(Si vous éprouvez quelques difficultés à vous "lancer", voici un exemple d'introduction et de premiers développements possibles. Il importe de ne retenir de ce qui suit qu'un certain style d'écriture, un ton qui est celui de la dissertation philosophique. Vous pouvez également utiliser les références citées puisqu'elles correspondent exactement à celles que nous étudions depuis deux semaines, mais il serait maladroit et surtout "contre-productif" de reprendre terme à terme les paragraphes qui suivent)
Tous les hommes recherchent le bonheur,
nous dit Pascal, cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y
emploient. Ils tendent tous à ce but. » Mais, nous sommes également en
quête de vérité. L’homme est doté de raison et cherche toujours une explication
aux phénomènes qui l’entourent. Nous ne nous contentons pas de vivre, nous
voulons comprendre l’univers ainsi que le fait de notre propre existence. Cela
signifie que tout être humain est nécessairement animé par deux
mouvements : celui qui consiste à jouir d’un bien-être authentique et
celui qui réside dans la résolution de toutes les énigmes qui entourent notre
vie, notre rapport au monde. Mais un esprit en quête de vérité se lance dans un
travail infini et se condamne lui-même à l’insatisfaction car nous ne voyons
pas comment une pensée humaine pourrait tout élucider de l’univers. Il semble
donc nécessaire qu’à un moment donné, nous ayons à choisir entre la vérité et
notre bien-être. Dans quelle mesure l’ignorance, l’illusion voire le mensonge
ne seraient-ils pas préférables à l’exigence de vérité en ceci qu’ils nous
permettraient de jouir d’une vie bonne, agréable et sereine ?
N’existe-t-il pas, après tout un impératif de bien-être qui prévaut sur le
devoir de vérité ? (de cette introduction, il convient de retenir la forme, la méthode, la succession des trois phases qui nous permettent d'amener le problème)
( Première partie) Lorsque, dans Matrix, Morpheus donne à
Néo le choix entre la pilule bleue et la pilule rouge, il lui précise bien
qu’ « il ne promet que la vérité ». Cela signifie qu’il n’exclue
pas la possibilité que la pilule bleue (un somnifère qui fera oublier à Néo la
rencontre et le maintiendra dans la matrice) constitue un choix qui puisse se
défendre « d’un autre point de vue ». Et c’est exactement cet autre
point de vue qu’exprimera Cypher en affirmant que « Les ignorants sont
bénis » quand il posera ses conditions à Smith pour trahir Morpheus. On a
beau savoir que les impressions plaisantes que nous ressentons sont fausses, on
ne se réjouit pas moins de les éprouver. Mais si les causes de notre
satisfaction sont fictives, comment notre satisfaction pourrait-elle ne pas
l’être aussi ?
Ce que
Cypher s’apprête à faire correspond finalement exactement à ce que le
philosophe Robert Nozick, en 1972, appelait « la machine à
expériences » : « Supposez
qu’il existe une machine à expérience qui soit en mesure de vous faire vivre
n’importe quelle expérience que vous souhaitez. Des neuropsychologues excellant
dans la duperie pourraient stimuler votre cerveau de telle sorte que vous
croiriez et sentiriez que vous êtes en train d’écrire un grand roman, de vous
lier d’amitié, ou de lire un livre intéressant. Tout ce temps-là, vous seriez en
train de flotter dans un réservoir, des électrodes fixées à votre crâne.
Faudrait-il que vous branchiez cette machine à vie, établissant d’avance un
programme des expériences de votre existence ? ».
