vendredi 13 janvier 2017

"Peut-on avoir raison contre l'Etat?" - Conseils détaillés pour la dissertation (introduction)


(Quelques élèves m’ont fait part de leurs difficultés à concevoir un plan en général et sur ce sujet en particulier. Si, comme eux, vous avez du mal à vous repérer dans l’ordonnancement de vos parties, voire de vos paragraphes, ces articles devraient vous faire avancer dans le travail de conception de votre prochaine dissertation. N’hésitez pas à préciser vos attentes sur ce blog dans la rubrique « commentaires », à la fin de l’article, ou en cours – Bon courage à vous)

Introduction
Toute introduction se compose de 3 étapes.
a-    On peut, pour commencer, insister sur la nécessité de l’Etat et surtout sur la nature rationnelle de cette nécessité (il va s’agir de formuler le problème, autant se porter d’emblée vers le plus paradoxal). Le propre de l’Etat est d’installer un cadre aux relations citoyennes qui échappe à l’expression pure d’un rapport naturel et physique de domination. Il se caractérise donc par l’omniprésence d’une dimension rationnelle (ratio : raison en latin), médiatrice (les lois ou ce que l’on peut appeler le « Tiers ») grâce à laquelle un conflit opposant deux citoyens en présuppose automatiquement un « troisième », sauf que cette tierce personne n’est à proprement parler « personne », c’est l’Etat, à savoir un cadre administratif, juridique et légal qui réglera le litige par le biais d’une procédure. En d’autres termes, vivre dans un Etat, c’est jouir de cette certitude selon laquelle rien de ce qui se produit sur le territoire entre les citoyens ne peut échapper à la juridiction de l’autorité souveraine, laquelle, en tant qu’instance anonyme, médiatrice et finalement décisionnaire, est seule à même de régler tous les problèmes. Rien n’est laissé à l’arbitraire (arbitraire : qui dépend du bon vouloir de quelqu’un et intervient en violation de la loi, de la raison et de la justice) de la nature, du hasard ou de la force de tel ou tel particulier. On pourrait donc appliquer à l’Etat, en général, cette formule utilisée parfois en situation d’urgence pour rassurer les administrés : « Tout est « sous contrôle » ».


b-    Maintenant il convient d’opposer à cette définition de l’Etat, comme instance de raison un ou plusieurs arguments « premiers » (nous ne sommes que dans l’introduction). Le terme même de contrôle (avec ce qu’il induit de rapport avec la notion de surveillance) nous en donne l’occasion. Grâce à l’Etat, chaque citoyen est comme l’une des petites parties d’un ensemble. Dans cette œuvre de rationalisation d’une population, la nécessité d’imposer à chacun des normes strictes  grâce auxquelles l’égalité sera garantie rend suspecte, voire condamnable toute initiative personnelle qui ne prendrait pas continuellement en compte l’efficience de « procédures » (ce terme est essentiel) par le bais desquelles il nous faut passer. Pour qu’il y ait égalité, il faut qu’il y ait obéissance et respect inconditionnel (c’est-à-dire absolu : on peut rendre raison de tout par la loi, sauf de la loi elle-même) de cette obéissance. Le « visa de contrôle » que l’Etat impose donc à la population rend impossible toute légitimation d’une attitude qui se fonderait exclusivement sur une forme de spontanéité. Spontané vient du latin « Sponte sua » : « de son mouvement propre ».
   
  Ce n’est pas que l’Etat interdise, en soi, tout mouvement de spontanéité, c’est plutôt qu’il lui refuse toute prétention à se légitimer par cette spontanéité. Toute action qui se justifierait par le fait qu’elle est animée par une motivation naturelle, profonde et surtout particulière à tel ou tel citoyen rétablirait de l’arbitraire dans les interactions citoyennes, soit précisément ce qu’aucun Etat, en tant qu’Etat, ne peut tolérer. Tout le problème vient de ce qu’il est possible que les actions accomplies sous l’impulsion de cette spontanéité, de cet élan (on pense ici évidemment au droit naturel mais il est trop tôt pour le dire, dans une introduction), soient fondamentalement « sensées », justes, voire raisonnables (mais c’est probablement cette notion de « sens » qui se trouve être ici la plus intéressante parce que la plus problématique)
 c)   Il est temps, justement, de poser la problématique : dans quelle mesure la rationalité de l‘Etat n’imposerait-elle pas à ses administrés un cadre procédurier suffisamment strict pour rendre impossible un certain type de motivation droite, intègre, ressentie, assumée, en un sens qui n’est plus celui, horizontal, de l’attitude conforme aux lois, mais celui, vertical, de l’assomption éthique ? Est-il bien raisonnable qu’un Etat ne soit que rationnel ? Pouvons-nous avoir raison contre l’Etat s’il semble illusoire d’envisager que les rapports humains puissent se fonder sur la raison indépendamment de l’Etat ?


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