Bonjour à toutes et tous!
Un grand merci à celles et ceux d'entre vous qui m'envoient des messages sur la prochaine dissertation ou sur le cours. Cela est VRAIMENT nécessaire pour savoir où vous en êtes. Vous m'avouez parfois être en retard par rapport à l’œuvre elle-même. Ce n'est pas grave puisque les cours sont et resteront sur le Blog, consultable au gré du temps dont vous disposez, mais il est nécessaire que vous profitiez des vacances pour vous remettre en phase avec cette explication détaillée. Pourquoi? Parce que nous avons traité, en parallèle de cette étude et de vos travaux de recherche sur le sujet ou sur le texte, les notions de science, d’interprétation, d'histoire, d'art (même si nous y reviendrons) , de raison et de réel. Vous êtes toutes et tous concernés. pourquoi?
- Parce que j'espère bien vous revoir bientôt et il y aura nécessairement un travail en temps limité sur cette oeuvre
- Parce que Nietzsche est trés sympa!
- Parce que si vous prévoyez une poursuite d'étude en classe prépa, nous sommes en train d'achever un gros morceau du programme de terminale
- Parce que si l'obtention du bac n'est pas acquise, vous serez interrogés soit sur cette oeuvre soit sur 'la lettre à Ménécée" d'Epicure dont il va être question très prochainement.
- Parce qu'on doit bien ça à Friedrich,vu qu'il est très sympa
D'ailleurs à ce propos il est temps de lui rappeler qu'il a mieux à faire que de sauver le monde.
Cet instinct qui pousse l’homme à forger….illusionner de toutes les façons (§12): Les flux qui parcourent l’écriture de Nietzsche sont vraiment à l’image de sa conception de la vie et de la volonté de puissance , même si celle-ci ne parviendra à maturité que plus tard dans son oeuvre, car nous voyons bien comment nous, lecteurs, sommes constamment ballotés d’une description plutôt alarmante et desséchante de l’existence à une perspective beaucoup plus vive, rajeunissante, féconde. C’est comme si la pensée de l’écrivain se plaçait à l’unisson de ces forces contradictoires et multiples dont il essaie de suivre à la trace le ou les dynamismes. Nietzsche n’est jamais négativement pessimiste mais il est positivement pessimiste et optimiste, exactement comme le tragique grec dont il fera le portrait à la fin de l’oeuvre en contrepoint de celui du Stoïcien. Quoi qu’on soit, soyons-le pleinement! Vivons-le intensément! Devenons-le parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de l’être! Cette citadelle décrite dans le paragraphe précédent (qui fait d’ailleurs écho à la « citadelle intérieure » du Stoïcien Marc-Aurèle) ne parvient pas à étrangler l’instinct vital de l’être humain qui, au sein même de cette contamination de l’intellect abstrait et « sclérosant » de la science, est capable de brouiller la diffusion de cette pathologie en changeant les rubriques, en transgressant les codes, en revitalisant le flux vivant de la métaphorisation.
L’instinct qui finalement oeuvre dans la vérité est celui-là: la métaphorisation des affects et dans cette recherche conceptuelle du vrai qui catégorise et classifie, il irrigue les anciens canaux creusés d’un nouvel élan qui éventuellement va détruire les digues, changer les tracés, redéfinir incessamment les contours. De fait, constatons que la science est une discipline incroyablement ouverte, capable de se remettre en cause, de se porter vers de nouveaux objets. Il existe aujourd’hui des scientifiques qui ne s’offusqueraient aucunement des charges de Nietzsche contre le dessèchement de la pensée conceptuelle, qui l’encouragerait peut-être: « L’imagination est plus importante que la connaissance, dit ainsi Albert Einstein, car la connaissance est limitée tandis que l’imagination englobe le monde entier. »
Nous sommes d’abord et finalement seulement des interprètes de sensation. Nous créons à partir d’elles des images opérant ainsi des analogies. Ceci est une base et une définition de l’homme indéfectible, première, fondamentale. C’est à cela qu’il faut revenir quand nous nous sentons perdus dans la lecture de Nietzsche. Cet instinct métaphorique est propre au vivant, mais l’intellect humain le file jusqu’à l’usure. Nous dévoilons ainsi le fond métaphorique d’une nature « voilante »: « la nature aime à se cacher » - Héraclite. Cela signifie qu’il n’est pas possible de savoir si en cet instant nous rêvons ou ne rêvons pas. Nietzsche serait un peu comme un lecteur de Descartes qui ne serait jamais sorti de la possibilité du rêve tout simplement parce qu’il ne croit pas que cela ne soit qu’une alternative que l’on devrait émettre juste pour s’en protéger…ce que Descartes, malheureusement, fait. Ce qui est réel c’est que cette alternative « est », qu’elle définit exactement cette propension métaphorique dans laquelle nous consistons. Mais alors, d’où vient que nous soyons persuadés de ne pas rêver? Uniquement de la force des métaphores conceptuelles, rationnelles, scientifiques.
