant présent (Carpe diem), comment cette expérience pourrait-elle
se concevoir sans être aussi celle d’un moment de vérité. Ces instants de lucidité
ne sont-ils pas aussi des moments de grâce ? Une nouvelle dimension du
sujet s’ouvre alors qui touche plus directement le présupposé de la question.
Ce type de plan est appelé dialectique. Il existe aussi un autre
genre de plan appelé progressif.
Il consiste à définir différents sens possibles de la question posée, à les
énoncer et à les traiter successivement en partant du plus simple au plus
compliqué.
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