1)
Rédiger l’introduction
L’introduction doit poser le
problème. Or, nous avons vu que la question du sujet remettait en question
l’une de nos certitudes les plus fortes : soit l’humanité. Il est donc
possible d’opposer dans l‘introduction la certitude morale de
l’humanité, c’est-à-dire le fait que
nous considérons comme sacrée la personne humaine et le caractère flou,
dynamique, changeant de l’humanité dans son évolution sociale, politique, historique,
technologique, scientifique, etc.
Le but est de montrer que
l’on ne peut pas douter du respect que nous devons à tout être humain, parce
qu’il est humain, mais nous ne pouvons pas douter non plus de ceci que l’espèce
humaine évolue et que définir l’être humain n’est pas chose facile. Remettre en
cause l’humanité de l’autre homme est un crime, d’un point de vue moral, mais
d’un autre côté, ce que c’est qu’un homme n’est pas facile à définir parce que
cela ne cesse d’évoluer et nous ne savons ce que l’être humain est capable de
faire.
Par conséquent, il est
possible, dans un premier temps, d’insister sur le caractère impératif,
nécessaire et inconditionnel du respect de la personne humaine puis dans un
second d’évoquer la difficulté à définir l’homme, enfin de poser la
problématique : peut-on vraiment envisager que l’humanité soit « expérimentale »
c’est-à-dire se réduise à une hypothèse qui attend continuellement sa confirmation.
2) Les
références
Ce sujet peut se prendre
selon différents sens. En pensant à toutes ses significations, nous avons déjà
croisé des textes, des références de films, des idées, etc. Nous pouvons faire
une liste « en vrac », sans transition, ni souci d’argumentation (du
moins pour le moment), de tout ce dont nous voulons ABSOLUMENT parler.
3) Le
plan
(Ce qui suit
est une possibilité de plan que vous êtes seulement invité(e) à suivre si vous
le jugez bon)
1-
Le point de vue moral (individu). Si être humain était une réalité « donnée »,
nous n’aurions pas besoin de nous imposer des principes et des lois pour être
humains. Ce n’est pas parce que nous naissons humains que nous nous comportons
comme des hommes. Dans une fourmilière, chaque fourmi fait ce qu’il est
naturellement prévu qu’elle fasse : la reine pond, les ouvrières
travaillent, etc. Chez les hommes, rien n’est déterminé. Nous n’avons pas
instinctivement le sens des limites. Par conséquent, rester humain suppose
notre respect des interdits, des tabous, des lois. On est humain par ses actes,
pas par ses gènes. Mais peut-on pour autant affirmer que notre humanité morale
est expérimentale ? Non, puisque elle consiste au contraire à respecter
des principes, des règles, des normes. On peut évoquer ici Kant et son
impératif catégorique : « Fais en sorte de pouvoir ériger la
maxime de ton action en maxime universelle. » Cela signifie que pour que
notre action soit morale, il faut que nous puissions vouloir que tous les
hommes agissent de la même façon que nous. Agir moralement comme un homme, c’est
agir comme si nous étions en même temps tous les hommes. Je ne peux pas tuer
moralement parce que ce serait vouloir que tout le monde tue et aucune société
humaine ne pourrait se constituer sur ce principe. Par conséquent, la réponse de Kant est clairement « non »
à la question posée. Nous ne pouvons pas concevoir le fait d’être homme comme
l’objet d’une expérience parce qu’être homme c’est au contraire imposer un
cadre, un format à toutes nos expériences (plutôt que de nous laisser guider
par elles) et ce format est celui de l’universel, de la totalité des hommes.
2-
Le point de vue historique (collectif). Nous avons parlé dans la partie précédente de
l’humanité de l’homme, en tant qu’individu, confronté au devoir d’agir
moralement. Mais tout change si nous nous intéressons aux actions collectives
de l’homme, c’est-à-dire à son histoire. L’homme peut peut-être comprendre la
nécessité de soumettre ses actes à des impératifs moraux, il doit vivre avec
ses semblables dans le cours d’une histoire qui varie en fonction des
évènements à l’échelle des nations, des crises, des guerres, des révolutions,
etc. La question se pose donc, à ce niveau, de savoir si, quand nous regardons
l’Histoire, nous voyons quelque chose d’expérimental, c’est-à-dire d’assez
incertain, confus, voire hasardeux quant à un résultat final ou bien si, au
contraire, nous voyons un projet global petit à petit se dessiner. Pour être
clair, avons-nous l’impression que l’Histoire des hommes « va quelque
part », suit une direction, le projet d’une réalisation qui permettent à
l’humanité de « s’accomplir » ou bien avons nous l’impression que les
hommes improvisent à chaque fois des solutions plus ou moins
« bonnes » pour « tenir ». Ici encore Kant affirme que l’histoire n’est pas expérimentale et
que la nature est capable d’orienter les évènements, même tragiques dans un
sens qui est celui de l’accomplissement de l’humanité, comme par exemple, la
révolution française et la déclaration des Droits de l’homme semble en
témoigner (Nietzsche n’est pas d’accord avec cette prise de position, cf texte
2)
3-
Le point de vue psychologique et sociologique. Aussi convaincus que nous puissions être de la
nécessité morale de nous comporter comme des êtres humains, sommes-nous
suffisamment installés dans cette certitude qu’aucune expérience ne puisse nous
faire glisser inconsciemment dans l’inhumanité ? Sommes nous à ce point
ancrés dans le « sol humain » qu’aucun conditionnement, qu’aucune
obéissance aveugle ne puisse brutalement
nous faire passer de l’autre côté ? Si l’humanité était une évidence si
indestructible dans notre personne, nous ne pourrions pas davantage expliquer
les camps de la mort, les génocides que le pourcentage de « cobayes »
qui dans le jeu de la mort ont envoyé au « candidat » des décharges
de 480 volts (82%). On peut aussi penser ici à Primo Lévi : « Enfermez des milliers d'individus
entre des barbelés, sans distinction d'âge, de condition sociale, d'origine, de
langue, de culture et de mœurs, et soumettez-les à un mode de vie uniforme,
contrôlable, identique pour tous et inférieur à tous les besoins : vous
aurez là ce qu'il peut y avoir de plus rigoureux comme champ d'expérimentation,
pour déterminer ce qu'il y a d'inné et ce qu'il y a d'acquis dans le
comportement de l'homme confronté à la lutte pour la vie ». Le point
de vue de Robert Anthelme est également très intéressant : ayant fait
l’expérience des camps, il note que c’est précisément de son appartenance
certaine et irrévocable à l’espèce humaine que nous faisons l’expérience dans
ces conditions limite. Les nazis ont tué, humilié, massacré, rabaissé l’être
humain de toutes les manières envisageables sans jamais réussir à le faire
devenir autre chose qu’un homme, y compris dans sa déchéance. « Ici la bête est luxueuse, l’arbre est
la divinité et nous ne pouvons devenir ni la bête ni l’arbre. »
L’homme battu, brisé, humilié est physiquement « moins que rien »,
moins qu’un végétal, moins qu’un animal mais il est encore « cela »
qui justement ne se laisse pas ramener à l’animal, ni au végétal. Nous qui
avons tendance à penser que nous sommes plus que des animaux sommes ramenés dans
les conditions atroces de la vie concentrationnaire à devenir physiquement
moins que lui, mais nous ne nous confondons jamais avec lui. La réponse Robert
Anthelme est donc clairement « non » à la question posée. L’analyse
que nous pouvons mener du jeu de la mort de Christophe Nick, peut, par contre,
nous donner des arguments pour le « oui ».
4-
Le point de vue scientifique. Dans cette quatrième partie, la question est
simple : peut on concevoir le fait d’être humain comme l’objet d’une
expérience scientifique ? Cela semble difficile, de prime abord puisque
l’homme serait à la fois le sujet et l’objet de l’expérimentation, mais nous
savons bien que nous sommes capables de faire des expériences sur l’ADN humain,
que nous l’avons déjà étudié et que nous serions capables de le modifier, voire
de l’améliorer (Bienvenue à Gattaca). L’expérimentation est une méthode
reconnue, justifiée, indispensable à l’exercice de la science mais elle
manifeste aussi une fascination trouble à l’égard d’un pouvoir totalitaire que
nous serions autorisés à exercer sur nos semblables ainsi que sur les autres
espèces animales. Pasteur se laisse ainsi abuser
lorsqu’il demande à l’empereur du Brésil d’essayer sur des condamnés à mort des
vaccins contre la rage et le choléra (ce qui suppose qu’on leur inocule d’abord
le virus). Il se tourne vers une population dont il considère la situation
comme justifiant leur désignation à titre de matériau expérimentable. Mis au
ban de l’humanité par leur condamnation, ils sont un peu moins humains que les
autres. Pourquoi s’adresse-t-il d’ailleurs à l’empereur du Brésil ? Parce
qu’il sait très bien qu’une telle démarche n’aurait aucune chance de succès en
France. La population des pays « moins développés » économiquement
est donc plus accessible à un travail d’expérimentation, comme si les pays
riches pouvaient impunément perfectionner leur médecine avec le « concours »
des cobayes des pays pauvres. Comment qualifier cette façon de penser ?