Nous faisons tous l’épreuve, jour après jour, d’une réalité
qui ne s’accorde pas nécessairement avec nos souhaits : ce que nous
espérons n’arrive pas et ce que nous ne voulons pas arrive. Face à cette
discordance, à cette inadéquation fondamentale entre nos désirs et les
évènements, Robert Nozick évoque la possibilité de se retirer « dans une
bulle », dans une machine conçue pour stimuler les impressions conformes à
notre vie rêvée. Après tout, une personne installée devant un écran et jouant à
son jeu vidéo préféré ressent les sensations du personnage qu’il incarne. Il
suffit de jeter un regard objectif sur les passants pour s’apercevoir que de
plus en plus de gens sont moins intéressés aux hommes réels qu’ils croisent
physiquement au présent qu’au cercle d’amis auxquels ils envoient des SMS. Nous
vivons dans une société dont le développement technologique a rendu effectif la
virtualisation des rapports humains ainsi que celle du rapport que nous
entretenons avec « le monde ». « Ce qui nous
arrive » : c’est ce que nous réceptionnons dans nos messageries, dans
nos boîtes de dialogue, ce que nous voyons se dérouler sur nos écrans que cela
soit les actualités, les aventures d’un héros de jeu vidéo, le message d’un
« ami » que nous ne verrons jamais.
Tout ceci nous fait comprendre que la machine de Nozick, c’est-à-dire
l’immersion de notre corps dans une configuration neuronale fictive paramétrée
selon notre conception du bonheur n’est en un sens, pas fictive du tout,
puisque elle insiste déjà dans notre mode de vie d’européen
« moyen ».
Nous évoluons donc déjà dans un mode de vie qui tente
d’atténuer voire de détruire tout ce que la réalité suppose de
« déconvenue », d’imprévisibilité, de surprise. Puisque le monde
n’est pas contrôlable, faisons en sorte de lui substituer « notre
monde » avec tous ces différents domaines aussi clairement catalogués et
lisibles qu’une page Facebook. Dans quelle mesure, la réalité de notre
personnalité ne tiendrait-elle pas précisément dans ce qu’elle recèle
d’illisible, de non publiable, de fondamentalement « non
Facebookien » ?
Nous préférons le bien-être d’une bulle de communication
virtuelle et de relation aux autres médiatisée que la confrontation effective
avec l’imprévisibilité d’un instant présent. Mais ce bien-être correspond-t-il
authentiquement avec le bonheur ? Si nous interrogeons l’étymologie, nous
sommes bien forcés de répondre : « non ». Bonheur vient, en
effet, du vieux français bon « heur », qui lui-même dérive du latin
« augurium » : faveur accordée par les Dieux. Le bonheur est
donc originellement relié à la chance, à la bonne fortune, au
« signe » envoyé par la providence pour manifester une grâce, un
regard bienveillant et secourable. Le bonheur, c’est ce qui arrive « de
bien », étant entendu que cela arrive « vraiment ». Il se
différencie du plaisir parce que contrairement à ce dernier, il englobe
l’existence entière de celui qui l’éprouve : on n’est pas heureux de fumer
une cigarette ou de manger une tablette de chocolat. On ressent du plaisir à le
faire et c’est une réaction (voir le système de récompense). Le bonheur est tout le contraire d’une
réaction. On n’est pas heureux de ceci ou de cela, on est heureux d’être, et
pas d’avoir telle ou telle chose. Il est parfaitement indiscutable que l’argent
ne fait pas le bonheur, et ce n’est pas là l’affirmation de personnes naïves
qui seraient en dehors de la réalité (toute personne qui s’épuise à nous faire
savoir par quantité de signes extérieurs de richesse qu’elle a tout pour être
heureuse ne l’est pas, sans quoi elle ne serait pas si attachée à le faire
savoir).
Ce qui pose problème dans la machine de Nozick comme il le
dit lui-même dans son livre, c’est à la fois l’isolement et la programmation.
On ne peut pas être heureux de vivre autre chose que l’existence même, mais
l’expérimentateur de la machine de Nozick « existe-t-il » ? Non,
il ne fait que « vivre », exactement comme Cypher qui finalement
choisit de renoncer à assumer son existence pour s’offrir à la matrice,
c’est-à-dire à un programme qui le réduit de fait à ses fonctions vitales.
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