Le président (Juré 1) : entre 40 et 50 ans, il
est entraîneur de football américain. Le titre de « Président » ne
signifie pas du tout que sa voix vaudrait plus qu’une autre. Il est simplement
chargé d’animer les délibérations. C’est un juré assez effacé qui ne hausse la
voix que lorsque on remet en cause ses décisions concernant l’organisation de
la prise de parole. Il aime bien que les choses se fassent dans l’ordre et ne
défend finalement jamais son vote (coupable jusqu’à ce que la majorité bascule
en faveur de la non culpabilité). Cela ne se voit pas mais il profite de son
rôle de président pour ne jamais justifier son vote. Lors du premier tour de
table, il cède d’emblée la parole au second juré. Il essaie de calmer le jeu
lorsque l’atmosphère est surchauffée et c’est toujours lui qui insinue dans les
délibérations les temps de vote.
Le juré 2 : trente cinq ans employé
de banque. Il est timide et sa première prise de parole est assez pauvre non
seulement parce qu’il semble peu habitué à parler en public mais aussi parce
que sa démonstration de la culpabilité de l’adolescent est nulle et dépourvue
de preuves. A plusieurs reprises, il recours à l’expression « c’est
intéressant » pour cacher son absence de jugement. Au fil des débats, il
va prendre de l’assurance en trouvant sa place et son vote. Il se prononcera
assez vite pour la non culpabilité. Il est absolument dépourvu de préjugés
d’aucune sorte. C’est un homme simple qui n’aspire qu’à la tranquillité et ne
fait jamais de ce procés une affaire personnelle.
Le juré 3 : 50 ans, patron d’une
petite entreprise de 37 employés (un homme qui s’est fait tout seul). C’est un
homme sanguin, un hâbleur (une grande gueule) qui ne parvient pas à cacher une
blessure personnelle : le départ de son fils après une vive dispute au
cours de laquelle il a reçu son poing dans la figure. Il projette totalement
son histoire sur cet adolescent et se fait un devoir de le condamner à mort.
C’est comme s’il pouvait se venger sur l’accusé de ce qu’il lui est arrivé dans
sa vie : l’échec total de son éducation « à la dure ». Il essaie
néanmoins de cacher plus ou moins efficacement ce mobile personnel et
irrecevable derrière les preuves à charge. Il est l’ennemi N°1 du juré 8.
Le juré 4 : entre 35 et 40 ans
courtier en bourse. C’est un homme aisé et éduqué qui s’exprime toujours avec
calme et pondération. Il est dans ce groupe le porte parole de la logique et de
la démonstration. Tant que la preuve ne lui sera pas rationnellemnt apportée
qu’un doute sérieux est possible dans tous ces témoignages à charge il votera
coupable, mais sa prise de position ne repose aucunement sur quelque préjugé
que ce soit et sa tirade sur les « zones » de banlieues ne fait dans
son esprit que souligner un fait. Il n’est ni raciste ni anti-jeune. Trop de
preuves concordent en faveur de la culpabilité de l’accusé.
Le juré 5 : 25 ans chômeur. Il est du même milieu que
l’accusé et se sent visé dés que les jeunes issus de la zone sont montrés du
doigt (notamment par le juré 10). D’abord très complexé par sa situation sociale
défavorisée, il va grâce au juré 8 assumer sa place et l’empathie qu’il ne peut
pas ne pas éprouver pour l’accusé. Il fera disparaître son complexe
d’infériorité en démontant l’argument de la prise du couteau.
Le juré 6 : 40 ans peintre en
bâtiment. C’est un homme simple qui cultive le respect des personnes âgées. Il
n’est pas complexé par son origine modeste mais évoque parfois son rôle de
subalterne. Il prend assez peu la parole mais n’apprécie pas les propos
discourtois des jurés 10 et 3. Très attentif au débat, il changera de vote
quand le juré 8 l’aura définitvement convaincu, vers le milieu des
délibérations.
