Nous avons tous en nous
quelque chose d’unique qui nous distingue des autres. Cependant l’homme ne
prend pas cela en compte. Il nous perçoit comme un être commun c’est-à-dire
qu’il ne nous voit que sous l’angle de ce que nous partageons avec les autres.
Il utilise des expressions comme « tout le monde » ou « il y a
trop de monde », comme si les hommes n’était qu’une masse compacte, uniforme. Etre indifférent, c’est
d’abord indifférencier les individus. Pourtant nous avons tous une histoire
différente, nous avons été transformés par des expériences personnelles,
exclusives. Nous sommes tous des façons particulières de vivre comme des
perspectives différentes d’une seule et même chose. Vivre, c’est s’engager dans
un certain style de vie, par quoi nous « existons » et ne nous
contentons plus seulement de vivre.
Il faudrait réaliser qu’au-delà de nos
jugements : (« celui-là, je l’aime bien » ou « un tel, je
ne peux pas le sentir »), il y a forcément quelqu’un d’intéressant, une
approche singulière du fait d’exister, et jamais un « troupeau » de
« gens » (même si souvent nous nous comportons comme tel). Chaque
homme est riche de cet art de styliser l’existence que nous
appelons « l’humanité ». C’est comme un kaléidoscope auquel nous
retirons absurdement des perspectives quand nous disons qu’ « un tel
ne nous intéresse pas ».
Il n’y a pas de
« Monsieur Tout le monde ». Personne ne veut l’être et nous faisons
tout pour éviter ce statut. « Les gens » : ce sont toujours les
autres. Finalement les gens ne font pas attention aux gens, et ce sera toujours
le cas tant qu’ils les verront comme « des gens ». Du coup, nous
essayons de nous distinguer à tout prix des gens, d’être reconnu par les autres
comme étant « un » autre, non assimilable à la « moyenne »
« au-dessus du lot ». Nous voulons nous « faire un nom ».
On peut décimer plusieurs millions de la population mondiale pour marquer les
esprits de son nom. Nous savons tous qui est Hitler. Aurait-il été si soucieux
de se faire connaître s’il n’avait pas d’abord été rabaissé, humilié,
rejeté ? Il a voulu que son nom soit gravé dans l’histoire. Par d’autres
moyens que lui, nous aspirons nous aussi à ce que l’on se souvienne de nous,
mais honnêtement qui le fera ? Qui se rappellera de nous ? Personne.
(Pashka et Marius évoquent cette assimilation
continuelle de l’autre personne à une masse de gens et notre acharnement à
vouloir échapper à cette banalisation par la reconnaissance de notre unicité.
Devons-nous travailler à nous faire reconnaître après notre mort ?
Faut-il, comme Léonidas dans le film de Zack Snider « 300 », que nous
nous sacrifions pour que l’on se souvienne de nous. De ce point de vue, le
titre est très intéressant parce que ce dont on se souvient c’est qu’ils étaient
« 300 » et Léonidas est devenu une marque de chocolats belges. Donc,
c’est raté (pas la peine de tuer autant de soldats perses pour finir en pralines).
Devons nous « faire notre numéro » pour marquer les
esprits ou travailler notre « chiffre » ? C’est
quoi : « le chiffre » ? C’est l’indice physique de
notre présence. Nous libérons à tout instant dans nos actes, dans nos
perceptions, dans nos rencontres, une certaine énergie. Nous
« tenons » à exister de façon quantitativement différentes et c’est
dans cette libération perpétuelle de chiffres que nous consistons vraiment.
L’artiste comprend bien cela. Van Gogh, c’est d’abord et seulement une
intensité de regard « hors du commun » et il ne signait jamais ses
toiles. Plutôt que de nous faire un nom, travaillons à libérer toujours notre
chiffre, notre chiffre « exact »)
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