samedi 24 janvier 2015

"Peut-on concevoir le fait d'être humain comme l'objet d'une expérience?" - Copie d'Audrey Boussaud (Terminale STL)


    Quel sens pourrions-nous donner à l’expression « être humain » ? Qu’est-ce qu’un être humain ?  Qualifier quelqu’un par ce terme d’être humain, Homme appartenant à l’humanité, c’est lui reconnaitre un statut, lui accorder une certaine importance. Pouvons-nous qualifier d’humain un Homme qui est sensible, qui, contrairement à l’animal qui est soumis à la nature,  à des droits, des devoirs, est un être civilisé ? Qui, contrairement aux robots, ou encore aux machines, peut ressentir diverses émotions, qu’il a une conscience ? Qu’il n’est pas programmable ?
Maintenant, quel sens donnerions-nous au terme vaste qu’est le mot expérience ? En science lorsqu’on lance une manipulation, une expérience, nous ne savons pas si elle va marcher, nous faisons préalablement un protocole, une hypothèse sur ce qui pourrait se produire.  Une expérience n’est pas forcément définitive, nous pouvons chaque jour, avoir une nouvelle expérience sur la vie, nous apprenons par expérience, par contact au réel. L’expérience peut-elle avoir un impact sur notre vie d’Homme, d’être humain ? Lorsque nous croisons au détour d’une rue un SDF, un alcoolique, ou bien encore une personne quelconque, qu’est-ce qui nous dis que nous ne sommes pas en train de faire face à une nouvelle expérience ? Et peut-être que cette expérience va changer quelque chose en nous, des pensées, des idées, des aprioris… Nous sommes nés humains, mais ne devons-nous pas justifier ce fait à chaque instant de notre existence ? Nous nous construisons grâce au contact avec la vie extérieure, la vie sociale ?
Peut-on concevoir la condition humaine comme un devoir à assumer plus que comme une expérience à tenter ? Dans un premier temps, nous aurions envie de répondre « non » à ce sujet. C’est le caractère sacré,  tabou de notre humanité qui nous ferais pencher de ce côté car pour nous être humain est statut à assumer, une sorte de charge à respecter. Or si être humain est un fait, pourquoi la société nous impose t’elle autant de lois ? C’est bien qu’il y a, au fond, une limite à cette humanité. Une limite qu’il ne faut pas franchir et c’est pour cela que nous avons des droits et des devoirs. Nous pensons mettre notre statut d’humain en péril lorsque nous ne respectons plus ces droits, lorsque nous transgressons la loi. Avons-nous raison ou tort de   penser cela ?                                                                                                                        

   Etre un Homme, avoir une place au sein de l’humanité, tout cela dépend de nos actes, de notre comportement. Nous avons donc besoin de nous justifier, aux yeux des autres, aux yeux de la société, au sujet de notre humanité à chaque instant.  Nous appliquons des règles pour ce qui est humain et ce qui ne l’est pas. Et chaque époque doit s’adapter à ce que c’est qu’être humain, c’est pour cela qu’il existe des normes. Et si le mot « adapter » apparait ici c’est qu’il y a eu des changements qui ont perturbé l’humanité, et cette humanité a donc créer, a donc rebâtit, de nouvelles normes. L’humanité a donc dû faire face à cette expérience qui a changé le cours d’une époque.

Il est important de rappeler qu’une expérience est aléatoire, nous ne pouvons prévoir à l’avance le résultat qu’elle va donner. Nous avançons donc vers l’inconnu, sans savoir ce qui nous attend, et cela peut faire peur aux Hommes. Les Hommes qui passent leur temps à réinventer le futur, à faire des projets, que l’expérience et l’inattendu viennent renverser. Mais ne sommes-nous pas au contact quotidien avec l’expérience ? Notre présence au sein de la société montre bien que nous sommes victimes de la notion d’expérience et que nous l’avons été, chaque jour depuis notre naissance.  Car manger, s’instruire, faire des connaissances, réussir à s’intégrer, à se faire une place dans la société, tout cela relève de l’expérience.  Répondre « oui »  à ce sujet, c’est admettre que nous ne savons pas où nous allons, c’est accepter le fait que nous nous expérimentons au jour le jour.  Les rencontres que nous faisons peuvent sans aucun doute avoir un impact sur le cours de notre vie.  Parfois même nous nous surprenons à agir comme quelqu’un d’autre, à écouter des musiques similaires à celles de nos amis, à varier nos gouts et nos envies en fonctions des personnes avec qui nous sommes, à se créer une page facebook uniquement pour ne pas se sentir « en dehors » de la société…