Le juré 7 : 50 ans, représentant de
commerce. Il ne réalise jamais vraiment la situation réelle. C’est comme si son
quotidien avait anesthésié en lui toute sensibilité à la gravité d’une
décision, à l’instant crucial d’une parole ou d’un raisonnement. Tout glisse, tout
passe, parce qu’il n’y a que des affaires courantes. Il tente constamment de
dégonfler la pression des instants de tension parce qu’il ne s’y sent pas à
l’aise. La seule chose qui compte est son match de football américain. IL sera
impossible de lui arracher une seule parole sentie, effective, assumée de
toutes les délibérations, et jamais nous ne pourrons vraiment envisager qu’il
ait voté « en conscience » la non culpabilité.
Le juré 8 : 45 ans architecte. Calme et sûr de lui, il
est le contraire du juré 7, c’est-à-dire qu’il prend au sérieux son rôle et
vote simplement la culpabilité parce qu’un doute valable s’impose à lui dés le
départ. On peut le considérer comme le héros de la pièce mais il ne doit pas
être sur-joué car précisément il ne fait que se tenir au plus prés de ce qu’on
lui demande d’être en tant que juré : neutre, attentif aux faits, sans
parti pris. Il est même possible que cette neutralité pointilleuse en allant au
bout de la procédure de justice révèle au grand jour les défaillances d’un
système donnant à douze personnes le droit de vie ou de mort sur une autre.
Le juré 9 : 65 ans, retraité. Il sera
le premier appui du juré 8. Essoufflé, physiquement diminué à cause de son
grand âge. Il fait preuve d’une vraie finesse psychologique dans l’analyse
qu’il mènera de certains témoignages. Il est le « regard » de ce
corps hétéroclite et composite que constitue cette assemblée de douze
personnes. Il y a quelque chose d’une hydre à 12 têtes dans ces délibérations
et ce jury (on leur demande de décider d’une sentence unanimement).
Le juré 10 : 50 ans garagiste (riche, il a 3 garages).
C’est un raciste qui veut la mort de l’accusé parce qu’il est portoricain.
Comme tout raciste, il part du principe que tout le monde est comme lui et ne
cessera de faire monter le ton de sa colère jusqu’à ce que sa haine explose au
grand jour comme l’éruption d’un volcan. Il
présente toutes les caractéristiques de « la grande gueule ».
Il est mis « hors touche » lors d’une scène essentielle de la pièce.
On peut ne pas exclure la possibilité qu’il réalise à cet instant la nature
inadmissible de ses préjugés raciaux.
Le juré 11 : 55 ans horloger. Il vient
d’un pays étranger, probablement d’Europe Centrale et célèbre à plusieurs
reprises la constitution des Etats Unis.
Il rappelle souvent les exigences de neutralité et de justice à ses
collègues parce qu’il a fait l’épreuve difficile de régimes moins libres. Le
comportement du juré 7 finira par le faire sortir de ses gonds précisément
parce qu’il réalise que cet homme ne comprend pas ce qui est train de se passer
légalement.
Le juré 12 : 35 ans, publicitaire. Il ne comprend pas non
plus tout de suite où il est comme le juré 7. Il insiste sur « la
chance » d’avoir à juger un crime, parce que son métier de publicitaire le
conduit à ne porter attention qu’au paraître, qu’à l’aspect spectaculaire des
expériences sans comprendre que c’est justement par l’autre bout, celui du
détail et de l’anodin qu’il faut aborder les faits. Il hésitera à la fin des
délibérations passant de la culpabilité à la non culpabilité puis à la
culpabilité avant de changer une dernière fois d’avis, parce qu’il se sent peu
à peu écrasé par la gravité des circonstances. Il prête attention à l’effet de
ses paroles et finit par se rendre compte grâce au juré 8 qu’il n’y a pas de
place dans ce huis clos pour le paraître, ni les accroches de slogans.
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