vendredi 29 mai 2020

Séance du 29/05/2020 CALM (Cours A La Maison) TL2:2H

 Bonjour,
Nous pourrions parler « d’une mise en nombre » de la vie, dans tous les domaines de l’’existence de l’individu. Cette quantification n’a probablement pas que des effets néfastes ou contraignants mais elle crée néanmoins une toute nouvelle considération de l’existence des individus au regard de laquelle il n’est rien d’elle qui ne soit calculable, et cette calculabilité remet en cause la notion d’imprévisibilité inhérente aux faits eux-mêmes. De plus, tout comportement calculable devient par là-même prévisible et la prévisibilité même de tout système est de tendre vers le chaos selon la loi de l’entropie. Cela signifie que la rationalité de cette réduction quantitative des comportements humains ne s’oppose pas du tout à l’entropie comme pourrait le laisser penser le fait qu’elle soit rationnelle, donc ordonnée. Ce qui est authentiquement néguentropique c’est une nouvelle rationalité, un nouveau type de savoir.
        

        D’autre part l’exercice du droit jusqu’à maintenant ne pouvait pas se concevoir sans passer par le jugement d’un humain, tout simplement parce que l’application d’un « code » à une situation humaine impliquait une attention à tout ce qu’un ensemble de faits physiques peut revêtir d’irréductible à un mode de compréhension purement comptable, purement quantitatif. Or c’est bel et bien cette part de vie irréductible au calcul qui tend à disparaître dés lors que le factuel est totalement assimilé à données numériques, dés lors qu’est acté le fait que nous n’agissions plus qu’à l’intérieur d’un environnement au sein duquel non seulement tout est traçable mais aussi dans lequel tout s’effectue « virtuellement ». Pour le dire simplement notre action ne s’effectue plus sur le fond d’un déterminisme physique causal (cause / effet) mais s’intègre dans un ensemble de données statistiques (analyse / orientation des marchés) utilisables par des plate-forme aspirant à retirer des profits de cette nouvelle calculabilité des comportements humains.
        Nous n’agissons plus dans la nature mais dans un réseau exclusivement humains gérés par des algorithmes dont l’objectif est de faire des études de marchés pour orienter les capitaux.  Ce qui s’effectue avec cette idéologie instaurée par les Big Data c’est une sorte de clôture définitive de la sphère d’efficience humaine qui ne s’extériorise plus dans un milieu physique, aléatoire à l’intérieur duquel il y a encore de l’imprévisible, de l’originalité, de l’individualité possible, mais dans le fond de traçabilité numérique à l’intérieur duquel rien d’humaine peut plus se constituer en marque de la calculabilité.
        Or cet enfermement est particulièrement problématique dans le domaine du droit dans la mesure où une décision de justice ne peut pas humainement se traiter au gré de la transparence algorithmique. C’est particulièrement vrai pour ce que l’appelle la jurisprudence, à savoir la nécessité pour un juge d’improviser sa décision parce que la situation à traiter est nouvelle, et qu’elle excède du cadre pénal institué. Une décision est appelé à faire jurisprudence quand une cour de justice se voit dans l’obligation de trancher une situation qui met en présence des conflits ou des éléments tellement nouveaux que les lois sont dépassées. On mesure bien les dommages humains causés par l’exercice d’une justice algorithmique.
      
       
                       En fait ce nouveau régime nous fait croire que le réel se définit par cette masse de données brutes que les algorithmes du numérique recueille, analyse, traite comme si c’était dans les nervures mêmes du réel que s’activait cette puissance opérationnelle et combinatoire sans commune mesure. Derrière cette efficience de la calculabilité se cache une hybris (une démesure humaine, rien qu’humaine) qui ne considère plus comme milieu ou comme univers que cette ensemble d’interactions numériques qui fonctionne en circuit fermé.
        L’exercice du droit s’est toujours constitué comme ce qui s’impose de son opposition au fait, mais ce que nous vivons aujourd’hui est l’instauration d’un nouveau régime de vérité ou de "pseudo vérité » (c’est ce que certains intellectuels appellent la post-vérité) au sein duquel la notion même de « fait » , de factualité est en train de disparaître comme si tout ce qui existait de pur, de brut était cette masse de métadonnées. Il s’ensuit des répercussions qui peuvent se révéler extrêmement graves pour l’exercice même d’un droit « humain ». Déjà la fonction de lawyers (d’avocat, d’hommes de loi) est est train de subir de plein fouet les conséquences de cette évolution. Pourquoi aller chercher des hommes de loi si les affaires de justice peuvent être gérées par des algorithmes?
        Contre ce qu’il faut appeler non pas une infraction au droit mais une transformation extrêmement dommageable de la notion même de droit, Antoinette Rouvroy propose trois sortes de ce qu’elle appelle « récalcitrances" ou si loin préfère: « résistances »:
Il faut miser sur ce qui échappe à cette « toute visibilité » du numérique à savoir les projets ou les intentions qui ne donnent pas lieu à des documents ou des parutions numériques
De fait, l’existence humaine n’est pas prévisible. On peut à juste raison penser que nous trouverons des rationalités nouvelles et non programmables. De toute façon, l’existence humaine est, par nature, récalcitrante à toute réduction prédictive.
Si l’on établissait par exemple des profils types de récidivistes dont les données seraient algorithmiquement appliquées aux cas à traiter alors une justice-robot serait en plein exercice mais il faut espérer que nous n’accepterions pas cette dérivation, que quelque chose en nous réalise le caractère fondamentalement réticent à toute calculabilité, à toute application aveugle, statistique, informatique de principes juridiques. Il y a dans le juridique la nécessité d’un respect de l’humanité, l’émergence d’une réalité improgrammable et assumée qu’il nous faut prendre en compte mais sans tomber dans l’angélisme un peu niais de la croyance naïve au droit naturel.
  

            C’est la raison pour laquelle les problèmes posés aujourd’hui par les Big Data doivent être plutôt l’occasion de revenir à la source du droit, comme nous invite Antoinette Rouvroy en reposant la question du fait et du droit.
            A moins d’adhérer à la notion de droit Naturel, ce qui semble assez difficile, en fait, il semble évident que le droit repose sur des contrats, sur des pactes et que tout pacte suppose une promesse que l’on s’engage à tenir. Il existe une sorte d’identité juridique du sujet de droit et elle semble se rapprocher de ce que Paul Ricoeur appelle l’ipséité. Un sujet de droit est un « je » qui fait une promesse et qui consiste dans l’attitude conforme à ce qu’il s’engage à être ou à faire dans le futur. Le sujet dont les big data recueille les traces numériques fait l’objet d’une projection statistique qui est parfaitement incompatible avec cette consistance éthique de la promesse.


