Bonjour,
Nous allons reprendre l’explication de l’œuvre de Nietzsche « Vérité et mensonge au sens extra-moral », ce qui va être, pour moi, l’occasion d’exposer deux ou trois faits nouveaux:
⇒ ATTENTION: Je vous ai envoyé par pronote un exemplaire de référence de l’oeuvre auquel il faut vraiment prêter attention par rapport au découpage des §. J’en ai compté 14§, plutôt que 17. C’est grâce à Patrice et à Cyril qui, avant les vacances m’avaient indiqué une nouvelle édition, très récente de l’oeuvre aux éditions Desclée de Brouwer, avec un commentaire de Marc de Launay. Un grand merci à eux! Il me semble que l’on peut parfois discuter ses remarques, mais le découpage qu’il fait de l’œuvre est très judicieux. Je l’ai donc conservé.
Nous allons essayer d’aller vite, mais il faut vraiment tirer le meilleur parti des conditions nouvelles qui nous sont imposées par le contexte. Cela suppose que vous utilisiez le plus possible la rubrique « commentaire » du blog parce que tout est visible par tout le monde et que je ne perdrai pas de temps à dire la même chose à chacun de vous. Tout le monde pourra en profiter. Cela nous tiendra lieu de « dialogues », donc n’hésitez pas à publier vos commentaires pour me faire part d’un problème ou pour participer à la discussion. Si vous voulez me contacter personnellement, vous disposez de mon adresse mail et n’hésitez pas en faire usage.
⇒ ATTENTION: Je vous ai envoyé par pronote un exemplaire de référence de l’oeuvre auquel il faut vraiment prêter attention par rapport au découpage des §. J’en ai compté 14§, plutôt que 17. C’est grâce à Patrice et à Cyril qui, avant les vacances m’avaient indiqué une nouvelle édition, très récente de l’oeuvre aux éditions Desclée de Brouwer, avec un commentaire de Marc de Launay. Un grand merci à eux! Il me semble que l’on peut parfois discuter ses remarques, mais le découpage qu’il fait de l’œuvre est très judicieux. Je l’ai donc conservé.
Nous allons essayer d’aller vite, mais il faut vraiment tirer le meilleur parti des conditions nouvelles qui nous sont imposées par le contexte. Cela suppose que vous utilisiez le plus possible la rubrique « commentaire » du blog parce que tout est visible par tout le monde et que je ne perdrai pas de temps à dire la même chose à chacun de vous. Tout le monde pourra en profiter. Cela nous tiendra lieu de « dialogues », donc n’hésitez pas à publier vos commentaires pour me faire part d’un problème ou pour participer à la discussion. Si vous voulez me contacter personnellement, vous disposez de mon adresse mail et n’hésitez pas en faire usage.
Je souhaiterai vous rappeler que l’étude de cette œuvre va nous permettre de traiter ou de revoir sur plusieurs notions qui font partie de votre programme. Voici lesquelles: la conscience, l’inconscient, le langage, l’interprétation, la raison et le réel, la culture, la science, l’Art....et j’en oublie probablement.
Je vais partir du principe que tout ce que nous avons fait avant les vacances: la vie de l’auteur, sa philosophie et le contexte de l’œuvre a été vu et compris. Si ce n’était pas le cas, il faut me le dire. Le plus important est sa philosophie. Je vous rappelle qu’il y a évidemment un article sur le blog à ce sujet (l’explication aussi est sur le blog et je vais la laisser mais je conçois ces articles différemment puisque ce sont désormais des COURS, ce qui suppose plus de clarté.
Il va de soi que vous avez constamment l’œuvre avec vous pour référer l’explication au passage étudié. C’est essentiel.
Tout va bien? Alors c’est parti:
Avant de revenir un peu sur la notion de vérité et sur les autres notions concernées par cette oeuvre, je souhaiterai vous en proposer un plan qui reprend le cheminement suivi par Nietzsche:
Je vais partir du principe que tout ce que nous avons fait avant les vacances: la vie de l’auteur, sa philosophie et le contexte de l’œuvre a été vu et compris. Si ce n’était pas le cas, il faut me le dire. Le plus important est sa philosophie. Je vous rappelle qu’il y a évidemment un article sur le blog à ce sujet (l’explication aussi est sur le blog et je vais la laisser mais je conçois ces articles différemment puisque ce sont désormais des COURS, ce qui suppose plus de clarté.
Il va de soi que vous avez constamment l’œuvre avec vous pour référer l’explication au passage étudié. C’est essentiel.
