La
communauté achevée formée de plusieurs villages est une cité dès lors qu’elle a
atteint le niveau de l’autarcie pour ainsi dire complète ; s’étant
constituée pour permettre de vivre, elle permet, une fois qu’elle existe, de
mener une vie heureuse. Voilà pourquoi toute cité est naturelle puisque les
communautés antérieures [la famille, le village, les premières cités et les
tribus soumises à un roi] dont elle procède le sont aussi.[…] Il est manifeste,
à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme
est un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr
et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être
surhumain […] Car un tel homme est, du coup, naturellement passionné de guerre,
étant comme un pion isolé au jeu de tric trac. C’est pourquoi il est évident
que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que
n’importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait
rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la
voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez
les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu’au point
d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier
mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le
nuisible, et par suite le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose
qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que
seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des
autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun c’est ce qui
fait une famille et une cité.
Aristote, Les
Politiques
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