Nous sommes d’abord et finalement seulement des interprètes de sensation. Nous créons à partir d’elles des images opérant ainsi des analogies. Ceci est une base et une définition de l’homme indéfectible, première, fondamentale. C’est à cela qu’il faut revenir quand nous nous sentons perdus dans la lecture de Nietzsche. Cet instinct métaphorique est propre au vivant, mais l’intellect humain le file jusqu’à l’usure. Nous dévoilons ainsi le fond métaphorique d’une nature « voilante »: « la nature aime à se cacher » - Héraclite. Cela signifie qu’il n’est pas possible de savoir si en cet instant nous rêvons ou ne rêvons pas. Nietzsche serait un peu comme un lecteur de Descartes qui ne serait jamais sorti de la possibilité du rêve tout simplement parce qu’il ne croit pas que cela ne soit qu’une alternative que l’on devrait émettre juste pour s’en protéger…ce que Descartes, malheureusement, fait. Ce qui est réel c’est que cette alternative « est », qu’elle définit exactement cette propension métaphorique dans laquelle nous consistons. Mais alors, d’où vient que nous soyons persuadés de ne pas rêver? Uniquement de la force des métaphores conceptuelles, rationnelles, scientifiques.
Nietzsche cite alors cette superbe parabole de Pascal dans laquelle « un artisan rêvant qu’il est roi est aussi heureux qu’un roi rêvant qu’il est un artisan » mais il faudrait la prolonger: « parce qu’il l’est finalement ». Tout comme Tchouang-Tseu ne sait plus bien au final s’il est un homme qui a rêvé qu’il était un papillon ou un papillon qui rêve qu’il est un homme, la vie réduite à ce qu’elle est: une suite d’affects ne nous donne pas, par elle-même, de critère de distinction entre la veille et le songe.
Qu’est-ce que la « vérité », dés lors? Le dévoilement du voile, la lucidité enfin révèle de ceci que le rêve et la réalité ne se distinguent pas. L’homme éveillé n’est certain de veiller que parce qu’il est dans un rêve rationnel et inversement l’artiste ne se donne ainsi toute latitude d’imaginer que parce qu’il est dans la réalité de ces métaphores rêvées. On peut jouer à plaisir de tous les déplacements de ce chiasme entre fiction et réel, mais ce serait un peu vain, parce que le fond de la pensée de Nietzsche consiste à affirmer la plus grande intensité de la lumière du jour des Tragédiens Grecs que celle, à « contre jour » de la pensée rationalisante et morne d’une science exclusivement conceptuelle.
Si la texture même de l’existence est métaphorisante, vouée par nature à la transposition continuelle et fondamentale, principielle, alors les métaphores premières, dans tous les sens que peut revêtir cette antériorité, à savoir, à la fois, les plus récentes, les plus brutes, les plus irréductiblement nouvelles, mais aussi les plus antiques, les plus spontanées dans l’histoire de l’homme, soit la pensée mythologique, magique, surnaturelle sont les plus « vraies », les plus authentiques, les plus à mêmes de rendre compte de ce tremblement de l’existence tel qu’il se manifeste aux premiers existants. Que le surnaturel puisse ainsi surgir à tout moment nous situe de fait dans une posture existentielle plus vraie que lorsque nos métaphores, élimées par un long usage de l’intellect abstrait , a construit autour de nous ce colombarium de la pensée vide, comme une citadelle de la croyance dans le « tout est sous contrôle ». Quoi de plus vrai, en effet, que cette représentation de Dieux tout occupés à nous tromper, à nous manipuler, à jouer de nous comme si nous n’étions que de simples pions pour nous faire métaphoriquement comprendre que telle est en effet, la volonté de puissance?