Tout va bien? Alors c’est parti:
Avant de revenir un peu sur la notion de vérité et sur les autres notions concernées par cette oeuvre, je souhaiterai vous en proposer un plan qui reprend le cheminement suivi par Nietzsche:
I) Problématique
1) Fiat Fabula (§1)
2) L’intellect (§2)
3) « L'intellect, instrument des instincts » (§3)
II) Vérité et Langage
1) Le mensonge (§4)
2) Métaphore et conceptualisation (§5, 6)
3) Le colombarium des métaphores conceptuelles (§7,8,9,10)
III) L’instinct de vérité et le voile de la nature
1) Le « besoin » de la science (§11)
2) Mythos / Logos - Art / Science - Rêve / Réalité (§12, 13)
3) Le Tragique et le Stoïcien (§14)
Il faut bien comprendre que Nietzsche n’a pas encore trente ans quand il écrit cette oeuvre (qui ne sera pas publiée de son vivant). Mais nous retrouvons déjà une méthode qui porte la marque de ce philosophe, à savoir la généalogie (faire l’historique d’une notion: comment, quant et pourquoi est-elle apparue dans l’évolution de l’homme). Il peut sembler étrange de s’interroger sur la vérité mais finalement il est bien plus étrange de ne jamais nous poser de question à son sujet, comme nous le faisons. D’où vient que nous cherchions le vrai, que nous en fassions une valeur, un devoir (comme Kant)? Nietzsche a besoin de contextualiser cette question, de la détacher de ce qu’elle pourrait avoir de partial, d’arbitraire, au sens de seulement « humain ». C’est pour cela qu’il a recours à cette fable qui nous situe de « très loin », comme s’il élargissait démesurément l’objectif au lieu de le focaliser sur l’homme. Vu de très, de très haut, nous sommes ces animaux intelligents qui avons inventé « 5 minutes de connaissance » dans l’éternité silencieuse du cosmos.
1) Fiat Fabula (§1)
2) L’intellect (§2)
3) « L'intellect, instrument des instincts » (§3)
II) Vérité et Langage
1) Le mensonge (§4)
2) Métaphore et conceptualisation (§5, 6)
3) Le colombarium des métaphores conceptuelles (§7,8,9,10)
III) L’instinct de vérité et le voile de la nature
1) Le « besoin » de la science (§11)
2) Mythos / Logos - Art / Science - Rêve / Réalité (§12, 13)
3) Le Tragique et le Stoïcien (§14)
Il faut bien comprendre que Nietzsche n’a pas encore trente ans quand il écrit cette oeuvre (qui ne sera pas publiée de son vivant). Mais nous retrouvons déjà une méthode qui porte la marque de ce philosophe, à savoir la généalogie (faire l’historique d’une notion: comment, quant et pourquoi est-elle apparue dans l’évolution de l’homme). Il peut sembler étrange de s’interroger sur la vérité mais finalement il est bien plus étrange de ne jamais nous poser de question à son sujet, comme nous le faisons. D’où vient que nous cherchions le vrai, que nous en fassions une valeur, un devoir (comme Kant)? Nietzsche a besoin de contextualiser cette question, de la détacher de ce qu’elle pourrait avoir de partial, d’arbitraire, au sens de seulement « humain ». C’est pour cela qu’il a recours à cette fable qui nous situe de « très loin », comme s’il élargissait démesurément l’objectif au lieu de le focaliser sur l’homme. Vu de très, de très haut, nous sommes ces animaux intelligents qui avons inventé « 5 minutes de connaissance » dans l’éternité silencieuse du cosmos.
L’intellect est pour l’homme ce que la mâchoire est au tigre: son moyen de se défendre et de se conserver. Il y a dans la vie en elle-même de la dissimulation, du travestissement comme nous le prouvent de nombreux phénomènes naturels, mais chez l’homme, cette faculté à tromper et à être trompé atteint son point le plus haut. C’est cela qui rend inconcevable chez l’être humain, le développement « d’un instinct de vérité », et pourtant il semble bien que nous en détenions un puisque nous ne cessons de chercher la vérité, ou en tout cas de dire que nous la cherchons. Il faut bien comprendre ici que Nietzsche, en fait, réalise deux mouvements:
Le premier sera un travail de dévoilement: ce que nous appelons « vérité » est en réalité « accord », « consensus ». Il faut que les hommes s’entendent sur des principes, sur des conceptions, sur des interprétations dont ils diront qu’elles sont des vérités pour constituer un « groupe », une humanité fédérée. Cette vérité finalement sera moins « vraie » qu’ « utile ».
