Bonjour,
C'est SUPER! On est mercredi!
Nous continuons d'expliquer une vidéo dans laquelle le philosophe Bernard
Stiegler répond aux questions de la journaliste Aude Lancelin. Ce
dialogue ne fait pas seulement que résumer les derniers travaux du
philosophe (travaux dont il faut souligner qu'ils sont le produit de
deux collectifs: Ars industrialis et l'IRI): il brasse également des
notions du programme et donne à l'action de penser aujourd'hui un sens
particulier, urgent, déterminant.
Il
est évident que vous ne pouvez pas lire cet article sans écouter
d'abord l'interview que j'essaie d'expliquer de façon linéaire en
suivant son déroulement. L'entretien dure une heure et évidemment vous
pouvez procéder par étapes. J'aurai même tendance à vous le conseiller
tellement l’échange est philosophiquement "dense", difficile à digérer
en une seule fois (nous le diviserons probablement en trois ou quatre
moments)
Ça va? Alors on reprend, nous en étions là:
Dure avec un E c'est mieux! |
Marx est le premier philosophe, selon Bernard Stiegler, à avoir posé l’homme comme la seule créature qui du fait de cette caractéristique exosomatique devait créer un savoir-faire à l’égard de ces instruments qui font partie intégrante de ce qu’il a à devenir, étant entendu que, précisément, l’homme n’existe pas de la même façon qu’une créature endosomatique.
Reprenons:
Le
problème, c’est que Ni Marx, ni Engels ne prenait en compte l’entropie.
Il faut bien ici articuler les différentes perspectives et les
différents auteurs. Tout dans l’univers est soumis à l’entropie,
l’homme, en tant que créature exosomatique l’est aussi bien évidemment
mais cette particularité qui fait sa force fait aussi sa faiblesse, dans
la mesure où le contrôle par le savoir de ce corps externe
(technologique) dans lequel il consiste devient l’enjeu d’un pouvoir. Si
nous perdons le savoir de ce corps dans lequel pourtant l’humanité
consiste, alors nous serons plus ou moins armés dans cette dynamique de
perte qu’est l’entropie. Sachant qu’on va perdre ce combat, la vraie
question c’est comme retarder, comment compliquer, procrastiner,
contrarier l’entropie, la vitesse de notre destruction en tant que
vivant ?
C’est à cet instant que Bernard Stiegler évoque la notion d’anthropocène (attention à l’orthographe). L’anthropocène, c’est tout simplement l’affirmation par les climatologues du fait qu’une nouvelle ère est apparue à partir du moment où, avec la révolution industrielle , l’utilisation des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) a commencé à changer petit à petit l’écosystème.
Or l’anthropocène implique une augmentation de l’entropie de trois points de vue:
- Physique: déperdition accélérée d’énergie
- Biologique disparition des espèces vivantes et destruction de la biosphère
- Informationnelle: nous sommes perdus dans l’information (une dispense d’énergie informationnelle qui conduit à la désinformation)
Nous vivons la fin de l’anthropocène. C’est finalement exactement le fond du discours de Greta Thunberg, à savoir ce moment où des sociétés ayant adopté ou suivi un modèle capitaliste qui ne fait pas entrer dans ses calculs et ses prévisions sur l’utilisation des ressources planétaires la notion d’entropie court vers une supposée « croissance » qui en réalité consiste dans une accélération exponentielle de l’entropie. Plus nous augmentons les chiffres de la croissance plus nous accélérons le mouvement de l’entropie, c’est-à-dire la désorganisation du vivant, aussi bien pour les espèces végétales, animales que pour nous.
C’est à cet instant que Bernard Stiegler évoque la notion d’anthropocène (attention à l’orthographe). L’anthropocène, c’est tout simplement l’affirmation par les climatologues du fait qu’une nouvelle ère est apparue à partir du moment où, avec la révolution industrielle , l’utilisation des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) a commencé à changer petit à petit l’écosystème.
Or l’anthropocène implique une augmentation de l’entropie de trois points de vue:
- Physique: déperdition accélérée d’énergie
- Biologique disparition des espèces vivantes et destruction de la biosphère
- Informationnelle: nous sommes perdus dans l’information (une dispense d’énergie informationnelle qui conduit à la désinformation)
Nous vivons la fin de l’anthropocène. C’est finalement exactement le fond du discours de Greta Thunberg, à savoir ce moment où des sociétés ayant adopté ou suivi un modèle capitaliste qui ne fait pas entrer dans ses calculs et ses prévisions sur l’utilisation des ressources planétaires la notion d’entropie court vers une supposée « croissance » qui en réalité consiste dans une accélération exponentielle de l’entropie. Plus nous augmentons les chiffres de la croissance plus nous accélérons le mouvement de l’entropie, c’est-à-dire la désorganisation du vivant, aussi bien pour les espèces végétales, animales que pour nous.
Bernard Stiegler décrit les deux effets de cette augmentation de
l’entropie dans laquelle consiste l’anthropocène. En fait, nous
pourrions donc aussi écrire l’entropocène, puisque les deux
correspondent, mais ce n’est pas le même sens. Il faut savoir que ce
glissement sémantique de l’anthropocène, c’est-à-dire de cette série
climatique où l’homme dérègle le climat en l’imputant vers
l’entropocène, à savoir ce moment où l’entropie est accélérée par ce
dérèglement est finalement le fond du discours de Stiegler. Tout ce
qu’il dit consiste dans la synonymie homophonique de ces deux notions.
C’est capital. Quels sont les deux effets de cette accélération de
l’entropie dans les sociétés humaines:
-
La prolétarisation: travailler sans savoir ce qu’on fait. Cela pourrait
se rapprocher exactement de ce que Hannah Arendt appelle le travail, ou
de la poiesis d’Aristote. L’ouvrier ne sait pas ce qu’il fait quand il
travaille à la chaîne (ou il ne sait pas en vue de quoi il le fait) mais
l’outil informatique notamment accélère ce processus et les cadres sont
eux aussi touchés par ce phénomène qui fait que l’exosomatisation avec
cette perte de connaissance de nos organes extérieurs nous conduit de
plus en plus à ne pas savoir ce que nous faisons. Nous faisons accomplir
des fonctions économiques, industrielles, sociales, juridiques, par
des outils capables de collecter ce que l’on appelle les big data et de
créer des algorithmes par le biais desquels rendre la justice par
exemple devient « autre chose ».
-
La calculabilité généralisée, autrement dit la certitude que tout est
calculable dans le vivant. C’est cette proposition qui pose problème,
notamment si on la met en regard avec les travaux de Ludwig Von
Bertalanffy biologiste autrichien ayant prouvé que tout système vivant
(qu’est-ce qu’un système vivant? Cela va de tout organisme cellulaire à
la société humaine) auto-calculable s’auto-détruit parce qu’il n’oppose
plus aucune bifurcation à la flèche entropique du temps. La
calculabilité va fondamentalement dans le sens de l’entropie. Plus on
peut prévoir les actes d’une système plus il va en ligne directe vers le
mouvement même de sa perte.
On peut se représenter l’entropie comme un escalier mécanique qui descend. Le seul moyen de se maintenir à niveau dans cette escalier est de créer de l’entropie négative, de la néguentropie, c’est-à-dire de marcher à contre courant de cet escalier mécanique, de monter sur ce qui de son propre mouvement descend. Cela suppose que nous puissions créer le la complexité non calculable et que nous puissions en avoir le savoir. Par quoi nous voyons bien que l’évolution actuelle du travail correspond à descendre encore plus vite cet escalier qui descend déjà. Nous rajoutons à ce qui nous perd (entropie) le mouvement accéléré de la descente (anthropocène), c’est là l’effet de sens de l’homophonie entre anthropocène et entropocène. En termes plus « savants » cela signifie que les systèmes dynamiques vivants doivent rester ouverts et pouvoir supporter les accidents de la flèche du temps d’Eddignton et compenser l’entropie par des « savoirs », même si par ce terme de savoirs, Bernard Stiegler entend quelque chose de particulier (la mère a un savoir, ce n’est pas la savoir disciplinaire du savant, ou en tout pas seulement ça).
Nous nous situons à la limite eschatologique (en grec: dernier) de l’anthropocène ou de l’entropocène. Nous sommes une société, donc un système dynamique vivant et à ce titre, nous devons compenser les effets lents de destruction de l’entropie en créant des savoirs qui sont finalement autant de bifurcations dans le mouvement de perte qui est celui de la désorganisation, du chaos et de la mort de notre unité systémique. Créer des savoirs nouveaux c’est ralentir l’inéluctabilité du chaos. Plutôt que se connaître soi-même comme système vivant, ralentis le mouvement de ta mort certaine par des connaissances nouvelles par des savoirs inédits! C’est ça la maxime de la philosophie du 21 siècle!
On peut se représenter l’entropie comme un escalier mécanique qui descend. Le seul moyen de se maintenir à niveau dans cette escalier est de créer de l’entropie négative, de la néguentropie, c’est-à-dire de marcher à contre courant de cet escalier mécanique, de monter sur ce qui de son propre mouvement descend. Cela suppose que nous puissions créer le la complexité non calculable et que nous puissions en avoir le savoir. Par quoi nous voyons bien que l’évolution actuelle du travail correspond à descendre encore plus vite cet escalier qui descend déjà. Nous rajoutons à ce qui nous perd (entropie) le mouvement accéléré de la descente (anthropocène), c’est là l’effet de sens de l’homophonie entre anthropocène et entropocène. En termes plus « savants » cela signifie que les systèmes dynamiques vivants doivent rester ouverts et pouvoir supporter les accidents de la flèche du temps d’Eddignton et compenser l’entropie par des « savoirs », même si par ce terme de savoirs, Bernard Stiegler entend quelque chose de particulier (la mère a un savoir, ce n’est pas la savoir disciplinaire du savant, ou en tout pas seulement ça).
Nous nous situons à la limite eschatologique (en grec: dernier) de l’anthropocène ou de l’entropocène. Nous sommes une société, donc un système dynamique vivant et à ce titre, nous devons compenser les effets lents de destruction de l’entropie en créant des savoirs qui sont finalement autant de bifurcations dans le mouvement de perte qui est celui de la désorganisation, du chaos et de la mort de notre unité systémique. Créer des savoirs nouveaux c’est ralentir l’inéluctabilité du chaos. Plutôt que se connaître soi-même comme système vivant, ralentis le mouvement de ta mort certaine par des connaissances nouvelles par des savoirs inédits! C’est ça la maxime de la philosophie du 21 siècle!
Ici nous avons encore un effet d’homophonie assez génial qui d’ailleurs
répond à une question encore plus ancienne que la philosophie: pourquoi
la connaissance? A quoi ça rime? Réfléchissez à cette question parce
qu’il est possible que nous soyons aujourd’hui confrontés à une
population mondiale à deux doigts de basculer dans le trumpisme.
Qu’est-ce que le trumpisme? C’est l’abdication de tout effort de
connaissance, la crétinisation des masses à outrance, c’est un président
qui tranche des questions qu’il ne connaît pas et qui se fait une
gloire, une marque de fabrique, un « point d’honneur », finalement, de
ne pas posséder de connaissances, un président qui croit que l'on peut
vaincre un virus avec des rayons UV et des injections de Destop liquide.
Penser c’est finalement compenser les effets de l’entropie. Il nous faut rétablir le savoir dans une fonction du vivant comme fonction du vivant. Mais de quel savoir s’agit-il? Bernard Stiegler à ce moment utilise une référence inattendue: le savoir de la mère, savoir tenant de l’improvisation puisque il consiste à accueillir l’enfant dans sa spécificité idiosyncrasique la plus radicale. Savoir, c’est justement s’écarter de tout savoir normé pour s’adapter à tout ce qu’un enfant va avoir de singulier, de différent, de particulier. On comprend alors tout ce que la définition de « savoir » au sens entendu par Bernard Stiegler ici a de génial, de motivant. La référence aux génies dyslexiques: Léonard de Vinci Edison, etc est ici fondamentale. Comment compenser les effets de la dyslexie pour que cela crée des penseurs de la nouveauté, de l’inédit?
Penser c’est finalement compenser les effets de l’entropie. Il nous faut rétablir le savoir dans une fonction du vivant comme fonction du vivant. Mais de quel savoir s’agit-il? Bernard Stiegler à ce moment utilise une référence inattendue: le savoir de la mère, savoir tenant de l’improvisation puisque il consiste à accueillir l’enfant dans sa spécificité idiosyncrasique la plus radicale. Savoir, c’est justement s’écarter de tout savoir normé pour s’adapter à tout ce qu’un enfant va avoir de singulier, de différent, de particulier. On comprend alors tout ce que la définition de « savoir » au sens entendu par Bernard Stiegler ici a de génial, de motivant. La référence aux génies dyslexiques: Léonard de Vinci Edison, etc est ici fondamentale. Comment compenser les effets de la dyslexie pour que cela crée des penseurs de la nouveauté, de l’inédit?
Malheureusement ce que nous pourrions appeler
l’utilisation actuelle de la technologie ne rend plus possible la
création de ces savoirs là. Nous ne savons plus ce que nous faisons. Le
taxi Parisien ne connaît pas paris mais il a un GPS qui lui permet de
faire plus vite et « mieux » son travail si par travail on entend juste
l’exécution d’une tâche « poiesis ». Il faut réinventer la notion même
de savoir en intégrant le fait qu’un savoir c’est justement ce qui
exclue la calculabilité. Il y a dans le savoir une fonction propre du
vivant qui est celle de la néguentropie.
Ce point est fondamental et change totalement la donne de
ce qu’est la pédagogie: il n’est pas question de transmettre d’anciens
savoirs mais d’en créer d’autres, comme celui de la mère qui va
accueillir son enfant quelque il soit. C’est la raison pour laquelle
Stiegler prend cet exemple là. Une mère doit recréer ce qu’est
l’éducation dés lors que l’enfant manifeste des particularités et qu’il
n’est plus question de lui imposer des apprentissages normatifs. Ce que
cette mère a à faire c’est de créer une nouvelle conception de ce que
savoir « est ». Par créer de nouveaux savoirs, il faut donc entendre la
capacité de quelques hommes à remettre en question tous les savoirs
constitués: c’est ça la « bifurcation » susceptible de retarder
l’entropie. C’est donc à une mutation des savoirs constitués qu’il
s’agit de s’appliquer aujourd’hui (et par aujourd’hui entendons VRAIMENT
tout de suite).
La transmission des anciens savoirs est inopérante, parce que le droit, la biologie, la physique, la philosophie, etc ne peuvent plus vraiment toucher un public, trouver des auditeurs du fait qu’il y a un malentendu profond sur la science. La conception aristotélicienne de la science qui remontait à Aristote distinguait 4 type de causalité sachant que l’on pouvait prétendre à la connaissance d’un phénomène quand on pouvait rendre compte de sa causalité. Selon Aristote on pouvait distinguer la cause:
- Matérielle
- Efficiente
- Formelle
- Finale
La transmission des anciens savoirs est inopérante, parce que le droit, la biologie, la physique, la philosophie, etc ne peuvent plus vraiment toucher un public, trouver des auditeurs du fait qu’il y a un malentendu profond sur la science. La conception aristotélicienne de la science qui remontait à Aristote distinguait 4 type de causalité sachant que l’on pouvait prétendre à la connaissance d’un phénomène quand on pouvait rendre compte de sa causalité. Selon Aristote on pouvait distinguer la cause:
- Matérielle
- Efficiente
- Formelle
- Finale
La
cause matérielle de la statue est le marbre: il faut du marbre pour
faire une statue. La cause efficiente est le sculpteur. La cause
formelle de la statue est son modèle (de quoi est-elle statue? La cause
finale répond à la question en vue de quoi elle a été créée. La pseudo
science d’aujourd’hui ne prend a subordonné toutes les causalités à une
seule: la cause efficiente parce que la science s’est laissée parasiter
par l’économie, ou la production. La causalité efficiente est par
conséquent soumise à des questions de production qui impose une gestion
et donc une « calculabilité ». La science n’assure donc plus sa fonction
de savoir néguentropique; elle accélère au contraire l’entropie.
Stiegler parle d’une mise en oeuvre techno-scientifique qui finalement
détruit les savoirs, détruit « la Noèse », c’est-à-dire l’acte de
penser. On mesure l’urgence de la situation quand on réalise que la
population ne cesse d’augmenter et qu’en même temps nous ne sommes plus
en mesure de penser ces conditions de vie qui tendent vers
l’accélération de l’entropie (parce que plus de population suppose plus
d’énergie libérée, dispensée et perdue.
Penser c’est fondamentalement compenser l’entropie,
ça a toujours été ça et cela a d’ailleurs des implications
insoupçonnées (le dernier livre de Bernard Stiegler joue très
intelligemment du sens que revêt ici l'homophonie entre penser
(réfléchir) et panser (guérir les plaies). Lorsque l’on met à jour des
processus d’intelligence organiques capables de retarder la mort
programmée (apoptose) par des signaux intercellulaires, nous avons bel
et bien affaire à cette fonction vitale et curative de la néguentropie
et l’homme qui pense ne fait pas autre chose que cela, mais la situation
humaine est à ce point grave qu’il n’a plus les moyens de penser, de
panser, d’activer cette fonction du vivant à cause de la prolétarisation
et de la calculabilité.
Pour lundi prochain, je vous demande de définir à votre façon et en quelques lignes:
1) l'entropie
2) l'anthropocène
3) la néguentropie
4) le néguanthropocène
Bonjour !
RépondreSupprimerPourriez vous mettre au début et à la fin du cours quelle est la partie de la vidéo que vous avez expliquée, avec les minutes, pour que le l'on sache où doit s’arrêter notre visionnage de la vidéo avant de lire le cours svp