Faisons un retour en arrière. Regardons dans le rétroviseur l’histoire de l’humanité et l’action des Hommes au cours de cette histoire. Pour commencer,  il est important de préciser que rien dans notre histoire ne nous permet de savoir où nous allons. Il nous faut ensuite définir la notion « d’histoire ».  L’histoire est une réalité historique. Kant veut faire comprendre à la société dans laquelle il vit la folie qui habite parfois l’homme. Pour lui, « les conflits sont nécessaires à la civilisation ». Hegel entre ici en contradiction avec les dire de Kant. Il définit l’histoire à son tour, comme « révélation de l’esprit et de la Raison ». Les philosophes des Lumières, quant à eux, déclarent que ce sont les Hommes qui font l’histoire.
De plus, comme nous l’avons évoqué précédemment, chaque époque a dû s’adapter à de nouvelles normes, et cette adaptation est issue de catastrophes volontaires ou involontaires telles que Fukushima, les guerres, les génocides, les tremblements de terre… Tout cela définit le caractère aléatoire de l’évolution de l’humanité. Cela montre également à quel point notre espèce est imprévisible. Elle est terrifiante lorsque l’on découvre les horreurs qui ont eu lieu durant les différentes guerres auxquelles notre espèce a participée mais elle peut se révéler fascinante lorsque l’on voit à quel point les hommes se sont soudés pour reconstruire ce qui avait été détruit, à quel point ils se sont battus pour la liberté, pour préserver l’humanité.

            Au final, l’histoire n’est qu’une somme d’expériences, elle-même composées d’instants. Et selon Nietzsche, ce qui fait la valeur d’un instant, c’est l’intensité avec lequel nous le vivons. Il faut accepter son existence et valoriser un moment de sa vie, valoriser une nouvelle expérience. La vie se résumerait ainsi à une action, à un moment, à une personne, à une expérience.

Pourrions-nous concevoir des expériences qui décideraient de notre appartenance à l’humanité ? Intéressons-nous maintenant aux impacts qui pourraient-être issus de nos relations, d’un phénomène de groupe, d’un devoir d’obéissance vis-à-vis d’une hiérarchie ou d’un jeu. Jusqu’à quel point pourrions-nous aller lorsque nous sommes « victime » d’une emprise qui semble être plus forte que nous ? Où se situent les limites de notre appartenance à l’humanité ?  Des expériences sociologiques ont été réalisées sur l’obéissance d’un homme durant un jeu télévisé. Ces expériences montrent bien la fragilité éthique de notre humanité.   

  Revenons sur l’expérience de Milgram. Un acteur devait apprendre une liste d’association de mot en une minute, puis il était enfermé dans une pièce à part. Un « questionneur » posait ensuite des questions concernant cette lise et si l’acteur ne donnait pas la bonne réponse, il lui envoyait une décharge électrique. Les décharges devenaient de plus en plus fortes, au fur et à mesure que le jeu avançait et que l’acteur se trompait dans les questions. Lorsque l’acteur criait ou suppliait au questionneur d’arrêter le jeu, la majorité des joueurs continuaient d’eux-mêmes, alors qu’ils n’étaient pas au courant que les cris étaient en réalité enregistrés. L’autre partie des questionneurs regardaient l’animatrice qui leur demandait de continuer « c’est le jeu, vous devez continuer » disait-elle. Seul un très faible pourcentage des questionneurs arrêtèrent le jeu sur leur propre décision, par prise de conscience du danger. Cela prouve que nous sommes influençables, et d’après Primo Lévi : « sous la pression harcelante des besoins et des souffrances physiques, bien des habitudes et des instincts sociaux disparaissent ».  