Mais l’homme lui-même a une tendance invincible à se laisser tromper….à la puissante intuition présente (§13): Il est peu de passages aussi « enjoué », aussi optimiste que celui-ci dans l’oeuvre, car Nietzsche décrit ici la seule « vérité » qui puisse valoir dans une réalité vouée par nature à tromper et à être trompée. Les mythes n’ont jamais consisté à donner à l’homme une sorte d’explication plausible des phénomènes en leur assignant une origine surnaturelle ou divine. Ils sont directement en prise avec cette efficience à la fois première et indépassable de la métaphorisation, un peu comme si l’homme acceptait de croire ce dont il sait, par ailleurs, que c’est une fable. Il n’y a que des fables. Ce monde d’objets que j’imagine dans le prolongement de mes sensations est une fable, et si c’est une fable qui se manifeste universellement pour tous mes semblables, c’est à cause du langage qui ne fait que structurer cette hallucination collective d’un monde d’objets distincts et lisses à l’horizon de tous nos affects. Par conséquent, à chaque fois que je dis qu’il est vrai que je touche ce mur ou que je vois cette chaise, je devrais dire que c’est « courant », c’est l’hallucination commune à laquelle nous adhérons pour nous entretenir dans l’illusion d’une vérité, alors qu’il ne s’agit que d’un sens commun établissant communément une version viable parce que simplement commune.
Qu’est-ce que la « vérité », dés lors? Le dévoilement du voile, la lucidité enfin révèle de ceci que le rêve et la réalité ne se distinguent pas. L’homme éveillé n’est certain de veiller que parce qu’il est dans un rêve rationnel et inversement l’artiste ne se donne ainsi toute latitude d’imaginer que parce qu’il est dans la réalité de ces métaphores rêvées. On peut jouer à plaisir de tous les déplacements de ce chiasme entre fiction et réel, mais ce serait un peu vain, parce que le fond de la pensée de Nietzsche consiste à affirmer la plus grande intensité de la lumière du jour des Tragédiens Grecs que celle, à « contre jour » de la pensée rationalisante et morne d’une science exclusivement conceptuelle.
Si la texture même de l’existence est métaphorisante, vouée par nature à la transposition continuelle et fondamentale, principielle, alors les métaphores premières, dans tous les sens que peut revêtir cette antériorité, à savoir, à la fois, les plus récentes, les plus brutes, les plus irréductiblement nouvelles, mais aussi les plus antiques, les plus spontanées dans l’histoire de l’homme, soit la pensée mythologique, magique, surnaturelle sont les plus « vraies », les plus authentiques, les plus à mêmes de rendre compte de ce tremblement de l’existence tel qu’il se manifeste aux premiers existants. Que le surnaturel puisse ainsi surgir à tout moment nous situe de fait dans une posture existentielle plus vraie que lorsque nos métaphores, élimées par un long usage de l’intellect abstrait , a construit autour de nous ce colombarium de la pensée vide, comme une citadelle de la croyance dans le « tout est sous contrôle ». Quoi de plus vrai, en effet, que cette représentation de Dieux tout occupés à nous tromper, à nous manipuler, à jouer de nous comme si nous n’étions que de simples pions pour nous faire métaphoriquement comprendre que telle est en effet, la volonté de puissance?
Mais l’homme lui-même a une tendance invincible à se laisser tromper….à la puissante intuition présente (§13): Il est peu de passages aussi « enjoué », aussi optimiste que celui-ci dans l’oeuvre, car Nietzsche décrit ici la seule « vérité » qui puisse valoir dans une réalité vouée par nature à tromper et à être trompée. Les mythes n’ont jamais consisté à donner à l’homme une sorte d’explication plausible des phénomènes en leur assignant une origine surnaturelle ou divine. Ils sont directement en prise avec cette efficience à la fois première et indépassable de la métaphorisation, un peu comme si l’homme acceptait de croire ce dont il sait, par ailleurs, que c’est une fable. Il n’y a que des fables. Ce monde d’objets que j’imagine dans le prolongement de mes sensations est une fable, et si c’est une fable qui se manifeste universellement pour tous mes semblables, c’est à cause du langage qui ne fait que structurer cette hallucination collective d’un monde d’objets distincts et lisses à l’horizon de tous nos affects. Par conséquent, à chaque fois que je dis qu’il est vrai que je touche ce mur ou que je vois cette chaise, je devrais dire que c’est « courant », c’est l’hallucination commune à laquelle nous adhérons pour nous entretenir dans l’illusion d’une vérité, alors qu’il ne s’agit que d’un sens commun établissant communément une version viable parce que simplement commune.
