Pourquoi vivons-nous ?
Pour connaître le fin mot de cette affaire qu’est l’existence ou simplement
pour se réjouir d’être ? Devant une personne qui ne semble se préoccuper
que de profiter de la vie, nous pouvons éprouver, à juste raison, une forme de
gêne : il est impossible de vivre sans se demander d’où vient que nous
existions. « Ce fut l’étonnement, nous dit Aristote, qui poussa les
premiers penseurs aux spéculations philosophiques. » La plupart des
personnes de notre entourage nous donnent l’impression de vivre leur petite vie
comme si elle leur était « due », comme si tout cela était
« normal ». Nous vivons parmi les hommes et cherchons « une
place » dans cette communauté, une utilité dans la société, une
reconnaissance de la part de nos semblables. A bien y regarder, l’écrasante
majorité de nos actions ne visent qu’à cela : être admis, intégré, ne pas
nous singulariser par rapport aux normes de comportement de la communauté à laquelle
nous appartenons, des mentalités qui s’activent dans l’exercice de ce qui en
cours dans notre profession.
Il ne fait pas de doute
qu’à force d’adopter ce type d’attitude, nous finissons par perdre complètement
de vue jusqu’à l‘idée même que nous pourrions effectuer quelque chose « de
notre propre mouvement » (en latin « sponte sua, spontanément, mais
d’une spontanéité qui serait pleinement assumée par notre être). Pour être
clair, nous préférons satisfaire le désir de vivre « une petite vie bien
tranquille » à celui de savoir « qui nous sommes vraiment ». Nous vivons donc sans exister,
c’est-à-dire sans assumer pleinement le fait de notre présence dans le monde.
Nous suivons des modèles de
vie stéréotypés qui nous font adhérer à l’image que nous sommes censés renvoyer
aux autres en fonction de notre âge, de notre sexe, de notre milieu social, de
notre profession. Ce n’est pas qu’il soit forcément nécessaire de se distinguer
de la majorité, ni que le ralliement à des idées adoptées par le plus grand nombre
soit forcément mauvais, « l’opinion courante » ne dit pas que des
bêtises, c’est plutôt que notre vie n’aura pas été « vraiment »
vécue. Il y a un « sens » à vouloir grimper les échelons de la
réussite sociale : celui d’avoir de l’argent, d’être reconnu, de pouvoir
offrir à ses proches un certain confort de vie, de jouir du bonheur d’être
quelqu’un aux yeux des autres ainsi qu’aux siens. Mais dans quelle mesure n’avons-nous pas sacrifié, au fil de cette
ascension, notre être au paraître ? A quoi me sert-il d’être heureux
si ce bonheur me touche moins « moi » que l’image de moi que j’ai
projeté aux yeux des autres ainsi qu’aux miens ?
En même temps on peut se
demander ce que veut dire « assumer pleinement le fait de notre présence
dans le monde ». Nous naissons, vivons, mourons plus ou moins vite. La
mort peut nous frapper à tout instant et rendre absurde, dérisoire le fait de
notre existence. Si nous regardons
vraiment la vie dans les yeux, nous ne pouvons être qu’angoissé, paralysé
devant l’absence de sens de cette existence si fragile, contingente[1].
En ce sens, il faut préférer le bonheur d’une fausse certitude à la vérité
parce qu’il a au moins ce mérite d’être stimulant, de donner un sens à ma vie
même et finalement surtout si elle n’en a pas « vraiment ».
Questions :
1) Sur un tableau de deux colonnes, distinguez vivre et
exister.
2) Pourquoi est-il impossible d’adhérer complètement à
l’attitude qui consiste à ne pas se poser de questions ? Pourquoi est-il
tout aussi impossible de regarder la vie en face ?
3) Exister : est-ce « normal » ?
Donnez des exemples illustrant le poids du regard des autres dans notre vie.
4) Reformulez le problème du sujet de la dissertation.
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