Le second sera un travail de « détection », de symptomatologie au sens médical du terme. De quoi cette obsession pour la vérité est-elle le symptôme? Qu’est-ce qui se cache derrière cette névrose du vrai? N’y aurait-il pas quelque chose de plus instinctif, de plus vif, de plus premier derrière ce concept un peu frelaté du vrai?
D’où nous voyons bien que dans les trois premiers paragraphes, Nietzsche finalement pose une problématique (et la fable nous dit d’où il la pose, à savoir d’une perception de l’univers qui rejette tout anthropocentrisme, c’est-à-dire toute vision seulement humaine de la vie, du monde - Jusqu’à quel point l’homme peut-il aller dans la tentative de saisir la vie par elle-même, et non au travers d’un crible qui serait seulement humain): d’où vient l’instinct qui porte l’homme à chercher la vérité? (§ 1 à 3)
Dans le § 4, Nietzsche fait le premier pas vers cet instinct. Pourquoi est-il « mal » de mentir? Parce que cela porte tort à la communauté, mais littéralement: à l’effet de communauté de l’humanité, autrement dit, au fait que les hommes aiment vivre en troupeaux et que le menteur prote préjudice à cette dynamique de groupe, puisque il brouille le rapport entre ce qui est et qu’il dit qui est. Mais on voit déjà poindre la critique de Nietzsche à savoir que le langage ne dit jamais exactement ce qui « est ». Le langage crée une vision du monde généralisée et exclusivement humaine, donc fausse en un sens (elle ne saurait valoir comme la seule interprétation). Donc en réalité, ce que la morale reproche au menteur ce n’est pas tant de mentir sur ce qui est que de ne pas se rallier à la vision commune d’une vérité qui en réalité décrit cet arbitraire sur le fond duquel les hommes ont décidé de s’entendre.
Dans les § 5 et 6, Nietzsche va beaucoup approfondir son travail de généalogie en plaçant le langage au premier plan de ce processus de travestissement par le biais duquel l’homme cherche une vérité qui est déjà un mensonge. Que se produit-il réellement? Des sensations, des excitations: nos nerfs capteurs éprouvent un « choc » (un son, une odeur, un contact, etc.) et nous nous représentons immédiatement la cause de ce choc. Déjà ici, il nous faut être vigilant sur le fait que ce passage du choc sensible à l’image de sa cause est une métaphore, c’est-à-dire une transposition. Ce n’est pas du même ordre:il est sûr qu’il y a une sensation, mais que l’image que je me représente comme cause de la sensation soit correcte, adéquate, exacte c’est déjà une interprétation du phénomène. Et puis il y a un deuxième effet de métaphorisation, c’est celui par lequel nous donnons à cette image un nom, un symbole sonore ou graphique. Métaphoriser une réalité, c’est la transposer dans une autre dimension et faire valoir entre elle et cette image « autre » une relation d’analogie (« Cette faucille d’or dans le champs des étoiles » pour la lune: Victor Hugo transpose la lune dans un autre domaine, celui de l’outil, et on fait valoir une analogie sur la forme géométrique).
De ce fait nous comprenons mieux ce que c’est qu’un concept, une idée générale: elle est comprise dans ce procédé de métaphorisation. Quand je dis de plusieurs formes végétales qu’elles sont des « feuilles », je les rassemble toutes sous l’étiquette d’un terme: « LA feuille », comme si la feuille existait alors qu’aucune feuille n’est jamais strictement identique à une autre ».
Dans les § 7,8,9,10, Nietzsche va finalement situer la Science dans ce travail inconscient de métaphorisation par le biais duquel, sous l’influence du langage, l’homme construit des étiquettes, des catégories complètement abstraites, arbitraires et fausses sous lesquelles il va construire une certaine vision du réel. C’est justement quand on croit émettre les propositions les plus rigoureuses qu’en réalité on caricature le plus une nature toujours mutante et dissemblable, d’où l’image du Colombarium, c’est-à-dire d’une espèce de mobilier à cases (le colombarium est ce bâtiment dans lequel on range les urnes funéraires qui contiennent les cendres des défunts). Le scientifique fait des tables d’éléments et pense mieux comprendre ce dont, en réalité, il s’éloigne (en réalité, il y a bien quelque chose de cette classification, de cette « mise sous étiquettes » de la nature qui nous fait comprendre certaines choses de la nature, mais Nietzsche critique le caractère anthropocentrisme de cette catégorisation qui croit progresser dans le vrai quand il ne s’agit que d’une métaphorisation du réel).
On passe ensuite à la partie II. Nietzsche revient au langage comme origine première de la science de cette métaphorisation de la nature en concepts qu’opèrent notamment la science (mais pas seulement elle - C’est elle qui va le plus loin dans le symbolisme abstrait, mathématique). Nous avons besoin de cette métaphorisation arbitraire du réel par la science parce qu’autrement, nous serions en prise avec la violence d’une vérité de toute autre nature: absurde, chaotique, brute. (§11)
C’est ici qu’il faut saisir toute l’ambiguïté de la pensée de Nietzsche: nous avons besoin de nous réfugier dans cette conceptualisation mais en même temps, elle nous éloigne d’une métaphorisation plus vive, plus intense, plus originelle, première: à savoir celle des mythes et de l’Art. Nietzsche réfute la distinction claire et définitive de la veille et du rêve. C’est peut-être faire preuve de davantage de lucidité de donner du crédit au rêve, notamment dans le mythe, plutôt que d’adhérer à la veille d’un réel désenchanté comme le fait la science. (§12)
Finalement le seul moyen pour l’intellect humain de parvenir à une vérité, c’est de s’accepter tel qu’il est, à savoir un maître du travestissement. Nietzsche opère clairement une distinction fondamentale entre les métaphores intuitives (mythologie, Art, Tragique, Création) et les métaphores conceptuelles (science, Stoïcisme, philosophie rationaliste) (§13)
Il termine par une opposition de caractères, de figures philosophiques: le Tragique et le Stoïcien. Le premier vit pleinement, spontanément les bonheurs et les malheurs. Le second fait semblant d’être impassible et fait preuve d’abnégation dans les épreuves les plus difficiles. Il se réfugie dans son manteau quand il pleut, sans se plaindre du temps. Nietzsche est ici très ironique: le Stoïcien ne se rend pas comte qu’il est victime de l’aptitude au travestissement de l’intellect. Il est victime de cette disposition naturelle de la vie à la dissimulation. Nous venons de décrire le fil suivi par l’auteur pour trouver l’origine instinctive de notre recherche du vrai.
⇒ ATTENTION: je vais vous poser deux questions sur ce qui vient d’être exposé, auxquelles je vous demande de me répondre individuellement, par pronote ou par mail. Ce ne sera pas noté (en tout cas pas cette fois-ci), mais prenez au sérieux vos réponse. Cela me permet de savoir si c’est bien assimilé et c’est très important pour un cours à distance.
Pourquoi Nietzsche est-il aussi critique à l’égard de la Science?
Pourquoi l’oeuvre se termine-t-elle par l’opposition entre le tragique et le Stoïcien?
Répondez-moi pour Mardi prochain 19/03. Je ferai une réponse collégiale.
Pour bien comprendre la démarche de Nietzsche dans cette oeuvre, il faut la rapprocher de sa méthode: la généalogie. J’en ai déjà parlé mais je vais essayer de la situer plus clairement dans l’esprit même de sa philosophie. Celle-ci a été très influencée par la lecture d’un autre philosophe allemand: Arthur Schopenhauer mais il va s’en détacher de plus en plus au fil de ses oeuvres. Ce que Nietzsche reprochera à Schopenhauer c’est son nihilisme, son pessimisme. Pour cet auteur, en effet, tout dans « la vie » et dans l’univers est animé d’une force unique, absurde, violente dont rien ne peut se désolidariser, c’est ce qu’il appelle le « vouloir-vivre ». Quand vous désirez quelque chose ou quelqu’un, c’est en réalité le vouloir-vivre qui vous pousse vers cette chose ou vers cet être de telle sorte que jamais le sujet humain n’est davantage trompé que quand il croit vouloir ou désirer. C’est toujours le vouloir vivre qui agit quand vous croyez agir. Or ce vouloir-vivre est absurde parce qu’il nous contraint à sans cesse désirer, ce qui revient à souffrir puisque, comme nous l’avons vu, nous n’obtenons jamais ce que nous désirons (puisque tout désir est idéalisation et toute idéalisation rend impossible la réalisation). Notre vie sera donc absurde, sans sens, tant que nous nous laisserons guider par le vouloir vivre.
Le seul moyen de « résister » est de s’exclure de ce cycle infernal du vouloir-vivre en cessant de désirer, en contemplant ,par la méditation ou par l’art, la vie, comme de l’extérieur (il faut préciser que Schopenhauer lui-même a été très influencé par la lecture des Upanishads, c’est-à-dire les premiers textes à l’origine de la philosophie orientale (notamment l’Hindouisme et le Bouddhisme).