C'est tout pour aujourd'hui.
Bonne journée à vous

jeudi 28 mai 2020

Séance du 28/05/2020 CALM (Cours A La Maison) TES1: 2H




Aujourd'hui, nous terminons le cours sur l'art

5) Une nouvelle fonction thérapeutique

        Pour bien comprendre la place que l’art doit occuper aujourd’hui qui peut se définir à bien des titres comme une fonction thérapeutique par rapport à cette fonction somptuaire perdue et à cette fonction libidinale détournée, il faut remonter à la révolution industrielle et à l’automatisation des tâches. L’ouvrier est disqualifié. Il est réduit à ce que la machine attend et commande de lui. Par conséquent il est privé de savoir. C’est ce que l’on pourrait appeler le processus e prolétarisation: on ne sait pas ce qu’on fait en le faisant. Le chauffeur de taxi conduit son client dans Paris grâce au GPS de telle sorte qu’il ne connaît pas le Paris dans lequel pourtant il remplit la fonction de conducteur. C’est ça la prolétarisation, à savoir ce qui fait qu’un certain type d’emploi requiert finalement plus de « non-savoir » que de savoir. Entre parenthèses, on sait bien que cette prolétarisation qui s’est attaqué d’abord à l’ouvrier attaque maintenant toutes les professions, y compris celles des plus hauts placés: les cadres.
         
        Le taylorisme décrivait finalement l’efficience de cette prolétarisation dans les chaines de production mais cette réduction de l’individu inséré dans des processus dont la rentabilité est calculée s’est évidemment étendue jusqu’à impliquer ce qui rend nécessaire la chaîne de production à savoir la demande par une population dont les désirs sont eux aussi calculables des produits eux-mêmes. Ce que nous vivons aujourd’hui via les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) mais tout aussi bien les géants du web comme Netflix, etc.  c’est la gouvernementalité algorithmique, soit la possibilité non seulement de collecter les désirs des consommateurs mais de les influencer jusqu’à créer des mouvements de consommation de masse au fil desquels notre désir, au sens spinoziste (persévérer dans la singularité de son existence), est entièrement nié. Ce que nous vivons correspond donc à ce que Gilles Deleuze et Michel Foucault  appellent des sociétés de contrôle dans une proportion qu’aucun penseur n’avait encore envisagé avant.
        Ce bouleversement des sociétés est accru par la vitesse de l’information des technologies numériques. Nous savons que la vitesse d’un signal voyageant du cerveau aux doigts de la main vie les nerfs est de 50 m par seconde, mais sur une fibre optique le signal se transmet à 200 millions de m par seconde, soit 4 millions de fois plus vite que la vitesse nerveuse d’un corps humain. On ne peut pas imaginer de techniques de contrôle, et au sens propre de téléguidage plus efficaces, plus anesthésiantes parce qu’évidemment rien de tout cela n’est ressenti, autant dire que rien n’est esthésié. Le désir est purement et simplement « zappé ».
       
              Il est vraiment essentiel de comprendre de quoi il est question ici: ce n’est pas une critique du consumérisme comme il en existe beaucoup. Il ne s’agit pas de rajouter une voix à toutes les critiques du capitalisme et du néolibéralisme (qu’est ce que le néo libéralisme? Une théorie qui s’articule autour des trois points suivants: une limitation du rôle de l'Etat en matière économique, sociale et juridique 2) l’ouverture de nouveaux domaines d'activité à la loi du marché 3) une vision de l'individu en tant qu'"entrepreneur de lui-même" ou "capital humain" que celui-ci parviendra à développer et à faire fructifier s'il sait s'adapter, innover…), même s’il est indiscutable que ces idéologies sont déterminantes dans le phénomène qui nous intéresse ici, mais quel est-il précisément? La constatation que l’évolution de l’humanité (de l’occident en premier lieu mais cette dynamique gagne la totalité du monde) perd le sens du sacré. Nous sommes entrés à partir du 19e dans la mort de Dieu, dans le devenir profane de l’humanité et cela induit que l’intuition esthétique qui consiste fondamentalement dans la dimension somptuaire du quotidien, de certains gestes de notre existence auquel on accorde une connotation esthétique et rituelle disparait, est éjectée par la marchandisation, laquelle a d’abord réduit l’art à l’œuvre, puis l’oeuvre au produit et enfin le produit à son prix, le tout via la calculabilité d’un désir contrôlé par la gouvernementalité algorithmique (insistons sur le fait que cette hyper-contrôle de nos sociétés n’est pas mis en oeuvre par l’Etat). Le pire totalitarisme est celui que l’on ne voit pas parce qu’il court-circuite intégralement les schèmes de nos perceptions et de nos cadres d’interprétation du réel. C’est indiscutablement celui que nous subissons aujourd’hui. Le « dernier des hommes » d’ « Ainsi parlait Zarathoustra » ne s’intéresse pas à l’art. Il ne le peut pas.« La terre alors sera devenue exiguë, on y verra sautiller le Dernier Homme qui rapetisse toute chose ». Dans une autre de ces oeuvres Nietzsche évoque le futur de l’Europe ainsi: « « ces Européens à venir offriront probablement dans l’ensemble l’apparence d’ouvriers bons à tout, bavards, faibles de volonté et utilisables à toutes fins, qui ont besoin d’un maître, d’un chef autant que de leur pain quotidien. »
         


        Mais en même temps, Nietzsche ne se satisfait en aucune façon d’une résignation passive. Jamais l’humain n’a été en aussi fâcheuse posture. Mais c’est précisément dans ce nihilisme qui atteint aujourd’hui son paroxysme que nous sommes en situation grâce à l’art d’assumer l’humanité d’une condition qui précisément n’est jamais fixée déterminée. « La grandeur de l’Homme, c’est qu’il est un pont et non un terme ; ce qu’on peut aimer chez l’homme, c’est qu’il est transition et perdition. » dit Nietzsche précédant de peu cette déclaration de Jean Jaurès affirmant que « l’humanité n’existe pas ou qu’elle existe à peine ».  L’humain, c’est ce qui ne s’achève pas, c’est bien le sens de la phrase de Nietzsche. Être humain, c’est « tendre vers », avoir sans cesse à « devenir ce que l’on est ».
            Toute la question est alors de savoir comment cette humanité qui effectivement n’est qu’un mouvement, un flux, un passage pourrait se sortir de cette situation, la dépasser pour s’assumer en tant que passage. Pour répondre à cette question, il est possible d’approfondir la notion d’invention chez Gilles Deleuze. Celle-ci consiste à provoquer une bifurcation dans un état de fait à partir d’une « quasi causalité ». Par ce terme que Gilles Deleuze emprunte aux stoïciens, il s’agit de devenir la quasi cause d’une situation que pourtant je subis de plein fouet. Représentons nous une situation dans laquelle nous sommes totalement dépassés, outrepassés, niés, mis de côté en tant que sujets volontaires, libres. Placé devant des réalités que je ne peux en aucune façon contrôler, ni vouloir, ni maîtriser, je mets en oeuvre un processus qui me permet d’être étrangement la cause même de ce qui me dépassait.

