(Quelques
élèves m’ont fait part de leurs difficultés à concevoir un plan en général et
sur ce sujet en particulier. Si, comme eux, vous avez du mal à vous repérer
dans l’ordonnancement de vos parties, voire de vos paragraphes, ces articles
devraient vous faire avancer dans le travail de conception de votre prochaine
dissertation. N’hésitez pas à préciser vos attentes sur ce blog dans la
rubrique « commentaires », à la fin de l’article, ou en cours – Bon
courage à vous)
Introduction
Toute introduction se compose de 3 étapes.
a-
On peut, pour
commencer, insister sur la nécessité de l’Etat et surtout sur la nature
rationnelle de cette nécessité (il va s’agir de formuler le problème, autant se
porter d’emblée vers le plus paradoxal). Le propre de l’Etat est d’installer un
cadre aux relations citoyennes qui échappe à l’expression pure d’un rapport
naturel et physique de domination. Il se caractérise donc par l’omniprésence
d’une dimension rationnelle (ratio : raison en latin), médiatrice (les
lois ou ce que l’on peut appeler le « Tiers ») grâce à laquelle un
conflit opposant deux citoyens en présuppose automatiquement un
« troisième », sauf que cette tierce personne n’est à proprement
parler « personne », c’est l’Etat, à savoir un cadre administratif,
juridique et légal qui réglera le litige par le biais d’une procédure. En
d’autres termes, vivre dans un Etat, c’est jouir de cette certitude selon
laquelle rien de ce qui se produit sur le territoire entre les citoyens ne peut
échapper à la juridiction de l’autorité souveraine, laquelle, en tant
qu’instance anonyme, médiatrice et finalement décisionnaire, est seule à même
de régler tous les problèmes. Rien n’est laissé à l’arbitraire
(arbitraire : qui dépend du bon vouloir de quelqu’un et intervient en
violation de la loi, de la raison et de la justice) de la nature, du hasard ou
de la force de tel ou tel particulier. On pourrait donc appliquer à l’Etat, en
général, cette formule utilisée parfois en situation d’urgence pour rassurer
les administrés : « Tout est « sous contrôle » ».
b-
Maintenant il
convient d’opposer à cette définition de l’Etat, comme instance de raison un ou
plusieurs arguments « premiers » (nous ne sommes que dans l’introduction).
Le terme même de contrôle (avec ce qu’il induit de rapport avec la notion de
surveillance) nous en donne l’occasion. Grâce à l’Etat, chaque citoyen est
comme l’une des petites parties d’un ensemble. Dans cette œuvre de
rationalisation d’une population, la nécessité d’imposer à chacun des normes
strictes grâce auxquelles l’égalité sera
garantie rend suspecte, voire condamnable toute initiative personnelle qui ne
prendrait pas continuellement en compte l’efficience de
« procédures » (ce terme est essentiel) par le bais desquelles il
nous faut passer. Pour qu’il y ait égalité, il faut qu’il y
ait obéissance et respect inconditionnel (c’est-à-dire absolu : on peut rendre
raison de tout par la loi, sauf de la loi elle-même) de cette obéissance. Le
« visa de contrôle » que l’Etat impose donc à la population rend
impossible toute légitimation d’une attitude qui se fonderait exclusivement sur
une forme de spontanéité. Spontané vient du latin « Sponte
sua » : « de son mouvement propre ».
Ce n’est pas que
l’Etat interdise, en soi, tout mouvement de spontanéité, c’est plutôt qu’il lui
refuse toute prétention à se légitimer par cette spontanéité. Toute action qui
se justifierait par le fait qu’elle est animée par une motivation naturelle,
profonde et surtout particulière à tel ou tel citoyen rétablirait de
l’arbitraire dans les interactions citoyennes, soit précisément ce qu’aucun
Etat, en tant qu’Etat, ne peut tolérer. Tout le problème vient de ce qu’il est
possible que les actions accomplies sous l’impulsion de cette spontanéité, de
cet élan (on pense ici évidemment au droit naturel mais il est trop tôt pour le
dire, dans une introduction), soient fondamentalement « sensées »,
justes, voire raisonnables (mais c’est probablement cette notion de
« sens » qui se trouve être ici la plus intéressante parce que la
plus problématique)
c) Il est temps, justement, de poser la
problématique : dans quelle mesure la rationalité de l‘Etat n’imposerait-elle
pas à ses administrés un cadre procédurier suffisamment strict pour rendre
impossible un certain type de motivation droite, intègre, ressentie, assumée,
en un sens qui n’est plus celui, horizontal, de l’attitude conforme aux lois,
mais celui, vertical, de l’assomption éthique ? Est-il bien raisonnable
qu’un Etat ne soit que rationnel ? Pouvons-nous
avoir raison contre l’Etat s’il semble illusoire d’envisager que les rapports
humains puissent se fonder sur la raison indépendamment de l’Etat ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire