Pourquoi choisir de traiter
un texte plutôt qu’une question ? Pourquoi préférer un travail
d’explication à l’exercice de la dissertation ? Le premier critère est
celui d’une certaine compréhension du
texte. Il ne s’agit pas d’avoir, en seulement trois lectures, parfaitement
saisi la pensée de l’auteur dans ses moindres détails. C’est impossible (ça
l’est aussi pour un spécialiste de l’auteur en question). Par
« certaine » compréhension, il faut seulement entendre que nous avons
compris en quoi il est « un »
texte, c’est-à-dire que nous avons perçu que l’auteur ne dit finalement ici
qu’une seule chose. Il défend « une » seule thèse. Si nous avons le
sentiment que l’auteur se contredit, cela signifie que nous avons mal lu. Il
est absolument impossible de choisir
le texte si on ne parvient pas à dépasser cette impression. Au bout de cinq
lectures sans résultat (c’est-à-dire que l’on ne perçoit pas que le texte
défend une seule idée), il vaut mieux renoncer et choisir un autre sujet.
Le second critère réside
dans notre capacité à nous familiariser avec le passage à expliquer. C’est une
chose de percevoir l’unité d’un texte, autre chose de s’estimer capable de
« polariser » son esprit d’analyse et de réflexion sur lui pendant
quatre heures. Est-ce que le texte
nous « va » de la même façon qu’un vêtement que l’on essaie épouse
confortablement notre corps et que l’on se sent bien dedans ? Ce que nous pensons du texte importe peu.
Ce qui compte, c’est d’être capable de penser « en » lui.
Il est une dernière
disposition d’esprit dans laquelle il convient d’emblée de se situer : « faire place nette au texte ».
Quand nous rédigeons une dissertation, nous décidons des arguments, des
références, des enchaînements d’idées, etc. Ici, nous essayons d’abord de faire
le vide, d’accueillir la pensée de l’auteur, de détruire le plus que nous
pouvons les couches de préjugés qui la plupart du temps font que nous
n’écoutons pas « vraiment » les arguments d’une personne avec qui
nous discutons. Nous l’interprétons, nous la cataloguons en fonction de nos valeurs,
de nos a priori. Tout texte philosophique décrit la cohérence d’une
affirmation. Nous ne sommes pas obligés de nous accorder avec elle, mais nous
ne pouvons pas en ignorer la pertinence, la rigueur, la justesse argumentative.
Plus nous nous dépouillerons de nos préjugés en lisant le texte, mieux nous
l’expliquerons.
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