Ceci étant dit, la philosophie de Nietzsche est à la fois plus complexe et plus subtile que celle de Schopenhauer, d’abord parce que ce que lui Nietzsche appelle « la volonté de puissance » ne correspond pas au vouloir vivre chez Schopenhauer. Nietzsche est tout-à-fait d’accord pour dire que l’individu humain n’est pas libre, qu’il est animé par la volonté de puissance, mais celle-ci n’est pas négative et surtout elle est multiple. Il y a, non pas UNE force, mais une multiplicité, et d’autre part, il est possible pour l’individu de consentir à la libération en lui de cette volonté de puissance. C’est bien là le sens de ce que nous avons déjà étudié: « deviens ce que tu es » (soit ce que la volonté de puissance fait de toi parce que c’est ça que « tu es »).
Parvenir à ce consentement, c’est bien ce que nous décrit aussi la métamorphose des trois stades:
Nous passons tous par ce premier stade qui est celui du chameau: nous croyons dans les idéaux qui sont véhiculés dans notre société, nous croyons à la morale, éventuellement au patriotisme (Nietzsche lui-même s’est engagé volontairement dans la guerre contre la France de 1870), à tout ce que la « Société » de notre époque promeut comme valeurs
Puis nous nous révoltons, passant ainsi au stade du « lion ». Nous critiquons et n’adhérons plus aux valeurs établies. Disons que nous ne nous satisfaisons pas qu’elles soient établies
Enfin nous devenons « l’enfant », c’est le créateur naïf qui a la grâce de voir ce qui vraiment « premier », important. L’artiste a une vision simple voire brute de la vie et c’est en cela qu’il est un créateur. Pour Nietzsche, nous sommes tous fondamentalement cela. Ce sera la raison pour laquelle, dans l’oeuvre que nous allons étudier, il fera plusieurs fois l’apologie de la mythologie et de l’art, par opposition à la Science.
Nous pouvons rajouter à ce panorama rapide de la philosophie Nietzschéenne, la notion de généalogie qui définit la méthode de Nietzsche et qui est déjà à l’ouvre dans « vérité et mensonge au sens extra-moral ».
Nietzsche est un philosophe de l’immanence et pas du tout de la Transcendance. Ce point est crucial (il faut que vous le compreniez):
- La transcendance définit tout ce qui est posé comme supérieur à nous, idéal, comme Dieu pour le christianisme, le Judaïsme et l’Islam. Platon croyait à la transcendance des Idées. Dés que vous adhérez à l’idée qu’il y a au-dessus de nous une force ou un être qui a crée, modelé ou qui influence nos vies, comme Dieu, le destin, etc, vous croyez à une transcendance.
- L’immanence, c’est évidement le contraire de cela. Rien n’est au-dessus de nous, il n’y a qu’ « ici bas » et tout ce qui agit agit à partir d’ici bas. Le philosophe de l’immanence par excellence est Spinoza quand il écrit « DEUS sive Natura » (Dieu c’est-à-dire la nature. Spinoza craint en un dieu qui est la vie, la nature, la totalité de ce qui est. Nietzsche est aussi un philosophe de l’immanence qui croit non pas à Dieu, mais à la volonté de puissance, à savoir à cette multiplicité de forces qui ne cessent d’agir à chaque instant et qui font de la vie ce déferlement constant et joyeux (en quoi il se distingue de Schopenhauer) de flux sensitifs, d’affects au plus prés desquels l’artiste se tient lorsque il crée son oeuvre.
Par conséquent, il convient que nous soyons à la fois des médecins et des artistes: des artistes pour voir à l’oeuvre cette volonté de puissance, et des médecins pour relever derrière les valeurs les instincts qui les ont suscités, c’est exactement de la symptomatologie. Derrière une valeur comme la morale, le devoir, la conscience, etc, il faut aller chercher la force, la pulsion qui en est l’origine. Nietzsche insiste beaucoup sur le fait que la nature est dissimulatrice. Elle peut aller jusqu’à se contrarier elle-même. La généalogie consiste à partir du principe qu’aucune valeur n’est divine, transcendante par nature. Il faut donc faire son historique, voir à quoi elle est due. C’est ça la généalogie. Nous pouvons considérer ‘Vérité et mensonge au sens extra-moral » comme une généalogie de la notion de Vérité. Pourquoi sommes nous si soucieux de trouver ou de dire la Vérité?
ATTENTION - Question (même modalité que les deux précédentes: pour mardi prochain)
3) En utilisant vos mots, décrivez ce que signifie pour Nietzsche la démarche qui consiste à faire la généalogie de la vérité.
Le premier sera un travail de dévoilement: ce que nous appelons « vérité » est en réalité « accord », « consensus ». Il faut que les hommes s’entendent sur des principes, sur des conceptions, sur des interprétations dont ils diront qu’elles sont des vérités pour constituer un « groupe », une humanité fédérée. Cette vérité finalement sera moins « vraie » qu’ « utile ».
