« Je pose en fait qu'un prince,
surtout un prince nouveau, ne peut exercer impunément toutes les vertus de
l'homme moyen, parce que l'intérêt de sa conservation l'oblige souvent à violer
les lois de l'humanité, de la charité, de la loyauté et de la religion. Il doit
se plier aisément aux différentes circonstances dans lesquelles il peut se
trouver. En un mot, il doit savoir persévérer dans le bien, lorsqu'il n'y
trouve aucun inconvénient, et s'en détourner lorsque les circonstances
l'exigent. Il doit surtout s'étudier à ne rien dire qui ne respire la bonté, la
justice, la civilité, la bonne foi et la piété; mais cette dernière qualité est
celle qu'il lui importe le plus de paraître posséder, parce que les hommes en
général jugent plus par leurs yeux que par leurs mains. Tout homme peut voir;
mais très peu d'hommes savent toucher. Chacun voit aisément ce qu'on paraît
être, mais presque personne n'identifie ce qu'on est; et ce petit nombre
d'esprits pénétrants n'ose pas contredire la multitude, qui a pour bouclier la
majesté de l'État. Or, quand il s'agit de juger l'intérieur des hommes, et
surtout celui des princes, comme on ne peut avoir recours aux tribunaux, il ne
faut s'attacher qu'aux résultats : le point est de se maintenir dans son
autorité; les moyens, quels qu'ils soient, paraîtront toujours honorables, et
seront loués de chacun. »
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