6) La quasi-causalité  et la résistance - Gilles Deleuze

        Le philosophe Bernard Stiegler reprend ce concept de « quasi-causalité » pour le caractériser comme un processus structurellement artistique. Rien ne fait plus obstacle au burin du sculpteur que la veine de marbre mais c’est dans le contournement de cette veine qu’il fera l’œuvre. Toute oeuvre d’art est le jaillissement d’un possible imprévisible à partir de ce qui le rendait improbable. Une oeuvre c’est d’abord et fondamentalement de l’improbable, de l’inouï, ce qui va instaurer un ordre là aucun ordre ne semblait possible avant.
        
On peut penser tout aussi bien à Django Reinhardt qui crée un style de musique là où la brûlure de sa main dans l’incendie de sa roulotte semblait rendre toute création de musique impossible. C’est parce que plus rien ne semble possible qu’émerge l’improbable de l’art. C’est bel et bien la meilleure d »finition que nous puisions trouver car elle correspond aussi bien à l’exemple central du chasseur de phoque lapon. En tant que chasseur affamé, tout est calculable, prévisible, programmable dans sa gestuelle, dans son exploitation de l’animal, etc. Mais dés que l’on s’intéresse aux motifs du manche de son harpon, nous entrons dans une contingence nouvelle, gratuite et parfaitement inattendue. Rien ne s’imposait comme étant « comme ça », mais en même temps dans cette apparente contingence quelque chose comme un ordre s’instaure, un ordre qui n’est pas celui de la systématicité stimulation (faim) / réponse (viande de phoque).
       
        Le génie de l’artiste se situe exactement dans cette quasi-causalité, il bifurque là même où ne semblait s’imposer qu’une ligne droite et forcée, qu’un abandon à la contrainte. Une autre référence peut ici être utilisée renforçant d’ailleurs le lien fondamental entre l’art et la religion, c’est celle de Job écrasé par Dieu. Satan met Dieu au défi d’envoyer le mal à ses créatures pour tester leur foi et Dieu choisi son plus fidèle le plus dévoué. Job, laminé par « les coups du sort » qui détruisent, ces biens, sa famille et sa santé commence par endurer mais au bout d’une semaine il entame une très longue plainte à Dieu et cette plainte, cette élégie acquiert une dimension proprement esthétique voire divine comme si Dieu consistait finalement davantage dans les accents de cette plainte humaine que dans la parole du tout puissant qui finira par lui répondre, et d’ailleurs le rétablira dans sa prospérité. Job par sa plainte est la quasi causalité de son malheur.  Il se réapproprie quelque chose de son existence.
            Nous n’avons jamais plus qu’aujourd’hui fait l’expérience d’un pouvoir de contrôle, en un sens peut-être plus contraignant que celui de Big Brother dans 1984 qui désigne l’Etat, alors qu’aujourd’hui, nous percevons bien que c’est justement la destruction de l’Etat qui rend possible l’hyper-contrôle dont nous sommes les victimes sous la pression de Google, d’Amazon, de Facebook. Pour que l’art comme quasi-causalité s’effectue dans un contexte aussi désespéré que la situation que nous vivons, il faut comme Job que nous soyons « digne de l’évènement », que nous prenions acte et surtout conscience de cette dénaturation dont les oeuvres d’art sont victimes. Et aucun exemple ne saurait être plus efficient à cet égard que le cinéma: pratique artistique devenue aujourd’hui une usine d’images insinuant dans nos nerfs et dans nos corps des automatismes de consommation, de propagande politique et idéologique, de préjugés sociétaux, raciaux absolument terrifiants. Le réalisateur Frank Capra l’avait déjà parfaitement saisi:
        “Le cinéma est une maladie. Lorsqu’il atteint votre sang, il devient vite l’hormone numéro un ; il supplante les enzymes, commande la glande pinéale, joue avec votre psyché. Comme avec l’héroïne, le seul antidote au cinéma est le cinéma.”
        
Faut-il pour autant condamner le cinéma et s’interdire de voir des films? Ce serait d’autant plus stupide que nous passerions à côté de toutes les oeuvres de Fellini, de Bergman, de Kubrick, de Tarkovsky, de Lynch qui sont des artistes pour avoir créé des images et des enchaînements de séquences inattendues, originaux, inimitables.
        Ce qui s’impose à notre époque avec une urgence plus impérative qu’à aucune autre c’est de créer de l’improgrammable dans l’instrument le plus voué qui soit à programmer et à anesthésier notre existence, notre désir, ce qui place au premier plan les arts numériques. Il importe de générer de la bifurcation dans l’instrument même de la programmation, de l’incalculable dans la puissance computationnelle la plus consternante et la plus restrictive que nous ayons jamais connu.



Conclusion
         
Tous ces développements tournent autour d’une référence finalement très simple qui est celle du chasseur de phoque lapon ciselant le manche de son harpon. C’est de l’art parce qu’il s’agit bien aussi pour le chasseur de phoques de savoir ce qu’il fait quand il chasse les phoques tout en gravant ces motifs sur son arme pour une raison difficile à déterminer mais susceptible de donner à sa gestuelle de chasseur une dimension sacrée, rituelle, esthétique. Ce n’est pas parce qu’il tue ces phoques pour subsister qu’il serait impossible pour lui de se faire aussi EXISTER dans cet art de la chasse qui requiert de l’esthétique, et une célébration de son gibier. Cette référence peut nous sembler très lointaine dans le temps et l’espace mais nous faisons exactement la même chose quand nous choisissons la couleur de notre stylo ou la coupe de nos vêtements, voire celle de nos cheveux. Nous stylisons notre mode de vie, nous le singularisons parce qu’exister est notre affaire individuelle, et qu’il est impératif de nous constituer en tant qu’individu. S’individualiser dans le processus d’une chasse tenant du rite, c’est tout ce que fait le chasseur lapon qui cisèle le manche. Tout ce qui aujourd’hui tend plutôt à nous dividualiser, à nous rendre dividuels, c’est-à-dire comparables, substituables, assimilables , dispensables, prévisibles nous assimile exactement à ce dernier homme dépeint par Nietzsche dans « ainsi parlait Zarathoustra ». Cela signifie que nous sommes  aujourd’hui embarqués dans un devenir profane du monde qui suit une dynamique nihiliste. L’art est le seule antidote à cette maladie et cet antidote doit s’appliquer en premier lieu à ce qui porte aussi le « poison » à savoir les technologies numériques, les jeux vidéo, le cinéma, etc. Dans cet engagement, il ne s’agit pas tant de gagner que d’être dignes de ce qui nous arrive comme le dit Gilles Deleuze dans sa conférence: « qu’est-ce que l’acte de création? »  donnée à la FEMIS. C’est un mot d’ordre que l’on pourrait rapprocher de la quasi causalité. Joe Bousquet est un poète blessé lors de la première guerre mondiale. Selon lui, toute son oeuvre tient dans l’ouverture même de cette blessure: « Ma blessure existait avant moi, je suis né pour l’incarner. » Nous naissons à l’art comme nous naissons tout court, à savoir dans la pure improgrammabilité de notre existence. Etre digne de ce qui nous arrive c’est maintenir à toute occasion le fait même de cette improgrammabilité même et surtout dans l’efficience d’un puissance qui ne vise qu’à informer notre comportement par des vitesses de programmation indécelable. Il n’existe pas d’autre alternative à un mode de vie consumériste qui nous fait penser comme des porcs pour reprendre la formulation de Gilles Châtelet que celle de l’art.