Le second sera un travail de « détection », de symptomatologie au sens médical du terme. De quoi cette obsession pour la vérité est-elle le symptôme? Qu’est-ce qui se cache derrière cette névrose du vrai? N’y aurait-il pas quelque chose de plus instinctif, de plus vif, de plus premier derrière ce concept un peu frelaté du vrai?
D’où nous voyons bien que dans les trois premiers paragraphes, Nietzsche finalement pose une problématique (et la fable nous dit d’où il la pose, à savoir d’une perception de l’univers qui rejette tout anthropocentrisme, c’est-à-dire toute vision seulement humaine de la vie, du monde - Jusqu’à quel point l’homme peut-il aller dans la tentative de saisir la vie par elle-même, et non au travers d’un crible qui serait seulement humain): d’où vient l’instinct qui porte l’homme à chercher la vérité? (§ 1 à 3)
Dans le § 4, Nietzsche fait le premier pas vers cet instinct. Pourquoi est-il « mal » de mentir? Parce que cela porte tort à la communauté, mais littéralement: à l’effet de communauté de l’humanité, autrement dit, au fait que les hommes aiment vivre en troupeaux et que le menteur prote préjudice à cette dynamique de groupe, puisque il brouille le rapport entre ce qui est et qu’il dit qui est. Mais on voit déjà poindre la critique de Nietzsche à savoir que le langage ne dit jamais exactement ce qui « est ». Le langage crée une vision du monde généralisée et exclusivement humaine, donc fausse en un sens (elle ne saurait valoir comme la seule interprétation). Donc en réalité, ce que la morale reproche au menteur ce n’est pas tant de mentir sur ce qui est que de ne pas se rallier à la vision commune d’une vérité qui en réalité décrit cet arbitraire sur le fond duquel les hommes ont décidé de s’entendre.
Dans les § 5 et 6, Nietzsche va beaucoup approfondir son travail de généalogie en plaçant le langage au premier plan de ce processus de travestissement par le biais duquel l’homme cherche une vérité qui est déjà un mensonge. Que se produit-il réellement? Des sensations, des excitations: nos nerfs capteurs éprouvent un « choc » (un son, une odeur, un contact, etc.) et nous nous représentons immédiatement la cause de ce choc. Déjà ici, il nous faut être vigilant sur le fait que ce passage du choc sensible à l’image de sa cause est une métaphore, c’est-à-dire une transposition. Ce n’est pas du même ordre:il est sûr qu’il y a une sensation, mais que l’image que je me représente comme cause de la sensation soit correcte, adéquate, exacte c’est déjà une interprétation du phénomène. Et puis il y a un deuxième effet de métaphorisation, c’est celui par lequel nous donnons à cette image un nom, un symbole sonore ou graphique. Métaphoriser une réalité, c’est la transposer dans une autre dimension et faire valoir entre elle et cette image « autre » une relation d’analogie (« Cette faucille d’or dans le champs des étoiles » pour la lune: Victor Hugo transpose la lune dans un autre domaine, celui de l’outil, et on fait valoir une analogie sur la forme géométrique).
De ce fait nous comprenons mieux ce que c’est qu’un concept, une idée générale: elle est comprise dans ce procédé de métaphorisation. Quand je dis de plusieurs formes végétales qu’elles sont des « feuilles », je les rassemble toutes sous l’étiquette d’un terme: « LA feuille », comme si la feuille existait alors qu’aucune feuille n’est jamais strictement identique à une autre ».
Dans les § 7,8,9,10, Nietzsche va finalement situer la Science dans ce travail inconscient de métaphorisation par le biais duquel, sous l’influence du langage, l’homme construit des étiquettes, des catégories complètement abstraites, arbitraires et fausses sous lesquelles il va construire une certaine vision du réel. C’est justement quand on croit émettre les propositions les plus rigoureuses qu’en réalité on caricature le plus une nature toujours mutante et dissemblable, d’où l’image du Colombarium, c’est-à-dire d’une espèce de mobilier à cases (le colombarium est ce bâtiment dans lequel on range les urnes funéraires qui contiennent les cendres des défunts). Le scientifique fait des tables d’éléments et pense mieux comprendre ce dont, en réalité, il s’éloigne (en réalité, il y a bien quelque chose de cette classification, de cette « mise sous étiquettes » de la nature qui nous fait comprendre certaines choses de la nature, mais Nietzsche critique le caractère anthropocentrisme de cette catégorisation qui croit progresser dans le vrai quand il ne s’agit que d’une métaphorisation du réel).
