lundi 30 novembre 2015

Texte de Sigmund Freud - Saisir la dynamique du passage à expliquer


 Le texte s’ouvre sur une exclamation, presque un cri contre l’idée même d’un retour à la nature. On mesure dés le début de ce passage que l’auteur part de ce postulat qu’est le dualisme Nature/Culture. Ce qui n’est pas l’un est nécessairement l’autre. C’est bien ce que suggère l’utilisation du « alors ». Ce qui s’active à partir de ce duel qui occupe la totalité du champ conceptuel de cet extrait, c’est une balance dans les plateaux de laquelle il convient de situer les avantages et les inconvénients de chacune des deux positions. Avec la nature, nous pouvons miser sur la libération de toutes nos pulsions mais il nous faut également envisager la mort possible à chaque instant. De l’autre côté, nous avons des désirs éduqués, restreints, refoulés, mais nous jouissons en retour d’une certaine sécurité. L’efficience de cette mécanique de la comparaison s’appuie sur la concession : « c’est vrai… ». Mais cette image de la balance qui finalement se situait sur un terrain exclusivement argumentatif va se transformer en quelque chose de plus concret, de plus généalogique. Non seulement nature et culture s’oppose comme deux notions contraires mais l’une stimule l’autre comme deux forces adverses.
Ce qu’ouvre le « C’est précisément… »,  c’est le passage du texte dans une dimension qui n’est plus seulement argumentative et théorique mais aussi généalogique et pratique, effective, réelle. C’est contre la nature que la nécessité de la culture s’est imposée : de l’exigence de survivre aux menaces naturelles, est née la vie communautaire et c’est à partir d’elle qu’est apparue la culture. Le premier paragraphe se termine par l’assignation claire d’une fonction dite « principale » à la culture. Vouloir supprimer la culture reviendrait pour l’homme à scier la branche non seulement sur laquelle il est assis mais plus profondément encore dont il est issu comme un fruit né du bourgeon qui éclate à son extrémité.

Nous sommes maintenant installés dans une perspective généalogiste et antagoniste : l’homme n’est homme que contre la nature, comme s’il se définissait à l’exacte mesure de la lutte vitale qu’il livre contre elle. Plus il fait preuve d’ingéniosité dans cette guerre, plus il affirme une manière d’être, un style qui s’impose comme étant véritablement le sien. L’être humain est celle ligne d’opposition fragile, cette courbe sinueuse et pourtant toujours en hausse contre une nature adverse, aveugle et cependant triomphante. Tout est en nuance dans ce second paragraphe et pourtant il se conclura sur une proposition sans  nuance.
L’activation constatée d’une perfectibilité humaine porteuse d’avenir : « elle fera mieux plus tard » se heurte sans espoir à un effet d’énumération aussi écrasant qu’une immense vague nourrie de toutes ces composantes : « il y a…Il y a ….etc. » dont elle est la dynamique de croissance et d’écrasement. Il est assez difficile de sortir de ce texte sans éprouver un fort sentiment d’inutilité. Freud s’est efforcé dans un premier temps de démontrer qu’il n’y avait pas d’autre « solution » que la culture, mais il s’avère à la fin du second paragraphe que cette solution n’en est pas une. Exister dans l’univers n’est pas « humain », au sens propre du terme, ce n’est pas une tâche qu’un humain puisse réaliser puisque il ne peut l’accomplir qu’au gré d’un processus culturel voué fondamentalement à l’échec. Le seul moyen de contredire la thèse de ce texte et son « catastrophisme » est de remettre en question son présupposé, soit l’opposition Nature/Culture.


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