Cette pseudo-vérité tient davantage de la manifestation sociologique dite de « l’effet témoin » que d’un quelconque instinct de vérité. On peut penser ici au film de Lucas Belvaux: « l’effet témoin ». Les 37 personnes qui ont toutes entendu les cris de la victime tissent de toute pièce la trame d’une autre réalité, parce que la vérité du cri les met en face d’une dimension terrifiante dans laquelle l’inconnu peut surgir à tout moment. Il crée une réalité alternative. Ce point est fondamental car ce serait commettre une grave erreur que de penser que les thèses de Nietzsche épouse finalement la perspective de cette réalité alternative. Le cri en lui-même n’est pas une métaphore, il est une sensation que tout le monde a entendu. L’émergence d’un monde terrifiant au sein duquel tout peut arriver est vraie, ne serait-ce que parce que le trouble qu’il provoque est efficient. L’article récent de Dorian Astor au sujets des faits alternatifs revendiqués par l’administration Trump au sujet de son investiture est particulièrement clair et précis sur ce point:
« Plus radical — ou plus suspicieux — que Kant, Nietzsche en tire la conséquence que la distinction entre l’en-soi et le phénomène est elle-même une affabulation, et que la notion de « fait en soi » est une absurdité. Il n’y a de faits que fabriqués, de factum que fictum — Extrapolation, interpolation ou interprétation. On n’interprète pas un fait, c’est le fait qui est une interprétation. À la lettre, il n’y a pas de fait — il n’y a que de l’interprétation. Or apparemment (c’est-à-dire, si on la prend au sérieux), Conway affirme au contraire qu’il y a des faits. Il y en a même davantage que ceux que nous connaissons, des faits alternatifs aux nôtres. À aucun moment elle ne suggère qu’un même fait puisse tolérer des interprétations alternatives (cela, c’est bon pour le débat démocratique et la liberté d’expression), encore moins qu’il n’y aurait que des interprétations. Il y a d’autres faits, connus des seuls maîtres du monde, et c’est bien normal. Le concept de « fait alternatif » ne relève pas d’un quelconque relativisme, mais d’un dogmatisme grossier.
Il faut ensuite souligner que la formule nietzschéenne « il n’y a pas de faits » ne veut pas dire que rien ne se donne dans le donné, que ce qui apparaît n’est qu’un néant. Au contraire, l’apparence est pleine, généreuse, surabondante ; elle déborde toujours les limites de ce que nous pouvons en saisir. Qui trop embrasse mal étreint : l’interprétation est un prélèvement, une sélection drastique, une activité simplificatrice, et par-là même falsificatrice. Face à la profusion des multiplicités infinies en devenir qui nous bombardent comme des canons à particules, nous avons des armes mal réglées qui s’appellent la connaissance et le langage (seul un dieu pourrait réaliser un réglage parfait). Ces instruments nous servent à filtrer, trier, ordonner ce désordre, et nous donnent un sentiment de puissance, l’impression de dominer ce chaos. Un fait, c’est un petit tiroir dans lequel nous croyons avoir pu enfermer un fragment de chaos. D’un flux trop grand pour nous, nous avons fait un objet trop petit. C’est une activité vitale et instinctive, utile et même indispensable. Mais c’est une falsification, même si nous ne savons jamais ce qui a été falsifié, et ce que c’était avant de l’être. »
« Plus radical — ou plus suspicieux — que Kant, Nietzsche en tire la conséquence que la distinction entre l’en-soi et le phénomène est elle-même une affabulation, et que la notion de « fait en soi » est une absurdité. Il n’y a de faits que fabriqués, de factum que fictum — Extrapolation, interpolation ou interprétation. On n’interprète pas un fait, c’est le fait qui est une interprétation. À la lettre, il n’y a pas de fait — il n’y a que de l’interprétation. Or apparemment (c’est-à-dire, si on la prend au sérieux), Conway affirme au contraire qu’il y a des faits. Il y en a même davantage que ceux que nous connaissons, des faits alternatifs aux nôtres. À aucun moment elle ne suggère qu’un même fait puisse tolérer des interprétations alternatives (cela, c’est bon pour le débat démocratique et la liberté d’expression), encore moins qu’il n’y aurait que des interprétations. Il y a d’autres faits, connus des seuls maîtres du monde, et c’est bien normal. Le concept de « fait alternatif » ne relève pas d’un quelconque relativisme, mais d’un dogmatisme grossier.