On passe ensuite à la partie II. Nietzsche revient au langage comme origine première de la science de cette métaphorisation de la nature en concepts qu’opèrent notamment la science (mais pas seulement elle - C’est elle qui va le plus loin dans le symbolisme abstrait, mathématique). Nous avons besoin de cette métaphorisation arbitraire du réel par la science parce qu’autrement, nous serions en prise avec la violence d’une vérité de toute autre nature: absurde, chaotique, brute. (§11)
C’est ici qu’il faut saisir toute l’ambiguïté de la pensée de Nietzsche: nous avons besoin de nous réfugier dans cette conceptualisation mais en même temps, elle nous éloigne d’une métaphorisation plus vive, plus intense, plus originelle, première: à savoir celle des mythes et de l’Art. Nietzsche réfute la distinction claire et définitive de la veille et du rêve. C’est peut-être faire preuve de davantage de lucidité de donner du crédit au rêve, notamment dans le mythe, plutôt que d’adhérer à la veille d’un réel désenchanté comme le fait la science. (§12)
Finalement le seul moyen pour l’intellect humain de parvenir à une vérité, c’est de s’accepter tel qu’il est, à savoir un maître du travestissement. Nietzsche opère clairement une distinction fondamentale entre les métaphores intuitives (mythologie, Art, Tragique, Création) et les métaphores conceptuelles (science, Stoïcisme, philosophie rationaliste) (§13)
Il termine par une opposition de caractères, de figures philosophiques: le Tragique et le Stoïcien. Le premier vit pleinement, spontanément les bonheurs et les malheurs. Le second fait semblant d’être impassible et fait preuve d’abnégation dans les épreuves les plus difficiles. Il se réfugie dans son manteau quand il pleut, sans se plaindre du temps. Nietzsche est ici très ironique: le Stoïcien ne se rend pas comte qu’il est victime de l’aptitude au travestissement de l’intellect. Il est victime de cette disposition naturelle de la vie à la dissimulation. Nous venons de décrire le fil suivi par l’auteur pour trouver l’origine instinctive de notre recherche du vrai.
⇒ ATTENTION: je vais vous poser deux questions sur ce qui vient d’être exposé, auxquelles je vous demande de me répondre individuellement, par pronote ou par mail. Ce ne sera pas noté (en tout cas pas cette fois-ci), mais prenez au sérieux vos réponse. Cela me permet de savoir si c’est bien assimilé et c’est très important pour un cours à distance.
Pourquoi Nietzsche est-il aussi critique à l’égard de la Science?
Pourquoi l’oeuvre se termine-t-elle par l’opposition entre le tragique et le Stoïcien?
Répondez-moi pour Mardi prochain 19/03. Je ferai une réponse collégiale.
Pour bien comprendre la démarche de Nietzsche dans cette oeuvre, il faut la rapprocher de sa méthode: la généalogie. J’en ai déjà parlé mais je vais essayer de la situer plus clairement dans l’esprit même de sa philosophie. Celle-ci a été très influencée par la lecture d’un autre philosophe allemand: Arthur Schopenhauer mais il va s’en détacher de plus en plus au fil de ses oeuvres. Ce que Nietzsche reprochera à Schopenhauer c’est son nihilisme, son pessimisme. Pour cet auteur, en effet, tout dans « la vie » et dans l’univers est animé d’une force unique, absurde, violente dont rien ne peut se désolidariser, c’est ce qu’il appelle le « vouloir-vivre ». Quand vous désirez quelque chose ou quelqu’un, c’est en réalité le vouloir-vivre qui vous pousse vers cette chose ou vers cet être de telle sorte que jamais le sujet humain n’est davantage trompé que quand il croit vouloir ou désirer. C’est toujours le vouloir vivre qui agit quand vous croyez agir. Or ce vouloir-vivre est absurde parce qu’il nous contraint à sans cesse désirer, ce qui revient à souffrir puisque, comme nous l’avons vu, nous n’obtenons jamais ce que nous désirons (puisque tout désir est idéalisation et toute idéalisation rend impossible la réalisation). Notre vie sera donc absurde, sans sens, tant que nous nous laisserons guider par le vouloir vivre.
Le seul moyen de « résister » est de s’exclure de ce cycle infernal du vouloir-vivre en cessant de désirer, en contemplant ,par la méditation ou par l’art, la vie, comme de l’extérieur (il faut préciser que Schopenhauer lui-même a été très influencé par la lecture des Upanishads, c’est-à-dire les premiers textes à l’origine de la philosophie orientale (notamment l’Hindouisme et le Bouddhisme).
