Dans cet extrait, on voit
le « leader » du « front de libération de La Judée » avoir
bien du mal à faire admettre aux autres membres du groupe qu’il faut se
débarrasser des Romains. Au moins percevons-nous la nature exclusivement
idéologique de sa revendication, car dés que la question se situe
exclusivement sur le terrain des avantages, des améliorations du quotidien, du
bien-être, leur bon sens les contraint de reconnaître tout ce qu’ils gagnent à
cette occupation : « L’aqueduc, les égouts, l’irrigation, la
médecine, l’éducation, les routes, les bains publics, les fontaines, la
sécurité, la paix ». Tous ces équipements, toutes ces innovations
techniques et tous ses services publics participent finalement de l’intérêt
d’être envahi, et, à moins d’exacerber, un peu à vide, la fibre nationaliste,
le leader du groupe est totalement privé d’arguments pour justifier la révolte.
Au-delà de son intérêt
philosophique, ce passage a le grand mérite de nous faire comprendre quelque
chose de fondamental dans la solidité et la pérennité de l’Empire Romain, Il
n’était pas seulement question pour les conquérants d’avancer des pions
stratégiques sur l’échiquier du monde, ils ne cessent de découvrir et
d’utiliser les nouvelles ressources des territoires, de les mettre au service
des peuples dont ils occupent le pays, de gagner ainsi leur confiance, sans
déranger leurs croyances et leurs rites. Il y est fait référence (sur un mode
très humoristique bien sûr) dans le film. Finalement ce que les romains ont
apporté aux juifs ainsi qu'à tous les peuples qu'ils ont conquis, c’est l’Etat, à
savoir ce concept à la lumière duquel s’impose la nécessité de gérer
rationnellement une population et de n’être ainsi plus soumis à l’arbitraire
des personnes, des clans ou des obédiences religieuses.
Lorsque nous prêtons
aujourd’hui attention à toutes les plaintes émises contre les fonctionnaires,
les hôpitaux publics, les enseignants, les postiers, les policiers, les
transports publics, etc, nous comprenons que nous n’avons pas beaucoup évolué.
Entre l’Etat et le citoyen s’établissent des liens suffisamment invisibles pour
que l’usager ne s’estime en aucun cas redevable à l’Etat de la gratuité des
frais de scolarité, des soins, des infrastructures. Nous manquons de la
clairvoyance des membres du FLJ (Front de libération de la Judée) et comme leur
chef, nous ne cessons de réclamer moins d’état sans percevoir que c’est bel et
bien contre notre intérêt commun que nous haussons ainsi la voix. « Avoir
raison contre l’Etat » est dés lors une expression à propos de laquelle il
convient de réfléchir, au moins autant que celle de savoir, pour les juifs,
s’ils ont raison de vouloir expulser les romains. Peut-on avoir raison contre
l’autorité qui, dans le silence quasi-clandestin du travail anonyme des forces
de l’ordre, de la santé, de l’éducation organise discrètement des pans entiers
de notre existence ? Si les avantages que donne la richesse sont visibles
et attractifs, les bienfaits dus aux services publics ne sont pas moins
efficients. Pour avoir raison contre l’Etat, peut-être convient-il d’abord de
réaliser l’omniprésence de son encadrement avant de fustiger la contrainte de
ses demandes, lesquelles demeurent, aussi difficiles que cela soit à admettre
pour l’opinion publique, moindres que la gratuité de ses donations.
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