Pour la prochaine fois je vous demande de répondre à la question suivante:
En quel sens une œuvre d'art peut-elle être perçue et créée comme un acte de résistance?

Bonne journée à vous!

Séance du 28/05/2020 CALM (Cours A La Maison) TL2:2H


                                                                                               WAKE UP!
                                                  It is time to think
                                                    about the right !
 Nous en étions à l'exemple utilisé par Kant pour prouver que la loi morale existe en tout homme. On peut dissuader un homme de céder à son "vice" si on le menace de mort en installant une potence devant chez lui. Mais même si un prince m'ordonne de dire du mal d'un homme honnête j'hésiterai.
 


Prenons maintenant un autre exemple: si un homme de pouvoir me promettait la mort à moins que je cause publiquement du tort à un homme que je sais parfaitement honnête. Accéderai-je à sa demande? Peut-être mais pas tout de suite. Il est possible que par crainte de mourir, je porte un faux témoignage contre cette personne que je sais être une personne de bien, mais personne ne se résoudrait à une telle lâcheté, à un tel comportement abject sans au moins y réfléchir un petit peu et cette simple mage de réflexion marque quelque chose de fondamental, à savoir l’’existence en nous d’un libre arbitre. Aussi menacé que nous soyons, nous éprouverons ce vertige de la décision à prendre et nous envisagerons bien de ne pas répondre favorablement à cet homme de pouvoir. Nous émettrons cette possibilité d’une marge de décision pure, indépendante de la pression exercée sur moi et cela suffit à prouver l’existence en moi d’un sujet « je » capable de se représenter ce que la loi morale lui commande de faire moralement, c’est-à-dire librement.
           
En un sens, il n’est pas de fondement plus assuré au droit naturel que cette loi morale décrite ici par Kant, car si nous portons notre attention vers la dernière phrase des passage nous comprenons mieux le fond de cette motivation qui nous invite à agir moralement. Placé dans un tel dilemme, nous ne savons peut-être pas ce que nous allons faire, mourir ou se soumettre à un ordre abject, malveillant, mais nous nous représentons parfaitement ce que serait la décision juste, morale: risquer la mort plutôt que de faire un faux témoignage contre un honnête homme. C’est cela que nous avons le devoir moral de faire et nous en sommes certains, indépendamment de la question de savoir si nous allons effectivement le faire.
        La question qui se pose néanmoins aujourd’hui est celle de savoir si cette loi morale dont Emmanuel Kant dit qu’elle est en nous: « la loi morale en moi la voûte céleste au-dessus de moi. » est aussi claire qu’il l’affirme. La mondialisation, les connexions qui se sont petit à petit tissées entre des individus qui ne sont jamais en contact direct mais dont les choix notamment en matière de consommation créent des lignes de conséquence  tout à la fois effectives et quasiment indétectables ne rendent-elles pas extrêmement floues notre capacité à déceler la bonne action et plus encore la bonne volonté? Les relations humaines sont-elles aujourd’hui parfaitement compréhensibles, claires? Ne serions pas pris dans un réseau si dense, si enchevêtré, si indémaillable d’influences réciproques que discerner l’action juste serait aujourd’hui indéterminable, a fortiori du fait de l’importance prise par le numérique dans les échanges inter-humains?
      
   Pour Kant, en effet, une action morale ne peut se fonder que sur une intention pure, laquelle doit être dépouillée de tout motif pathologique. Une volonté pure est une volonté universelle qui peut vouloir que la maxime de notre action soit à même de valoir en tant que maxime universelle. Comme nous l’avions vu pour la dissertation sur l’amour: « Est-ce un devoir d’aimer autrui?», cette volonté pure suppose que nous puissions vouloir que notre intention soit universalisante, qu’elle construise une loi universelle. Or la pureté de cette intention n’est plus vraiment aussi distincte, aussi énonçable qu’elle l’était du temps de Kant du fait de cette interdépendance qui s’est créé à cause d’un régime d’échange qui nous relie aussi intensément qu’anonymement les uns aux autres (le libre échange)
        Et, d’autre part, la vitesse de suggestion à nos désirs et nos intentions de consultation, de documentation, de consommation atteint à cause du numérique des niveaux proprement hallucinants qui court-circuitent complètement notre libre détermination, laquelle est aujourd’hui une utopie. L’information par la fibre atteint en effet 200 millions de m/s alors que notre vitesse nerveuse fait circuler les informations de nos nerfs à notre cerveau à une vitesse de 2m/s. Qu’est-ce que « vouloir » dans ces nouvelles conditions? Soyons plus clair, et prenons les exemples des vidéos YouTube, lorsque nous choisissons d’en visionner une, nous pouvons toujours nous illusionner en pensant que nous l’avons choisie mais nous l’avons choisie parce que la plate forme a analysé nos lectures précédentes avec une vitesse de captation et de sélection proprement irreprésentable pour un entendement humain. Ce que je « veux » ou ce que je désire s’effectue sur le fond d’une analyse de données calculables impressionnante qui change absolument tout à ce que peut signifier « choisir », « vouloir » ou « être libre ». Dés lors, la source même du droit naturel et du droit tout court selon Kant, à savoir cette loi morale qui me permettrait de savoir ce qu’il faut faire en toute occasion n’est plus tout à fait aussi détectable, fiable, envisageable qu’à son époque. Quelque chose de notre utilisation du numérique et plus précisément de ce que l’on appelle les « Big Data » change du tout au tout notre relation fondamentale avec le droit.
 

3) L’exercice du droit dans les sociétés dites « de contrôle » - Michel Foucault

        C’est à Michel Foucault que l’on doit cette perspective de l’évolution des sociétés depuis le moyen-âge en occident selon laquelle trois étapes se succèdent:L
- Les sociétés de souveraineté (globalement du moyen âge au 18e siècle)
- Les sociétés disciplinaires (du 19e au 20e)
- Les sociétés de contrôle (maintenant)
        Dans les sociétés de souveraineté, pour reprendre les termes mêmes de Foucault, la justice du roi fait mourir et laisse vivre, c’est-à-dire qu’il existe bien des lois mais qu’elles sont relativement lâches dans l’administration de la vie quotidienne et s’appliquent avec une violence inouïe, très démonstrative dans la punition. Les individus sont un peu laissés à eux-mêmes tant qu’ils ne commettent pas certains crimes jugés très graves et dans ce cas, la justice s’applique sans discernement avec une violence aveugle.
       
