«
L’homme a une tendance à s’associer, car en s’associant il se sent plus qu'homme
grâce au développement de ses capacités naturelles. Mais il manifeste aussi une
grande propension à s’isoler, car il trouve en même temps en lui une tendance
insociable qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens. Et, de ce fait,
il s’attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu’il se sait
par lui-même enclin à résister aux autres. C’est cette résistance qui éveille
toutes les forces de l’homme, le porte à surmonter son inclination à la
paresse, et, sous l’impulsion de l’ambition, de l’instinct de domination ou de
cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu’il supporte de mauvais
gré, mais dont il ne peut se passer. L’homme a alors parcouru les premiers pas,
qui, de la grossièreté, le mènent à la culture. (…) Sans ces tendances
insociables, peu sympathiques certes par elles-mêmes, mais qui fondent les
résistances qui s’opposent aux prétentions égoïstes de chacun, tous les talents
resteraient à jamais enfouis en germes. Remercions donc la nature de nous avoir
dotés d’une humeur peu conciliante, et d’une vanité rivalisant dans l’envie,
d’un appétit insatiable de possession ou même de domination ; car sans cela les
meilleures dispositions de l’humanité seraient étouffées dans un éternel
sommeil. »
Kant,
Idée d’une histoire universelle du point de vue
cosmopolitique (1784), (extrait de la quatrième proposition)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire