Pour
bien aborder ce sujet, il convient d’abord de distinguer très clairement dans
notre esprit les deux expressions suivantes : « j’ai raison » et
« je sais que j’ai raison ». Qu’apporte de plus le verbe
« savoir » ? A quelqu’un qui nous dit qu’il a raison, on a envie
de répondre : « évidemment, puisque c’est toi qui le dis ! »
Il va de soi que nous n’affirmerions pas telle ou telle chose si nous ne
pensions pas que nous avons raison en le disant. Il y a donc une forme
d’entente initiale, préalable, avec soi-même qui prévaut dans toute prise de
parole, dans toute prise de parti. Mais dire : « je sais que
j’ai raison » signifie précisément que nous ne sommes plus simplement dans
cette configuration. Ainsi, par exemple, ce moment où le bon élève en
mathématiques va en cours en ayant correctement fait ses équations est
particulièrement intéressant car il sait qu’il a raison alors même que le
professeur ne lui a pas encore confirmé le bon résultat, mais il ne peut pas en
être autrement, car les mathématiques sont une discipline exclusivement
rationnelle, c’est-à-dire qu’elles consistent dans la rigueur absolue d’un
enchaînement logique de propositions. Je peux donc « savoir » que
j’ai raison quand l’objet que j’étudie ne se laisse pas relativiser par des
questions de personne, par des caractères subjectifs. Les mathématiques ne
réclament de celle ou celui qui les pratique que l’exercice de sa faculté de
raisonner, de déduire les conséquences logiques d’un postulat ou d’un axiome
(la différence entre le postulat et l’axiome tient dans le fait qu’un axiome ne
se démontre pas alors que le postulat peut se prouver plus tard mais le
mathématicien demande qu’on lui accorde telle ou telle proposition comme
préalable). Je peux donc d’autant plus savoir que j’ai raison en mathématiques
qu’il y a nécessairement (du moins dans tout ce qui n’est pas du domaine de la
recherche mathématique ou travail sur les probabilités) une solution dans
l’équation proposée et qu’elle est accessible à toute personne suivant
logiquement le fil d’opérations qui se déduisent les unes des autres au gré
d’une forme : « Si et Si…alors » (exemple : « si
x est un homme et si tous les hommes sont mortels, alors x est mortel. »)
On pourrait dire que les mathématiques nous font évoluer dans une
dimension où « rien ne peut arriver », en ce sens que ce que nous
affirmons est nécessairement la suite logique de ce qui est posé au départ.
Dans la réalité de nos vies, au contraire, tout peut arriver et je ne sais pas
ce qui peut se produire dans la seconde suivante. Dans les mathématiques, tout
est nécessaire, dans la vie, tout est contingent (ce terme, très important à
retenir, désigne la qualité d’une chose, d’un événement ou d’un être qui aurait
pu ne pas exister. C’est le contraire des mathématiques dans lesquelles tout ce
qui est affirmé est nécessairement la suite logique de la proposition antécédente).
C’est exactement ce que signifie la thèse d’Aristote selon laquelle « il n’y a de science que du général, d’existence
que du particulier. »
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