Il faut ensuite souligner que la formule nietzschéenne « il n’y a pas de faits » ne veut pas dire que rien ne se donne dans le donné, que ce qui apparaît n’est qu’un néant. Au contraire, l’apparence est pleine, généreuse, surabondante ; elle déborde toujours les limites de ce que nous pouvons en saisir. Qui trop embrasse mal étreint : l’interprétation est un prélèvement, une sélection drastique, une activité simplificatrice, et par-là même falsificatrice. Face à la profusion des multiplicités infinies en devenir qui nous bombardent comme des canons à particules, nous avons des armes mal réglées qui s’appellent la connaissance et le langage (seul un dieu pourrait réaliser un réglage parfait). Ces instruments nous servent à filtrer, trier, ordonner ce désordre, et nous donnent un sentiment de puissance, l’impression de dominer ce chaos. Un fait, c’est un petit tiroir dans lequel nous croyons avoir pu enfermer un fragment de chaos. D’un flux trop grand pour nous, nous avons fait un objet trop petit. C’est une activité vitale et instinctive, utile et même indispensable. Mais c’est une falsification, même si nous ne savons jamais ce qui a été falsifié, et ce que c’était avant de l’être. »
S’il n’y a pas de faits mais que des interprétations, pourquoi pas celle-ci (aucune femme n’a crié pour les 37 témoins ou L’investiture de Trump a réuni plus de personnes que celle d’Obama)? Tout simplement parce que Kellyanne Conway ou les 37 témoins ne disent pas que leur version n’est qu’une interprétation mais ils affirment que ce sont les faits. Elle suggère qu’il y a « d’autres faits » à la lueur desquels Trump aurait rassemblé plus de monde qu’Obama, là même où Nietzsche dirait qu’il y a d’autres interprétations, voire qu’il n’y a que des interprétations. Sur ce fait, il est question de comptage, lequel consiste déjà en soi dans une certaine interprétation de ce qu’est un rassemblement de personnes. Il y a des flux dynamiques de vie qui se libèrent à chaque instant et qui excèdent de toutes parts nos facultés de perception. Nous croyons tout connaître ce cette débauche d’énergie tout simplement parce que les filets du langage nous en ramènent « les plus gros poissons », les étiquettes les plus grossières, les assimilations les plus caricaturales. L’homme vit de part en part dans une réalité qui l’excède et le dépasse. Qu’il y ait « d’autres faits » dans cet évènement que l’investiture de Trump que celui de l’attroupement de personnes est indiscutable mais cela ne saurait pour autant signifier qu’il y a plusieurs interprétations possibles de cette interprétation qu’est le décomptage de personnes. Sous cet angle, il n’y a qu’une interprétation viable.
Pour les mêmes raisons, les 37 personnes usent pour leur confort de la capacité qu’a le langage de constituer des faits une version qui occulte la sensation la plus vive, à savoir le cri de la femme assassinée. Les interprétations ne signifient pas du tout que l’homme est légitimer à créer toutes les versions qu’il veut de tel ou tel instant, car toute métaphore doit valoir par analogie avec ce qu’elle transpose. L’intensité du cri était telle qu’elle ne pouvait pas ne pas se détacher du Fond perceptif de ce moment.