  Les sociétés disciplinaires aspirent à contrôler la population en la rassemblant sur les lieux de travail, dans les institutions d’éducation, de punition. La ville se voit quadrillée en espaces clos, chacun d’eux étant voué à une activité: « c’est là que l’on est éduqué, là que l’on est soigné, c’est là qu’on vieillit (hospice), etc.) A bien des titres, c’est l’inverse des sociétés  de souveraineté: faire vivre et laisser mourir. La justice cadre les habitudes de vie, les contraint et la justice est un peu moins expéditive, mais pas moins répressive. Napoléon peut se concevoir comme le champion des sociétés disciplinaires (rédaction du code civil).
          
Gilles Deleuze reprend l’analyse de Foucault en insistant particulièrement sur la 3e étape, notamment parce que c’est, selon lui, celle que nous sommes en train de vivre. C’est du moins cette thèse qu’il défend dans une intervention qui eut lieu en 1987 à la FEMIS. Il n’est plus nécessaire de rassembler les gens pour contrôler une population, mais simplement de mettre en place des processus de contrôle des voies et les moyens de circulation, d’information, de consommation de communication. Ce qui est fascinant dans ce ce type de société, c’est le fait que la population est d’autant plus contrôlée et manipulée qu’elle se croit libre. Quoi de plus « pratique » que les autoroutes, que de pouvoir payer par carte bleue, que de commander par internet, que de faire partie d’un appareillage de suggestion d’achat qui vous fait désirer des produits avant même que vous n’en preniez conscience? Les sociétés de contrôle sont d’autant plus efficaces qu’elle ne nous apparaissent pas le moins du monde contraignantes.
         
Aujourd’hui, Antoinette Rouvroy, docteur en sciences juridiques reprend ces concepts de Michel Foucault et les met en perspective avec la gestion des Big Data. De quoi s’agit-il? Les « Big Data » désigne ce que l’on appelle les « Méta-Données », c’est-à-dire l’ensemble des données numériques produites par les technologies informatiques à des fins personnelles ou professionnelles. Pour être plus précis encore, cela concerne:
- Toutes les données d’entreprise (courriels documents, base de données, historiques, processeurs, etc.)
- Tout ce qui est enregistré par des capteurs sur les contenus publiés dans le web
- Toutes les transactions via le commerce électronique
- Tous les échanges sur les réseaux sociaux
- Toutes les données transmises par les objets connectées
- Toutes les données géo-localisées
          
Si nous essayons de nous représenter les domaines de notre vie qui sont en lien avec ces données, chacune et chacun de nous perçoit rapidement qu’il n’est rien de l’existence d’un individu en Europe ainsi que dans la plus grande partie du monde qui échappe aux processus de collection et de capture de ces données, lesquelles font ainsi facilement des recoupements entre des domaines d’activité, d’échanges et de vie très variés et dresse ainsi des « profils » qui sont autant de « cibles » dans le domaine de la vente, de la recherche d’emploi, de l’industrie des loisirs, etc.
        Posons nous simplement la question de la traçabilité des individus que nous sommes. Elle est aujourd’hui quasiment totale. Il est vraiment révélateur de s’interroger sur cette notion de « trace ». Sur quel support, sur quel milieu, sur quel fond l’existence d’un humain, d’un citoyen s’inscrit-elle, dans l’histoire? Autant il était encore possible au début du 20e siècle d’envisager la possibilité que l’existence d’un citoyen contiennent des éléments, des domaines indétectables aux institutions, aux organismes, aux opérateurs,  autant cette perspective est aujourd’hui impossible. Mais qu’est-ce que cela veut dire, au juste? Que le milieu dans lequel s’effectuent nos actions, nos pensées, nos désirs, nos décisions n’est plus celui de la réalité physique de la nature mais celui de la réalité virtuelle de la calculabilité. Antoinette Rouvroy ne développe pas du tout une énième critique du modernisme, elle réfléchit aux conséquences des big data sur l’exercice du droit, de la justice et en premier lieu sur la distinction entre le fait et le droit.
 
C'est tout pour aujourd'hui
A demain!

mercredi 27 mai 2020

Séance du 28/05/2020 CALM (Cours A La Maison) 1ere 3: 1h

 Bonjour à toutes et à tous,
  
Nous en étions à la notion de pharmakon, laquelle est évidemment liée, ne serait que par l'étymologie à ce que nous entendons aujourd'hui par "pharmacie", mais cependant qu'il importe de comprendre dans un autre sens que celui-ci, à moins de prêter une trés grande attention au fait que l'on ne vous vend jamais un médicament sans vous informer des éventuels effets secondaires, ce qui signifie bien que ce "médicament" n'a pas seulement des effets curatifs.


                  Par Pharmacologique, il faut entendre: « ambigu », c’est-à-dire susceptible d’être à la fois poison et remède. Ces deux concepts d’exosomatisation et de pharmakon sont vraiment les seuls à partir desquels quelque chose de l’ordre d’une différence vraie entre l’Homme et les animaux peut en effet être soutenu, et ce terme lui-même de « différence » peut s’entendre en deux sens: être différent et différer. C’est d‘ailleurs à cause de cette dualité que le philosophe Jacques Derrida (1930 - 2004) a inventé le terme « différance » (avec un a: attention, il faut toujours justifier cette orthographe sans quoi elle apparaît comme une faute). L’Homme est différent de l’animal parce qu’il est structurellement différant au sens où il « diffère ». Ce qu’il diffère, c’est-à-dire ce qu’il remet à plus tard, c’est justement son statut de créature « finie ». l’Homme est un être qui n’est pas doté de caractéristiques données (par Epiméthée) et de ce fait il n’a pas de « lieu d’être », il n’a pas de « milieu » naturel. Il crée des prothèses qui lui permettent de s’effectuer dans cette conquête d’un espace, ce terme d’espace désignant non seulement le lieu mais aussi l’espace au sens de Cosmos. Il est une créature sans lieu d’être et cela rejoint à certains égards l’énigmatique présence de la dalle, dans le film de S. Kubrick.  L’Homme est ce qui va se produire dans l’espace interstitiel qui le sépare de ce monolithe, mais les artefacts ou les pharmaka qu’ils créent et qui lui permettent de mener à bien cette « différance" sont toujours à double jeu, comme l’ordinateur HAL 9000 dans la mission se dirigeant vers Jupiter. 
  