C’est  également ce qui a été prouvé lors du génocide des Juifs.  Jusqu’où les hommes peuvent-ils aller pour déchoir d’autres hommes de leur statut humain ? Les SS obéissaient certainement en majorité aux ordres qu’il leurs étaient donnés par peur de se voir tuer à leur tour, par leur hiérarchie.  Les jeunes étaient endoctrinés très jeunes dans cette idée qu’il y avait plusieurs races sur Terre et que ce n’était pas convenable, qu’il fallait y remédier. Les expériences qui ont été réalisées sur les Juifs durant la seconde guerre mondiale sont inhumaines, et c’est ce que dénonce Robert Anthelme « c’est une rêve de SS de croire que nous avons pour mission historique de changer d’espèce, et comme cette mutation se fait trop lentement, ils tuent. » Or il n’y a pas plusieurs espèces humaines, il n’y en a qu’UNE. Nous avons tendances à vouloir tuer des gens parce qu’ils sont différents, parce qu’ils ont une autre culture ou une autre croyance. Mais au fond, nous sommes tous de la même race, nous sommes tous de la même espèce, nous sommes tous nés humains. Et être biologiquement différents ne peut faire varier notre appartenance à l’humanité. Robert Anthelme insiste également sur le point que nous venons d’évoquer par une phrase très significative : « on peut tuer un homme, mais on ne peut pas le changer en autre chose ».
A partir de ce point, on peut se demander si le fait d’être humain nous exclue-t-il de droit, de tout travail scientifique d’expérimentation ? La science  a dû attendre un certain temps avant de pouvoir pratiquer des expériences sur des cadavres, l’Eglise et la religion interdisant à quiconque de toucher un corps mort, considéré comme sacré, l’homme étant pour la religion une création de Dieu. Il a ensuite très vite été reconnu qu’ouvrir des Hommes décédés était le meilleur moyen pour connaitre l’homme durant son vivant et améliorer ses conditions de vie. De même, il est devenu courant, de nos jour, de confier notre corps à la science, alors que nous sommes encore en vie, pour faire bénéficier à un autre homme d’un don d’organe. La science se sert toujours de cadavres, notamment dans les universités pour l’apprentissage, ou pour essayer de résoudre les mystères du corps humain.

Or à quel point la science voudrait se servir de l’Homme au profit de progrès technologiques ? Citons ici Louis PASTEUR, scientifique mondialement connu pour l’invention de son vaccin contre la rage. Il a écrit une lettre à l’empereur du Brésil afin de lui demander l’autorisation de faire des expérimentations scientifiques sur des condamnés à mort. Ces derniers, explique-t-il, auraient le choix entre subir la peine capitale ou bien être cobaye d’une expérience scientifique qui viserait à leur injecter le vaccin  contre la rage et le choléra. Le fait que Pasteur s’adresse directement à ces condamnés en évoquant un « droit de grâce » montre bien qu’il les considère comme moins humains que les autres, comme ayant perdu une part d’humanité. Il sait également qu’il aura plus de chance de voir sa requête acceptée au Brésil qu’en France car c’est un pays moins développé économiquement.
Au final, le fait que nous fassions des expériences, dont les résultats peuvent être utiles aux Hommes, sur les animaux prouve également une parenté entre nos deux espèces, nous sommes tous des mammifères. Or on n'évoque pas la motivation de ces expériences de cette manière.  La science insiste sur le fait qu’elle fait des manipulations sur les animaux puisque cela est autorisé, mais ces manipulations sont faites de manières à mieux connaître le fonctionnement de l’Homme, on ne peut donc en aucun cas nier une parenté entre l’Homme et l’animal. L’homme admet qu’il faille se résoudre à expérimenter des hypothèses sur des animaux, mais il n’accepte pas le fait que l’homme soit si proche de l’animal qu’il étudie.

Pour terminer, il paraitrait intéressant de faire une distinction entre admettre et accepter. On peut accepter quelque chose, se déclarer prêt à faire telle ou telle chose, consentir à ce qu’une chose se produise, c’est être d’accord avec cela. On peut, à l’inverse, admettre quelque chose de provisoire, telle une expérience, qui nous parait nécessaire pour la suite du raisonnement mais après cela peut venir la notion du « retour ». Admettre, c’est faire une sorte de pacte, « qu’est-ce que j’aurais encontre partie ? ». On peut admettre une hypothèse, mais au final il nous faudra des preuves, des résultats, une thèse,  pour que nous l’acception. Et entre l’hypothèse et la thèse, il nous faudra mettre en place et réaliser une expérience.


