mercredi 18 novembre 2015

Les publicités pour les assurances: la vraie question



Un enfant fait de la balançoire prés de deux mères de famille qui discutent.  Au cas où nous aurions du mal à saisir la situation, un panneau nous précise qu’il s’agit d’ « UN ENFANT » puis d’ « UNE BALANCOIRE ». L’une des mamans demande à l’autre : « Ce n’est pas un peu dangereux ? ». La vraie question nous est suggérée par un autre panneau : « EST-IL ASSURE ?» La femme interrogée ne fait ni une ni deux : elle saisit immédiatement son portable et appelle son assurance qui la « rassure ». Quelle est la nature de ce réconfort ? « En cas d’accident grave, une indemnisation est prévue pour tous les membres de la famille. » La mère sourit tranquillement en reposant son téléphone, le visage calme et apaisé. L’intégrité physique de son enfant peut être menacée, elle ne le sera que d’un point de vue corporel puisque les frais d’hôpitaux seront pris en charge par l’assurance. Il y a donc deux personnes chez l’enfant : celle qui fait de la balançoire et celle qui, grâce au contrat d’assurance signé par ses parents, jouit d’une forme d’ « immunité capitalistique ». C’est très exactement ce que recouvre le terme d’« indemnité ». Même blessé gravement, quelque chose de lui restera indemne. Quoi exactement ? Ce qu’il coûte.
C’est exactement le même processus de conversion comptable que celui qui permet à cet « optimiste » de recouvrir l’événement de sa mort de la seule vraie question : « qui paiera ses obsèques? » « Bon vivant rime avec prévoyant. » nous dit-il en épluchant « mollement » une carotte. Il y a en lui la personne physique qui va disparaître et la personne contractuelle qui, grâce à son argent, va survivre à sa propre disparition et, de l’au-delà, sortir de son portefeuille l’argent payant le cercueil, la mise en bière, la cérémonie. On prévoit « avant »  ce qui va se passer « après » afin de ne pas trop se concentrer sur le « pendant ». Ce qu’il s’agit d’exorciser dans les deux publicités, c’est le scandale d’une existence de « prime time », c’est l’efficience de notre mortalité, ce que l’on appelle en philosophie notre « contingence », c’est-à-dire le fait que notre existence n’est soutenue par le mouvement d’aucune nécessité.


Le présent c’est le temps que le Stoïcisme, l’Epicurisme nous invitent à habiter parce qu’il est le seul qui dépende effectivement et exclusivement de nous. Il est clair que la philosophie stoïcienne est absolument incompatible avec l’approche de l’existence défendue par la notion même de « contrat d’assurance » (laquelle consiste finalement à se concentrer sur les temps de notre vie que nous ne vivons pas et ne vivrons jamais). Il convient de prêter la plus grande attention au fait que de telles publicités soient « possibles », car si nous comprenons qu’elles existent du point de vue des assurances qui paient pour qu’elles soient produites et contribuent à leur donner ainsi des clients, il est plus problématique que des publicitaires estiment que nous puissions les regarder, c’est-à-dire que nous consentions sans réagir à cette conception décalée de "l'urgence". Le vrai danger, ce n'est pas la blessure qui peut toucher l'enfant mais la contrainte de  frais inattendus à couvrir.

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