        L’Homme ne cesse de se réaliser au fil de ses inventions (pharmaka) qui le font devenir sans cesse un autre. C’est précisément au fil de ses découvertes et de ses évolutions technologiques que l’anthropocène, c’est-à-dire d’une ère climatique totalement bouleversée par les implications écologiques de ce développement a succédé à l’holocène. Cette différence de la différance est donc à la fois ce qui explique que notre développement exosomatique soit aussi spectaculaire et problématique. Aucun autre animal n’est en situation d’avoir autant « honte de soi », précisément parce que l’utilisation des pharmaka se trouve constamment à la lisière du remède et du poison. C’est d’ailleurs ici l’une des explications possibles de double sens du pharmakon pour les grecs: bouc émissaire et médicament. Le pharmakon, c’est aussi cet animal traîné hors de la cité, censé porté tous ses maux et mis à mort dans un rite purificateur afin de soulager les malheurs dont la ville est victime. C’est comme s’il y avait nécessairement dans le développement de toute communauté humaine une sorte de reliquat d’ignominie collatérale à l’ampleur même de son développement, quelque chose à exorciser dans la violence de la discrimination, de l’exclusion puis finalement du sacrifice.
        il n’est pas indifférent non plus que ce sacrifice du pharmakon soit symbolique, c’est-à-dire représentatif, ce qui donne totalement raison à Georges Bataille: dans la représentation de l’animal quelque chose de l’homme sacrifie son animalité , s’en distingue, s’en détache par « la différance » mais le développement qui s’ouvre dans l’évolution technologique infinie de cette différance est aussi ce qui aujourd’hui, pour nous qui vivons l’anthropocène, alimente plus qu’à toute autre époque « la honte d’être un Homme »:
         
                  « Et la honte d’être un Homme nous ne l’éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Lévi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hantent les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous ne cessons de passer avec elle des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie. »
         
De fait, il y a une honte d’être un Homme alors qu’il n’existe pas de « honte d’être un chat ou un tigre ou une fourmi ». Et si l’on me demande ici « ce que je peux bien en savoir », au-delà même de cette absence visible de traces d’existence repentante au sein même des espèces animales, pourrait valoir étrangement l’absence totale de « raisons » d’avoir honte pour ces espèces, parce qu’il n’existe pas d’insecto-cène ou de reptilo-cène. Cette « honte d’être un Homme » dont Gilles Deleuze fait l’un des motifs les plus puissants de la philosophie et de l’art, c’est bien ce que nous vivons quotidiennement dans cette succession infamante de compromis honteux qui nous fait utiliser notre voiture pour faire 200 mètres, l’avion pour tel voyage d’affaires, acheter tel article sur amazon.com parce que c’est plus rapide, regarder telle série sur Netflix alors que nous n’ignorons pas, malgré toutes les fausses informations sur l’écologie de la « dématérialisation », les dommages écologiques considérables du streaming:
            
....SANS NETFLIX
         « C'est la vidéo à la demande - avec ses géants Netflix ou Amazon et bientôt Apple ou Disney - qui domine, représentant 34% du total (Shift Project). Traduction en équivalent tonnes de CO2: 102 millions, à peu près les émissions annuelles du Chili, pays qui accueille en décembre la grande conférence COP 25 sur le climat ! » - Article La Tribune
  
        Il convient de nous éloigner le plus possible de l’apparence moralisante d’un tel énoncé pour le saisir dans sa simplicité toute à la fois crue, irrécusable et désespérante: la honte est une condition d’existence fondamentalement Humaine. Il est impossible d’habiter cette condition sans secréter de la honte.
                            
           Ce sentiment sur lequel nous souhaiterions clore cette étude de la représentation de l’animal par l’Homme est au croisement de nombreuses références et perspectives très distinctes. Dans le mythe de Prométhée raconté par Platon dans la Protagoras, il faut rappeler que le récit ne s’arrête pas au vol de l’intelligence fabricatrice et du feu. Lorsque les espèces animales sont appelées à vivre, les dieux se rendent compte que l’espèce humaine ne parvient pas à survivre, malgré la puissance technique. Zeus décide donc de les gratifier d’une autre qualité divine: « la vergogne », c’est-à-dire la dignité, la pudeur, comme si le vol ne pouvait être profitable aux hommes qu’à condition qu’ils puissent également faire preuve de cette dignité, d’un minimum d’estime de soi. La technique est un pharmakon dans l’usage duquel il faut faire preuve de vergogne sans quoi elle s’assimile à un pur poison. A la diffusion de ce poison ne pourrait donc manquer de se mêler la conscience de n’avoir pas été à la hauteur du pharmakon et de manquer de vergogne, susciter donc cette honte d’être Homme que nous vivons quotidiennement aujourd’hui. La honte d’être un Homme , c’est aussi celle de faire partie d’une espèce en constante re-présentation, c’est-à-dire en décalage incessant avec le présent, avec la présentation d’un monde appréhendé dans l’instantanéité d’un pur moment de révélation pure et « donné ». La différance c’est aussi l’incapacité structurelle de l’être humain d’être « là », maintenant, par quoi deux sentiments nous caractérisent adéquatement: la fierté et la honte.
       
  Finalement le pharmakon a trois sens:
- Un remède
- Un poison
- Une victime expiatoire (un bouc émissaire)
        Nous disposons de tous les éléments nécessaires à la compréhension de cette « distinction », mais peut-être pourrions nous parler également de l’anomalie dans laquelle l’Homme consiste au sein de la nature. La pensée n’est pas le propre de l’Homme comme la moindre observation du monde animal suffit à la prouver avec évidence. Par contre, il semble bien qu’il n’existe pas de créature dont l’intelligence soit aussi exosomatique que l’être humain. Certains animaux utilisent certes des outils, voire échangent d’individu à individu telle pratique instrumentale mais cela ne donne jamais lieu à cette extériorisation des organes extérieurs, des prothèses que l’on voit proliférer et s’optimiser sans cesse dans les sociétés humaines. L’Homme est donc cet être dont le moment d’être tel ou tel est sans cesse différé en ce sens qu’il se constitue au fil de cette exosomatisation comme cet être dont le devenir n’est jamais figé mais se reconduit incessamment au fil de ces  artefacts qui sont finalement les organes de cette production exogène de soi. Ces artefacts sont des pharmaka (pharmakon au pluriel). L’écriture est un pharmakon dans la mesure où comme l’affirme Platon dans le Phèdre, elle peut aboutir à des conséquences néfastes comme l’oubli puisque elle consiste dans la trace de la pensée.
         
Mais, en même temps, et c’est bien ce qui explique finalement que Platon est un écrivain, c’est aussi ce qui ouvre la perspective d’une nouvelle forme de la pensée qui ne se concevrait qu’en tant que « pensée tracée ». L’écriture c’est finalement de la pensée exosomatisée  et il est possible de faire un bon usage de cette pensée là. Le pharmakon c’est un artefact dont non seulement on peut faire un bon et un mauvais usage mais aussi dont seule la bonne utilisation est à même de guérir la mauvaise, tout comme ces drogues thérapeutiques dont une erreur de dosage suffit à les faire basculer du côté de la toxicité.
        Cela signifie qu’à la différence des autres animaux, il est quelque chose du fait d’être Homme qui ne peut se réguler naturellement, qu’il est, comme l’explique le mythe de Prométhée à sa manière, une espèce dont le développement ne peut s’intégrer dans l’écosystème dans la mesure ou dotée d’un plus (le feu et la technique) elle court le risque d’osciller vers le moins. Pour le dire autrement, l’humanité est une condition dont le curseur se déplace sans cesse entre la possibilité d’être plus un dieu mais pour la même raison d’être moins qu’un animal. Aucune autre animal ne peut être davantage sujet de honte à ses propres yeux que l’Homme.
        Or, c’est exactement dans cette perspective que nous pouvons revisiter la représentation de l’animal par l’homme en prolongeant l’analyse de Georges Bataille par celle de Gilles Deleuze. Ce qui s’effectue par l’art c’est la tentative de neutralisation des effets toxiques du pharmakon par une exosomatisation « douce », gratuite, désintéressée. L’art c’est l’utilisation thérapeutique du pharmakon, c’est-à-dire de l’écriture, de l’inscription de soi par l’image, de la technologie qui essaie de compenser et finalement de guérir les conséquences nocives du pharmakon.
         
