Le texte s’ouvre sur une
exclamation, presque un cri contre l’idée même d’un retour à la nature. On
mesure dés le début de ce passage que l’auteur part de ce postulat qu’est le
dualisme Nature/Culture. Ce qui n’est pas l’un est nécessairement l’autre.
C’est bien ce que suggère l’utilisation du « alors ». Ce qui s’active
à partir de ce duel qui occupe la totalité du champ conceptuel de cet extrait,
c’est une balance dans les plateaux de laquelle il convient de situer les
avantages et les inconvénients de chacune des deux positions. Avec la nature,
nous pouvons miser sur la libération de toutes nos pulsions mais il nous faut
également envisager la mort possible à chaque instant. De l’autre côté, nous avons
des désirs éduqués, restreints, refoulés, mais nous jouissons en retour d’une
certaine sécurité. L’efficience de cette mécanique de la comparaison s’appuie
sur la concession : « c’est vrai… ». Mais cette image de la
balance qui finalement se situait sur un terrain exclusivement argumentatif va
se transformer en quelque chose de plus concret, de plus généalogique. Non
seulement nature et culture s’oppose comme deux notions contraires mais l’une
stimule l’autre comme deux forces adverses.
Ce
qu’ouvre le « C’est précisément… »,
c’est le passage du texte dans une dimension qui n’est plus
seulement argumentative et théorique mais aussi généalogique et pratique,
effective, réelle. C’est contre la nature que la nécessité de la culture s’est
imposée : de l’exigence de survivre aux menaces naturelles, est née la vie
communautaire et c’est à partir d’elle qu’est apparue la culture. Le premier
paragraphe se termine par l’assignation claire d’une fonction dite
« principale » à la culture. Vouloir supprimer la culture reviendrait
pour l’homme à scier la branche non seulement sur laquelle il est assis mais
plus profondément encore dont il est issu comme un fruit né du bourgeon qui
éclate à son extrémité.
Nous
sommes maintenant installés dans une perspective généalogiste et
antagoniste : l’homme n’est homme que contre la nature, comme s’il se
définissait à l’exacte mesure de la lutte vitale qu’il livre contre elle. Plus
il fait preuve d’ingéniosité dans cette guerre, plus il affirme une manière
d’être, un style qui s’impose comme étant véritablement le sien. L’être humain
est celle ligne d’opposition fragile, cette courbe sinueuse et pourtant
toujours en hausse contre une nature adverse, aveugle et cependant triomphante.
Tout est en nuance dans ce second paragraphe et pourtant il se conclura sur une
proposition sans nuance.
L’activation
constatée d’une perfectibilité humaine porteuse
d’avenir : « elle fera mieux plus tard » se heurte sans
espoir à un effet d’énumération aussi écrasant qu’une immense vague nourrie de
toutes ces composantes : « il y a…Il y a ….etc. » dont elle est
la dynamique de croissance et d’écrasement. Il est assez difficile de sortir de
ce texte sans éprouver un fort sentiment d’inutilité. Freud s’est efforcé dans
un premier temps de démontrer qu’il n’y avait pas d’autre
« solution » que la culture, mais il s’avère à la fin du second
paragraphe que cette solution n’en est pas une. Exister dans l’univers n’est
pas « humain », au sens propre du terme, ce n’est pas une tâche qu’un
humain puisse réaliser puisque il ne peut l’accomplir qu’au gré d’un processus
culturel voué fondamentalement à l’échec. Le seul moyen de contredire la thèse
de ce texte et son « catastrophisme » est de remettre en question son
présupposé, soit l’opposition Nature/Culture.
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