Ceci étant dit, la philosophie de Nietzsche est à la fois plus complexe et plus subtile que celle de Schopenhauer, d’abord parce que ce que lui Nietzsche appelle « la volonté de puissance » ne correspond pas au vouloir vivre chez Schopenhauer. Nietzsche est tout-à-fait d’accord pour dire que l’individu humain n’est pas libre, qu’il est animé par la volonté de puissance, mais celle-ci n’est pas négative et surtout elle est multiple. Il y a, non pas UNE force, mais une multiplicité, et d’autre part, il est possible pour l’individu de consentir à la libération en lui de cette volonté de puissance. C’est bien là le sens de ce que nous avons déjà étudié: « deviens ce que tu es » (soit ce que la volonté de puissance fait de toi parce que c’est ça que « tu es »).
Parvenir à ce consentement, c’est bien ce que nous décrit aussi la métamorphose des trois stades:
Nous passons tous par ce premier stade qui est celui du chameau: nous croyons dans les idéaux qui sont véhiculés dans notre société, nous croyons à la morale, éventuellement au patriotisme (Nietzsche lui-même s’est engagé volontairement dans la guerre contre la France de 1870), à tout ce que la « Société » de notre époque promeut comme valeurs
Puis nous nous révoltons, passant ainsi au stade du « lion ». Nous critiquons et n’adhérons plus aux valeurs établies. Disons que nous ne nous satisfaisons pas qu’elles soient établies
Enfin nous devenons « l’enfant », c’est le créateur naïf qui a la grâce de voir ce qui vraiment « premier », important. L’artiste a une vision simple voire brute de la vie et c’est en cela qu’il est un créateur. Pour Nietzsche, nous sommes tous fondamentalement cela. Ce sera la raison pour laquelle, dans l’oeuvre que nous allons étudier, il fera plusieurs fois l’apologie de la mythologie et de l’art, par opposition à la Science.
Nous pouvons rajouter à ce panorama rapide de la philosophie Nietzschéenne, la notion de généalogie qui définit la méthode de Nietzsche et qui est déjà à l’ouvre dans « vérité et mensonge au sens extra-moral ».
Nietzsche est un philosophe de l’immanence et pas du tout de la Transcendance. Ce point est crucial (il faut que vous le compreniez):
- La transcendance définit tout ce qui est posé comme supérieur à nous, idéal, comme Dieu pour le christianisme, le Judaïsme et l’Islam. Platon croyait à la transcendance des Idées. Dés que vous adhérez à l’idée qu’il y a au-dessus de nous une force ou un être qui a crée, modelé ou qui influence nos vies, comme Dieu, le destin, etc, vous croyez à une transcendance.
- L’immanence, c’est évidement le contraire de cela. Rien n’est au-dessus de nous, il n’y a qu’ « ici bas » et tout ce qui agit agit à partir d’ici bas. Le philosophe de l’immanence par excellence est Spinoza quand il écrit « DEUS sive Natura » (Dieu c’est-à-dire la nature. Spinoza craint en un dieu qui est la vie, la nature, la totalité de ce qui est. Nietzsche est aussi un philosophe de l’immanence qui croit non pas à Dieu, mais à la volonté de puissance, à savoir à cette multiplicité de forces qui ne cessent d’agir à chaque instant et qui font de la vie ce déferlement constant et joyeux (en quoi il se distingue de Schopenhauer) de flux sensitifs, d’affects au plus prés desquels l’artiste se tient lorsque il crée son oeuvre.
Par conséquent, il convient que nous soyons à la fois des médecins et des artistes: des artistes pour voir à l’oeuvre cette volonté de puissance, et des médecins pour relever derrière les valeurs les instincts qui les ont suscités, c’est exactement de la symptomatologie. Derrière une valeur comme la morale, le devoir, la conscience, etc, il faut aller chercher la force, la pulsion qui en est l’origine. Nietzsche insiste beaucoup sur le fait que la nature est dissimulatrice. Elle peut aller jusqu’à se contrarier elle-même. La généalogie consiste à partir du principe qu’aucune valeur n’est divine, transcendante par nature. Il faut donc faire son historique, voir à quoi elle est due. C’est ça la généalogie. Nous pouvons considérer ‘Vérité et mensonge au sens extra-moral » comme une généalogie de la notion de Vérité. Pourquoi sommes nous si soucieux de trouver ou de dire la Vérité?
3) En utilisant vos mots, décrivez ce que signifie pour Nietzsche la démarche qui consiste à faire la généalogie de la vérité.
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Gardez le moral et portez-vous bien!
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