C’est aussi en ce sens que Jacques Derrida, jouant une nouvelle fois de l’effet d’homophonie, évoque cet efficience thérapeutique de la pensée qui consiste à panser la blessure toujours  ouverte du mauvais usage du pharmakon. La honte d’être un Homme, c’est ce qui nous incite à panser sans cesse cette blessure de ne pas pouvoir penser sans compromettre l’élan de la vie par cette pensée même. Quiconque serait sceptique par rapport à cette particularité humaine d’une pensée « pansante » devrait réfléchir à cette constante du contexte fautif de l’espèce humaine dans les mythologies et les religions (Le fruit défendu - Prométhée - etc.)
         
                Mais l’une des plus belles et des plus récentes expressions de cette « honte d’être homme », telle que Deleuze la concevait  est celle de Greta Thunberg dans son discours à l’ONU de septembre 2019. « Comment osez-vous? » signifie « comment pouvait vous rajouter à la honte  fondamentale, structurelle d’être un Homme le déni même de cette impudeur? » Comment pouvez-vous  faire semblant de vous ignorer au point de rajouter à la honte d’être Homme, la bêtise de ne pas la reconnaître, de ne pas la neutraliser par un autre usage des pharmaka, de ne pas la « panser » ?
  


C’est sur cette référence à Greta Thunberg que se termine ce chapitre consacré aux représentations de l’animal par l’homme. Nous reviendrons la semaine prochaine sur cette honte d’être un Homme et reprendrons le cheminement de pensée qui s’est peu à peu dessiné au fil de ce deuxième semestre portant sur les représentations du monde. (Programme HLP de première).
  
D’ici là, puisque nous approchons de la fin, n’hésitez pas à me contacter pour exprimer des remarques, des questions, des objections.

  



      Pour la semaine prochaine, je vous demande de formuler, avec vos propres mots, la définition du pharmakon en insistant bien sur ce qui, de cette notion, aide à comprendre la particularité de l’homme par rapport à l’animal.

Le temps est relatif - Zoé Arras

Inventez un scénario de politique fiction qui, à partir d’un événement vraiment incroyable, révèle quelque chose de vrai sur ce qu’est la  politique, sur ce qu'elle devrait être... ou pas, selon vous.
Le travail rendu par Zoé pour répondre à cette demande est tellement original, pertinent et impliqué qu'il aurait été dommage de ne pas le publier ici. Si vous pensez pouvoir le continuer, il mérite amplement une suite. Merci à vous!


Le temps est relatif.


An: 2299 - témoignage n°2789054329361 - NICKY ANDERSON - 98 ans 
 La terre est sèche, l’eau est amère, l’air est étouffant, le feu est dévorant. Notre si belle planète appelée autrefois la planète bleue n’est aujourd’hui plus qu’un amas de décombres et d’âmes errantes. Si les survivants sont encore nombreux ils ne sont plus les hommes et les femmes que nous avons pu connaître. Dépourvus de la moindre once de vie... ils sont morts de l’intérieur, dévorés par les remords et la faim. Les animaux ont disparu depuis maintenant plus de 80 ans. Les plantes ne poussent plus. Seuls quelques arbres parviennent à se tailler un chemin entre sécheresse et pénombre. Le soleil brille un peu moins de jours en jours. La fin est proche, arrivée bien plus tôt que prévue. La faute à qui ? 


An: 2257 - témoignage n°560894724 - CAMILLE ANDERSON - 21 ans
 
La nourriture se fait de plus en plus rare, le pétrole voit ses dernières réserves s’écouler et l’eau potable disparaît de jour en jour. Le temps des déplacements à cheval ou avec des engins sans moteurs est de nouveau à la mode. Il n’y est plus question de riches ou de pauvres depuis la crise économique de 2020 dû au virus nommé le covid-19 qui a décimé plus de la moitié de la population et fait perdre sa valeur à l’argent. L'humanité des gens est morte avec la monnaie. Dans les livres d’histoire on nous raconte qu’avant il y avait des forêts partout et de vastes étendues d’eau claire et potable, que tout le monde mangeait à sa faim et qu’il y avait même ce qu’ils appelaient « les grandes surfaces ». Ce qui nous paraît assez utopiste puisqu’en l’occurrence, aujourd’hui nous ne connaissons que poussière, béton et famine. L’ambition des Hommes d’avant va causer notre perte, et si ce n’est pas la faim qui nous fera nous entretuer, ce sera la part d’ombre et d’égoïsme qui s’éveille petit à petit en chacun de nous. Le gouvernement nous a complètement abandonné depuis que nos plantations ne poussent plus. Ils ont fui tel des lâches au moment où l’on avait le plus besoin de leaders. Nombreux sont les petits malins qui ont tenté de monter au pouvoir. Aujourd’hui c’est un groupe de rock de la jeunesse de ma mère qui s’est proclamé maître du monde. Je ne sais pas encore combien de temps nous allons pouvoir tenir dans des conditions pareilles... Je sais que les livres ne nous disent pas tout, l’air empeste le secret et les mensonges vieux d’au moins deux siècles. 



An: 2205 - témoignage n°896045 - VALERY ANDERSON - 42 ans - résistante 
On nous cache quelque chose, le gouvernement n’est pas honnête avec nous. Ils ont commencé à rationner l’eau, la nourriture ainsi que le pétrole. Soi-disant, que c’était une idée comme une autre qui a surgi de leur esprit du jour au lendemain. On nous ment depuis le début. Plus rien n’a de valeur, ni aucun sens. C’est à peine si j’avais de quoi nourrir mon fils unique de 6 ans. Et c’est pour dire, à cet âge la il ne mangeait pas beaucoup. Cela fait des années qu’ils nous promettent une terre verte ou plus personne ne connaîtrait ni faim ni soif. Le manque s’installe chez tout le monde. Les gens sont en colère, ils veulent des réponses à leurs questions. Et cela fait plus d’une génération que ça dure. Il y a trois mois de ça, des hommes vêtus de noir de la tête aux pieds ont fait une descente chez moi, prétextant qu’ils avaient découvert des traces de substances mauvaises pour la santé de mon fils. Ils m’ont alors demandé de quitter les lieux et de n’y revenir que deux jours plus tard. A mon retour toutes traces de ma mère et de mon pères avaient été réduites en cendres dans l’arrière-cour de la maison. C’était comme s’ils n’avaient jamais existé. Je n’ai pas laissé passer et j’en ai fait les frais. Quand j’ai averti tout le monde sur mon blog de ce qui s’était passé chez moi. A nouveau, des hommes vêtus de noir sont apparus sur le pas de ma porte. L’un m’a plaqué au mur m’empêchant de bouger et de hurler et l’autre est entré, a attrapé mon fils à la taille, lui a passé une cagoule sur la tête et depuis, je ne l’ai jamais revu... J’ai alors commencé à monter un groupe résistant contre ce gouvernement qui nous ment, qui change toutes les deux semaines. Notre monde est instable, si nous n’avons plus de leader nous sommes perdus, les Hommes deviendront des animaux et la loi du plus fort s’instaurera. Mais nos petites révoltes, trop minimes pour provoquer une émeute, ont couté la vie à grand nombre des adeptes aux idées que nous propagions et cela ne va pas tarder à m’ôter la mienne. 