Ce n’est pas du tout de travestissement de cet acabit dont il est question ici, ne serait-ce que parce que ces mensonges là, ceux de Kellyanne Conway et des 37 témoins sont intéressés, commandés par le confort et l’auto-persuasion idéologique. Le « bonheur » que nous éprouvons à écouter de mythes ou à voir des acteurs de théâtre jouer est une satisfaction pleine, entière et assumée parce que nous savons bien que l’acteur joue mieux le roi que le roi lui-même, ou que le mythe dit mieux que l’explication scientifique le tremblement physique du phénomène, son impact sensible, bref sa vérité. Quelque chose de l’intellect se dévoile dans l’art et la mythologie plus et mieux que dans toute autre activité, mais quoi donc? La vérité de son activité dissimulatrice, théâtrale, tragique, mensongère (si l’on y tient). Le philosophe allemand Adorno exprime parfaitement ce dévoilement du voile, dans sa définition de l’Art: « la magie affranchie du mensonge d’être vraie. » Il y a en effet une grande différence entre le gourou utilisant un subterfuge pour faire croire à ses fidèles qu’il vient d’accomplir un miracle et le magicien qui ne se fait passer que pour ce qu’il est: un expert en supercherie, en tromperie. Tromper pour la plaisir de tromper et d’être trompé: tel est bien la force enfin révélée, enfin gratuite d ‘un intellect qui ne cache plus ses ruses sans pour autant cesser de ruser. Ce n’est plus sous la menace de sa conservation que l’être humain use de cet intellect mais dans la fibre esthétique de sa puissance fictive, métaphorisante, imaginative. On jouit alors de la force de transposition d’un mensonge qui dit la vérité de ce qu’il est. On peut alors dire du mythe ce que Jean Cocteau disait du roman à savoir qu’il est « un mensonge qui dit toujours la vérité. » De même, Pierre Bourdieu décrit excellemment la fonction de vérité de nombreux romans qui disent davantage la vérité d’une époque que toutes les enquêtes sociologiques, précisément parce qu’elle sont des oeuvres de fiction: « L’ «effet de réel» est cette forme très particulière de croyance que la fiction littéraire produit à travers une référence déniée au réel désigné qui permet de savoir tout en refusant de savoir ce qu’il en est vraiment. »
On en apprend davantage sur le souvenir involontaire en lisant Proust qu’en décryptant tous les ouvrages scientifiques les plus pointus sur la mémoire, précisément parce que Marcel Proust ne fait que « raconter une histoire. » Nietzsche fait une distinction essentielle entre le travestissement et la distorsion. La sécheresse des métaphores conceptuelles, ainsi que l’esprit de sérieux, au très mauvais sens du terme, qui les accompagne porte la marque de cette action déformante, abusive, dommageable à tous égards à l’homme ainsi qu’à la vie elle-même, tandis que les métaphores intuitives telles qu’elles se libèrent dans l’art, la mythologie et la création produisent du travestissement joyeux et sont en phase avec les forces les plus vives de l’univers. Ce n’est pas travestir la vérité que de laisser en soi libre cours à cette efficience authentique et libérée du travestissement, telle qu’elle s’exprime notamment dans les Dionysies, d’abord, dans le théâtre tragique ensuite, puis dans les saturnales, enfin dans le Carnaval tel que nous n’en connaissons aujourd’hui que de très pâles copies (cette pâleur d’ailleurs donne idée de la distorsion de l’esprit de notre époque contemporaine).
Pour les mêmes raisons, les 37 personnes usent pour leur confort de la capacité qu’a le langage de constituer des faits une version qui occulte la sensation la plus vive, à savoir le cri de la femme assassinée. Les interprétations ne signifient pas du tout que l’homme est légitimer à créer toutes les versions qu’il veut de tel ou tel instant, car toute métaphore doit valoir par analogie avec ce qu’elle transpose. L’intensité du cri était telle qu’elle ne pouvait pas ne pas se détacher du Fond perceptif de ce moment.
