"Les hommes,
pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs et dogmatiques
dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d’un seul côté et qu’ils
n’ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent
précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n’ont
aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter,
balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion et suspend leur
action. Ils sont donc impatients de s’évader d’un état qui leur est aussi
désagréable, et ils pensent que jamais ils ne peuvent s’en écarter assez loin
par la violence de leurs affirmations et l’obstination de leur croyance. Mais
si de tels raisonneurs dogmatiques pouvaient prendre conscience des étranges
infirmités de l’esprit humain, même dans son état de plus grande perfection,
même lorsqu’il est le plus précis et le plus prudent dans ses décisions, une
telle réflexion leur inspirerait naturellement plus de modestie et de réserve
et diminuerait l’opinion avantageuse qu’ils ont d’eux-mêmes et leur préjugé
contre leurs adversaires. Les ignorants peuvent réfléchir à la disposition des
savants, qui jouissent de tous les avantages de l’étude et de la réflexion et
sont encore défiants dans leurs affirmations ; et si quelques savants
inclinaient, par leur caractère naturel, à la suffisance et à l’obstination,
une légère teinte de pyrrhonisme (1) pourrait abattre leur orgueil en leur
montrant que les quelques avantages qu’ils ont pu obtenir sur leurs compagnons
sont de peu d’importance si on les compare à la perplexité et à la confusion
universelles qui sont inhérentes à la nature humaine. En général, il y a un
degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les
décisions de tout genre, doit toujours accompagner l’homme qui raisonne correctement."
(1) «
pyrrhonisme » : scepticisme.
1) Selon l'auteur, pourquoi les hommes sont-ils portés à être dogmatiques dans leurs opinions?
2) Expliquez les passages soulignés.
3) A quelles conditions peut-on savoir que l'on a raison, selon l'auteur?
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