4)
L’explication linéaire du texte
Le terme
d’ « explication linéaire » ne signifie pas qu’il soit
nécessaire d’expliquer le texte ligne à ligne, bien au contraire. Plus on
découpe le texte, plus on l’éclaire du mauvais côté, en le présentant comme ce
qu’il n’est pas: un ensemble qu’il serait possible de diviser en parties.
Il est plutôt un mouvement qui se déploie. Rien d‘autre à faire que de suivre
ce mouvement en étant attaché à rendre toutes ses nuances, tous ses détails.
Il convient de prendre le terme
d’ « explication » au pied de la lettre : comment nous y
prendrions-nous pour rendre clair à une autre personne la totalité de ce
passage ? L’auteur a utilisé ses mots pour nous convaincre du bien-fondé
de sa thèse. Nous avons compris là où il voulait en venir, nous voyons clair
dans son « jeu » et nous allons essayer de rendre ce mouvement plus
familier à un éventuel lecteur. Rien ne saurait davantage convaincre notre
correcteur de notre compréhension du texte que notre aptitude à le
« recouvrir » d’autres mots, à connecter notre utilisation de la
langue à la sienne sans la recopier et sans nous éloigner. Les défauts majeurs
dont il faut nous éloigner sont, en effet :
- la paraphrase : elle consiste à se tenir au
plus prés du texte sans manifester la plus petite capacité d’assimilation. On
le suit tellement « pas à pas » qu’on effectue une très mauvaise
traduction. Expliquer un texte suppose que l’on est capable de prendre un peu
de hauteur. Un déclic se produit alors : on réalise que ce que l’auteur
dit éventuellement avec la langue de son époque, avec un langage nécessairement
philosophique, peut se dire autrement. C’est cela une explication :
d’abord une entente entre deux mouvements : celui du texte et celui de
l’enveloppement de son sens par votre esprit. Il s’agit alors de porter témoignage
de cet enveloppement en prenant tout de même un risque relatif. Par risque, il
s’agit de désigner le fait que nous pensons saisir suffisamment le mouvement de
la démonstration de l’auteur (là où il veut en venir) pour nous éloigner un peu
de son vocabulaire, de son chemin afin de le restituer. C’est exactement ce que
l’on entend finalement par « enseigner ». Un professeur fait
comprendre à ses élèves le sens du texte d’un auteur en utilisant sa propre
puissance de conviction à lui, en la mettant au service d’un philosophe, quitte
à faire usage de sa propre façon de parler, de ses exemples. S’il est sûr de
comprendre ce qu’il explique, il sait bien qu’il retombera toujours sur ses
pieds, c’est-à-dire sur ce que l’auteur a exactement voulu dire. Eviter la
paraphrase, c’est prendre ce risque là, risque très relatif dans la mesure ou,
en principe, si nous avons choisi ce sujet là, c’est bien que nous pensons
avoir compris le sens du texte.
- L’éloignement du texte : s’il y a
« risque », c’est bien par rapport à un danger et ce danger réside
dans le fait de sortir complètement du texte, voire de faire un contre sens.
Pour éviter ce piège, il importe d’être vraiment certain d’avoir cerné le
mouvement du texte, c’est-à-dire d’avoir vu comment le philosophe « avance
ses pions » ainsi que là où il veut en venir. On peut prendre certains
détours d’explication du moment que l’on sait que l’on ira toujours dans cette
direction qui est celle où l’auteur veut nous conduire. Il convient ici de
marquer très clairement où nous nous situons dans nos développements : il
est possible d’utiliser d’autres philosophes, et même d’opposer à l’auteur des
arguments, d’autres écrivains. Tout est acceptable à partir du moment où notre
correcteur pourra percevoir à quel point notre critique, notre explication ou
notre volonté de prolonger le propos du texte reste cadrée dans un champ
problématique imposé par le texte. C’est sur ce point que l’image du vêtement
convient le mieux : nous avons choisi ce texte parce qu’il « nous
va », comme une veste ou une chemise : nous pouvons y faire des
mouvements suffisamment amples pour manifester la vigueur de notre corps dans
une coupe dont on sait qu’on n’en déchirera jamais la toile. Toutes les
actualisations (utiliser des exemples d’aujourd’hui pour expliquer un texte
d’hier, c’est-à-dire des siècles passés) du texte sont autorisées si nous
sommes sûrs de rester dans les limites de ce que l’auteur pose comme problème.
L’utilisation persistante du style
indirect : « l’auteur dit que », « il soutient
que… », etc. est déconseillée. Nous devons partir du principe que nous
parlons toujours déjà à partir du texte, c’est-à-dire « en » lui.
Quand nous exposons la pensée d’un autre auteur pour conforter ou objecter
quelque chose à ce qui est défendu ici, il convient, par contre, de l’énoncer
très clairement pour éviter les confusions. Choisir l’explication de texte (le
3e sujet), c’est s’engager à ne jamais s’écarter d’une ligne tracée
par l’auteur. Réfléchissons bien à cela au moment de la réception des sujets.
5)
Conclusion
Pour conclure notre
explication, nous devons premièrement insister sur l’idée essentielle. Après
notre travail, peut-être nous apparaît-elle autrement, plus riche qu’au début
de l’épreuve. On peut donc essayer de rendre compte de cet excédent de
subtilité maintenant en entrant davantage dans les nuances de ce que l’auteur a
voulu poser. Deuxièmement, il convient de montrer ce que l’auteur a apporté
dans le traitement global du thème qu’il a abordé dans l’histoire de la pensée,
éventuellement dans celle des sociétés. En quoi ce texte a-t-il apporté un
éclairage nouveau sur la question qu’il a traitée ?
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