Ce n’est pas du tout de travestissement de cet acabit dont il est question ici, ne serait-ce que parce que ces mensonges là, ceux de Kellyanne Conway et des 37 témoins sont intéressés, commandés par le confort et l’auto-persuasion idéologique. Le « bonheur » que nous éprouvons à écouter de mythes ou à voir des acteurs de théâtre jouer est une satisfaction pleine, entière et assumée parce que nous savons bien que l’acteur joue mieux le roi que le roi lui-même, ou que le mythe dit mieux que l’explication scientifique le tremblement physique du phénomène, son impact sensible, bref sa vérité. Quelque chose de l’intellect se dévoile dans l’art et la mythologie plus et mieux que dans toute autre activité, mais quoi donc? La vérité de son activité dissimulatrice, théâtrale, tragique, mensongère (si l’on y tient). Le philosophe allemand Adorno exprime parfaitement ce dévoilement du voile, dans sa définition de l’Art: « la magie affranchie du mensonge d’être vraie. » Il y a en effet une grande différence entre le gourou utilisant un subterfuge pour faire croire à ses fidèles qu’il vient d’accomplir un miracle et le magicien qui ne se fait passer que pour ce qu’il est: un expert en supercherie, en tromperie. Tromper pour la plaisir de tromper et d’être trompé: tel est bien la force enfin révélée, enfin gratuite d ‘un intellect qui ne cache plus ses ruses sans pour autant cesser de ruser. Ce n’est plus sous la menace de sa conservation que l’être humain use de cet intellect mais dans la fibre esthétique de sa puissance fictive, métaphorisante, imaginative. On jouit alors de la force de transposition d’un mensonge qui dit la vérité de ce qu’il est. On peut alors dire du mythe ce que Jean Cocteau disait du roman à savoir qu’il est « un mensonge qui dit toujours la vérité. » De même, Pierre Bourdieu décrit excellemment la fonction de vérité de nombreux romans qui disent davantage la vérité d’une époque que toutes les enquêtes sociologiques, précisément parce qu’elle sont des oeuvres de fiction: « L’ «effet de réel» est cette forme très particulière de croyance que la fiction littéraire produit à travers une référence déniée au réel désigné qui permet de savoir tout en refusant de savoir ce qu’il en est vraiment. »
On en apprend davantage sur le souvenir involontaire en lisant Proust qu’en décryptant tous les ouvrages scientifiques les plus pointus sur la mémoire, précisément parce que Marcel Proust ne fait que « raconter une histoire. » Nietzsche fait une distinction essentielle entre le travestissement et la distorsion. La sécheresse des métaphores conceptuelles, ainsi que l’esprit de sérieux, au très mauvais sens du terme, qui les accompagne porte la marque de cette action déformante, abusive, dommageable à tous égards à l’homme ainsi qu’à la vie elle-même, tandis que les métaphores intuitives telles qu’elles se libèrent dans l’art, la mythologie et la création produisent du travestissement joyeux et sont en phase avec les forces les plus vives de l’univers. Ce n’est pas travestir la vérité que de laisser en soi libre cours à cette efficience authentique et libérée du travestissement, telle qu’elle s’exprime notamment dans les Dionysies, d’abord, dans le théâtre tragique ensuite, puis dans les saturnales, enfin dans le Carnaval tel que nous n’en connaissons aujourd’hui que de très pâles copies (cette pâleur d’ailleurs donne idée de la distorsion de l’esprit de notre époque contemporaine).
Dans le site « Clio et Calliope", nous trouvons cette description des Dionysies: « Les Grandes dionysies, voulues par Pisistrate, se déroulaient sur plusieurs jours et avaient lieu à la fin du mois de mars, c’est-à-dire à une période de renouveau de la nature et où Athènes voyait aussi revenir les voyageurs. Elles s’ouvraient, le premier jour, sur une grande procession solennelle en l’honneur de " Dionysos Eleuthereus ", ainsi nommé parce que la statue du Dieu était venue d’Eleuthères, ville qui passait pour être le lieu de naissance de Dionysos. Toute la cité y participait, jusqu’aux prisonniers, qui étaient relâchés sous caution! Des chants et des danses étaient organisés et il y avait même une procession de phallus, symbolisant les bienfaits de Dionysos… Enfin, un sacrifice de taureaux avait lieu, suivi de banquets. Durant les deuxièmes et troisième jours, un concours de dithyrambes ( poèmes lyriques à la louange de Dionysos) était organisé entre les chœurs d’hommes et de jeunes garçons des dix tribus de la cité. Enfin, au cours des quatre derniers jours, un concours dramatique avait lieu, se divisant en trois jours consacrés à la tragédie, suivis d’un dernier consacré à la comédie. »
C'est tout pour aujourd'hui!
Gardons le moral et laissons Friedrich retrouver les avengers. C'est bon Friedrich! Tu peux y retourner!
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