Cette question peut sembler
bizarre : de toute façon, c’est la note donnée par votre enseignant et il
n’en changera pas. Pourquoi faudrait-il « accueillir sa note » d’une
certaine façon ? Parce que la Philosophie est une nouvelle matière et
qu’il n’est pas évident de comprendre le type d’effort attendu pour un exercice
que l’on tente, une première fois. Toutes les notes situées en dessous de 10
sont donc à aborder selon une modalité simple mais caractéristique. Votre
correcteur vous signifie clairement que vous n’avez pas compris en quoi
consiste une dissertation de Philosophie et cela peut valoir tout aussi bien
dans les termes du travail attendu que du style d’écriture que de l’état
d’esprit avec lequel il faut mener à bien cette « entreprise ».
Vous disposerez toujours de
trois semaines entre le moment où vous recevrez le sujet et celui de la remise
de votre copie. Durant cette période, vos enseignants vous fourniront des
conseils de méthode, des suggestions de problématisation, des pistes à
explorer, des références à utiliser. Cependant aucune de ces incitations, aucun
de ces apports ne pourront vraiment être efficaces s’ils ne s’inscrivent pas préalablement
sur le fond d’une écoute, d’une attention et pourquoi pas, d’une
« envie » de comprendre, d’approcher et de traiter un sujet que vous
pouvez cerner de mieux en mieux au fil des jours.
C’est la raison pour laquelle il convient d’abord de se résoudre à penser au sujet, ne serait-ce que dix minutes par jour dans la première semaine, dés que vous en accusez réception. On ne peut pas demander à un correcteur d’être indulgent si vous n’avez commencé à vous poser la question du sujet que la veille de la date de remise du devoir. Dans la tête de la personne qui vous évalue, il y a cette période de trois semaines à l’aune de laquelle elle va mesurer la valeur, l’intensité, la profondeur de ce que vous avez écrit.
C’est la raison pour laquelle il convient d’abord de se résoudre à penser au sujet, ne serait-ce que dix minutes par jour dans la première semaine, dés que vous en accusez réception. On ne peut pas demander à un correcteur d’être indulgent si vous n’avez commencé à vous poser la question du sujet que la veille de la date de remise du devoir. Dans la tête de la personne qui vous évalue, il y a cette période de trois semaines à l’aune de laquelle elle va mesurer la valeur, l’intensité, la profondeur de ce que vous avez écrit.
Un sujet est un peu comme un filet de pêche qui va
draguer le fond des océans et ramener les poissons évoluant dans les
profondeurs. Vous n’avez pas idée des espèces de pensées, de références, de
souvenirs ou d’images qui gravitent dans les recoins de votre esprit. Il vous
faut donc de la patience, tresser un filet avec des mailles suffisamment
resserrées pour « toutes les espèces de poissons » concernées par la
question posée, et surtout ne pas vouloir des résultats tout de suite, ne pas
ramener son filet avant qu’il n’ait arpenté la totalité du territoire de pêche.
Ce critère de correction
est vraiment crucial, il peut déjà expliquer un certain nombre de mauvaises
notes, mais il se peut aussi qu’un élève se soit mépris sur le style d’écriture
attendu, sur le sens même de ce qui constitue une efficacité proprement
philosophique concernant l’exercice de la dissertation. C’est un critère très
difficile à saisir : la philosophie est une discipline d’argumentation
dans laquelle rien ne peut être affirmé « gratuitement », encore
moins idéologiquement. Des qualités de « raisonnement pur » sont donc
requises. Mais en même temps, derrière votre façon d’écrire, votre choix des
références, des exemples, votre insistance sur tel ou tel aspect de la
question, quelque chose de votre manière spécifique de vous questionner, de
vous « entêter » (au très bon sens du terme), bref de votre intensité
d’existence propre devrait nécessairement affleurer à la surface de votre
expression écrite (et cette intensité n’a vraiment rien à voir avec votre
intimité ou votre « ego »). C’est tout-à-fait souhaitable et c’est le
devoir même de votre correcteur non seulement de faire droit à cet affleurement
mais aussi à le faciliter à le récompenser.
Devant sa note et les
appréciations du correcteur, il n’est pas rare qu’un élève s’adresse (ou ait
envie de s’adresser) à l’enseignant en lui disant qu’il ne comprend pas
: « J’ai pourtant fait tout ce que vous demandiez, vous vouliez une
problématisation, elle est là, vous vouliez des références, elles sont là, vous
vouliez un plan construit, on voit bien que j’en ai un, etc. Alors
pourquoi m’avez vous seulement donné un 8 ou un 9 ?» Cette énumération est
en réalité très, très suspecte et le professeur pourrait
répondre qu’en un sens, c’est exactement l’origine même de la mauvaise note que
l’élève, sans s’en rendre compte, révèle en croyant pourtant n’évoquer que des
qualités, des « plus », des « bons points ».
Une
dissertation ne peut en aucune manière se ramener à une liste de protocoles
respectés comme le pilote d’un avion juste avant le vol. Il n’y a pas ici de
« check-list » : « problème ? Check !
Références ? Check ! Arguments ? Check ! » Ce qu’il
manque à tout ça, c’est l’esprit de suite, la continuité, le
« liant » par le biais duquel le bon élève a compris qu’il n’y a
finalement ici qu’UN seul problème à explorer dans
toutes ses différentes dimensions, dans sa complexité "multiple", et que, seule, UNE réflexion « tenue » par UNE intensité
d’existence individuelle et stylisée peut entreprendre une telle démarche.
C’est justement parce que vous abordez une question sans jamais faire référence
ni même penser aux épisodes de votre vie supposée « propre » ou
personnelle que vous allez, sans vous en rendre compte, produire un effort de
réflexion authentique et stylisé.
En d’autres termes,
l’intérêt que vous allez porter à un sujet de dissertation n’a vraiment rien à
voir avec vos expériences, avec votre vécu, avec votre
« sensibilité », avec vos « préoccupations personnelles », avec
vos « dons », avec votre culture. Cela n’entre pas du tout en ligne
de compte. Ce qui importe c’est d’abord le temps passé sur un
sujet, votre capacité à vous imposer l’habitude de revenir sans cesse à la même
question, inlassablement, en vous rendant compte que ses contours ne cessent de
trembler, de se lézarder, de recouvrir de nouvelles zones de questionnement, de
désamorcer les réponses toutes faites et de nuancer les réponses possibles.
Personne n’a jamais dit que cette façon d’aborder une question était facile ou
évidente. Il faut « s’entraîner à cet entrainement là » et votre note
est seulement l’indicateur qui vous est adressé par votre enseignant de la
distance qu’il vous reste à combler pour vous situer dans la ligne exacte de
cette juste appréhension d’un sujet de philosophie.
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