Comment considérer après tout ce qu’implique cette lettre Louis Pasteur comme
un « bienfaiteur de l’humanité » ? Quelle humanité ? Celle
des européens ?
Il est même possible de
formuler contre la vivisection (expérimentation sur des animaux vivants) un
argument décisif : les scientifiques justifient l’expérimentation animale
par les enseignements que l’on peut en retirer pour l’être humain. Cela
suppose, d’un point de vue biologique une parenté entre l’homme et l’animal.
Nous reconnaissons donc physiologiquement que les animaux sont des cousins
suffisamment proches de nous pour que ce que nous essayons sur eux puisse valoir pour nous. Le problème est que
ce « cousinage » qui est la condition invoquée pour justifier la
pertinence scientifique de
l’expérience, c’est justement ce que la science réfute pour en sauvegarder la
légitimité morale, à savoir que nous pouvons le faire sur des animaux puisque
ils ne sont pas des hommes. Mais s’ils sont si différents des hommes, comment
les résultats des expériences que l’on fait sur eux pourrait-ils valoir sur
nous ? On ne peut pas faire comme si ce cousinage n’avait qu’une
efficience scientifique. S’il est physiologiquement authentique, cela veut dire que ce que nous faisons
subir aux animaux, nous l’infligeons déjà à l’humain. Ici, c’est
l’expérimentation dans son entier que l’on peut dénoncer comme exercice d’un
pouvoir totalitaire et dangereux.
5-
Croire en l’Homme. Dans cette dernière partie, on peut insister sur le fait que le sujet ne
nous demande pas si l’humanité est une expérimentation mais sur la question de
savoir si nous pouvons accepter cette idée, « vivre avec ».
Avons-nous « l’estomac » de nous lever chaque matin en nous
disant : « Finalement, être humain, c’est une réalité qui se
teste à chaque instant ». Nous sommes parfaitement libres de justifier ici
le point de vue qui, selon nous, l’emporte sur l’autre. Deux réponses
contraires peuvent ici être formulées : a) admettre n’est pas la même
chose qu’accepter. Peut-être l’homme
est-il une réalité expérimentale mais il n’en demeure pas moins que la grande
force de l’être humain, c’est peut-être justement de résider dans cet effet de
croyance qui a des effets sur le réel. C’est ici une position très intéressante
qui envisage à la fois que l’homme est davantage un acte de foi qu’une réalité
mais qui suggère en même temps que c’est en tant que croyance que nous nous
constituons comme une vraie réalité dotée de caractéristiques propres ( la force
de la société, de la politique, de la religion, c’est d’organiser
intelligemment la croyance en l’être humain). A l’homme, nous ne pouvons que
croire mais le fait d’y croire est justement tout ce qui nous fait être
réellement des HOMMES.
b) On peut, au contraire, argumenter en
faveur d’une adhésion totale, radicale à la nature expérimentale de l’homme en
considérant que nous pouvons le concevoir, nous pouvons encaisser, digérer une
telle perspective. C’est même justement cela qui nous donne envie de nous lever
chaque matin: être humain, c’est ce qui reste toujours à expérimenter et ne
sera jamais tranché. Nous ne savons pas où nous allons mais c’est pour cela que
cela vaut la peine d’essayer. L’aventure humaine peut mal tourner. Elle ne cesse
de nous envoyer des signes annonciateurs de cette éventuelle « unhappy
end ». De ce point de vue, il en irait un peu de l’humanité comme d’un
jeu, ce qui nous motive, c’est l’épreuve que nous faisons à chaque instant de
pouvoir perdre. Le propre de l’homme pourrait dés lors consister dans cette
condition qu’est le sentiment d’avoir toujours à gagner sa condition.
4) La
conclusion
Il est nécessaire de
revenir ici sur les quatre premières parties et de justifier la réponse à la
question que chacune d’elles nous a permis de formuler (soit oui, soit non). La
cinquième partie (si nous avons eu le temps de la rédiger) est vraiment
déterminante, c’est notre conviction profonde qui s’y justifie. Il est donc
nécessaire de la reprendre, de l’affirmer, ne serait-ce que parce qu’en un
sens, elle exprime quelque chose que l’on pourrait définir comme notre
« énergie motrice fondamentale ».
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