 Il est vrai que d’un côté nous aurions tendance à vouloir rapidement répondre « non » au sujet car on ne peut pas être et faire l’expérience.  De plus, pour les croyants, le fait d’être humain nous est donné, nous ne pouvons être un objet car nous sommes une création.  Nous avons conscience du fait que nous ne pouvons contourner la mort, nous admettons que nous ne sommes pas éternels, même si certains pense qu’il y a une vie dans l’au-delà, mais entre notre naissance et notre mort, ne sommes-nous donc pas victimes, ne sommes-nous donc pas cobayes, ne sommes-nous pas les objets d’une expérience ?             En mangeant, nous découvrons de nouveaux gouts, de nouvelles saveurs. En s’instruisant, nous prenons conscience de l’importance de savoir lire et écrire au jour d’aujourd’hui. En expérimentant, nous apprenons l’existence d’espèces inconnues. L’homme réfute cette idée car elle lui fait peur, elle signifierait qu’il n’a aucune valeur, aucune mission à accomplir durant son vivant. Il la réfute car elle lui retire son statut d’humain.  Et il ne peut accepter cela.

            Etre humain ne revient pas à vivre la vie comme une expérience mais plutôt comme plusieurs. En effet, chaque expérience donne une certaine leçon à l’Homme sur sa manière d’agir, elle intervient dans sa vie pour lui permettre la possibilité d’avoir un avenir meilleur. Or si l’on considère la vie comme dépourvue d’expérience ou bien comme unique expérience l’Homme n’apprend rien puisqu’il meurt avant. Au final, l’être humain doit donner un sens à sa vie, et tirer parti des différentes situations auxquelles il est confronté et chacune de ces situations l’enrichira. Chaque expérience de la vie, chaque nouvelle rencontre, chaque essai, chaque pensée transforme l’Homme et participe à le rendre plus humain même si parfois, dans certaines circonstances, tout cela peut également être à l’origine des actes inhumains qu’il commettra. 

lundi 19 janvier 2015

Explication du texte de Spinoza - Travail en temps limité (2)


« Puisque le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous donnent la même opinion et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain (1), agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté donner son opinion et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l’intention de changer quoi que ce soit dans l’Etat de l’autorité de son propre décret. »
                         Baruch Spinoza – Traité Théologico-Politique (1670)
(1)  « souverain » : autorité individuelle ou collective à qui seule « il appartient de faire des lois » (selon Spinoza).

   1)    Relevez les connecteurs logiques et décrivez les phases de l’argumentation de l’auteur (de quoi part-il ? D’un exemple ? D’une thèse ? Etc.)
        2)  Diriez-vous que l’idée défendue dans ce texte consiste dans une obéissance totale à l’Etat ? Pourquoi ?
      3) L’exercice de la liberté d’expression est ici soumis à trois conditions : citez les et expliquez les. Laquelle vous semble-t-elle la plus difficile à tenir ? Pourquoi ?
        4) Appliquez ces conditions à des opinions « problématiques » voire extrémistes émises aujourd’hui. Ces « idées » seraient-elles interdites dans l’Etat décrit ici par Spinoza ? Justifiez votre réponse.

dimanche 18 janvier 2015

Explication du texte de Spinoza - Travail en temps limité


« Puisque le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous donnent la même opinion et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain (1), agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté donner son opinion et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la Raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l’intention de changer quoi que ce soit dans l’Etat de l’autorité de son propre décret. »
                         Baruch Spinoza – Traité Théologico-Politique (1670)
(1)  « souverain » : autorité individuelle ou collective à qui seule « il appartient de faire des lois » (selon Spinoza).
1)    Expliquez la première phrase
2)    Définissez clairement ce que, selon Spinoza, le citoyen peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Justifiez cette distinction, dans l’esprit de l’auteur.
3)    Relevez dans le texte les termes qui relèvent de liberté de pensée, puis ceux qui ont rapport à la  liberté d’expression. Définissez l’un et l’autre. Pour Spinoza, l’un implique-t-il l’autre ? Pour vous ?
4)    Considérez-vous que la liberté d’expression soit aujourd’hui effective et garantie  en France ? Justifiez votre réponse.