An: 2164 - témoignage n°746825 - OTIS ANDERSON - 37 ans - enquêteur

 Je ne sais pas si quelqu’un lira un jour cette lettre mais s’il jamais elle tombe entre de mauvaises mains je suis un homme mort. Valérie, ma fille chérie, je sais qu’au moment où j’écris tu es encore dans le ventre de ta mère mais si jamais un jour tu lis cette lettre sache que nous n’avons pas eu le choix. Le gouvernement n’est plus ce qu’il était, il n’est aujourd’hui composé que d’idéalistes aux idées surréalistes. Ils ont mené leur projet à bien. Leur idée au début était de sauver le monde d’un terrible astéroïde qui allait frapper la planète terre en l’an 2050. Mais ce n’était qu’un terrible mensonge qui leur a servi de bouclier durant des années. La vérité est qu’ils avaient depuis le début, prévu de ne sauv
mort de
Legou                                     dé ts
A cause de mes découvertes je me vois retirer mon pass d’enquêteur. Reste sur tes gardes ma fille, ton papa qui t’aime. 



An: 2119 - témoignage n°683271 - JACK ANDERSON - 76 ans - policier
 Durant toute ma carrière de policier, je n’ai jamais été dirigé par une seule femme. Et voilà que Madeline Danoiser s’est vue attribuer le titre de présidente. Le plus impressionnant, je crois et jamais vu dans l’histoire, c’est qu’elle ne gouverne pas un pays mais qu’elle dirige le monde tout entier à elle seule. Cette femme est remarquable. Elle a instauré ce que l’on nommerait « dictature », mais ce mot est pessimiste et toujours vu d’un mauvais œil. Notre présidente a simplement pris le monde en charge avec pour seule personne aux commandes, elle-même. Au moment où le peuple avait le plus besoin de leaders et que les présidents ne faisaient plus l’affaire. Cette femme au tempérament impitoyable mais d’une justesse imprenable, s’est emparée de ce qui s’appelle pouvoir et a remis les choses à leurs justes places. Dans son discours d’arrivée, elle déclare qu’elle ne sait que trop bien que les hommes qui se trouvaient à sa place auparavant n’ont rien fait pour maintenir la confiance que le peuple leurs accordait. De plus elle ajoute qu’elle est prête à faire de nombreux sacrifices pour rendre justice et équité dans le monde. Elle aura gouverné durant six belles années de paix et d’harmonie entre les pays qui étaient au bord de la faillite. Mais un groupe de machos se pensant supérieurs, a décidé de réunir tous les machos aux quatre coins du monde, délivrant des mensonges comme une boîte à conneries et tous ont orchestré son assassinat. Madeline Danoiser est morte assassinée le 7 août 2170. En honneur à sa mémoire j’ajouterai que tout de même, c’est lorsque le monde est au plus bas, que les femmes savent être les plus fortes et qu’elles savent encore, plus que naturellement chez elle, faire abstraction de leur façon de penser et de leur propre intérêt pour servir l’intérêt commun. La politique n’est plus ce qu’elle était et cette idée me réjouit. J’espère sincèrement que nombreuses seront encore les femmes qui monteront au pouvoir et qui nous montreront la voix de la sagesse et de l’équité que nous hommes, imbus de nous-mêmes avons tant cherché à effacer nous pensant plus forts alors qu’en vérité nous sommes plus faibles de par notre égo démesuré. 


An: 2084- témoignage n°5672 - AMÉLIE ANDERSON - 37 ans - chercheuse 
La terre est sur le point de mourir, les annonces des scientifiques sur l’extinction du soleil sont fausses. Il ne nous reste plus beaucoup de temps à vivre. Le président a donc pris la décision d’envoyer un groupe d’astronautes qualifiés pour nous trouver un monde meilleur. Aucun d’entre eux n’est jamais revenu et leurs vaisseaux n’émettent plus aucun signal. Nous avons alors entrepris la construction d'un écosystème mécanique capable de transporter la somme d’un 1 million de personnes sur une durée de 10 000 générations. Pour cela nous devons faire d’énormes réserves de nourriture et d’eau. De plus pour parvenir à décoller nous devrons puiser l’énergie de la moitié des êtres humains de là planètes. Pour ne pas alerter la population nous avons dû faire preuve d’ingéniosité en camouflant l’origine de la mort de toutes ces personnes. Nous avons donc simulé, il y a quelques années de ça, l’arrivée d’un soi-disant virus. Plus tard dans les livres d’histoire ils ne parleront que de ce fameux virus qui a stoppé le monde. Toutes les personnes étant décédés étaient préalablement choisies par mes soins pour permettre à l’humanité de survivre. Sans le savoir, ils ont été des héros pour l’humanité. J’ai décidé de ne pas partir avec eux et de poursuivre les recherches sur la date précise de l’extinction du soleil. Je ne suis pas un ange. Mais ce qui est fait est fait. 



An: 2021 - témoignage n°1 - NAYLLIE ANDERSON - 23 ans - journaliste

 Nous sommes le 17 novembre 2019 lorsque nous apprenons la propagation imminente d’un virus apparu Chine. Celui-ci s’avérerait être mortel pour certains d’entre nous et non pour d’autres. Les morts ne font que commencer et les chiffres augmentent très rapidement. Les corps sont dits brûlée pour éviter toute propagation. Mais de nombreuses familles alertent sur les réseaux disant que les corps disparaissent. Certaines personnes indiquent qu’elles n’ont jamais pu revoir certains membres de leurs familles. Le nombre de disparus s’élèverait au total à près de trois milliards dans le monde entier alors que la somme de tous les pays rassemblerait au total 702 347 morts. Des émeutes éclatent. Ce sont d’abord les journalistes trop intéressés qui sont exterminés par leur propre gouvernement. Ensuite de nombreuses mises à mort sont lancées dans le monde entier. Les chasseurs de primes réapparaissent. Tous les journalistes sont mis à mort, parce que certains d’entre eux n’auraient pas respecté les droits d’autrui. Mais est ce pour autant juste de mettre tout le monde dans le même sac ? Par la suite les premiers professeurs à avoir été décimés, sont ceux dont les mandats d’arrêts invoquaient le fait qu’ils avaient compris comment fonctionnait la relation entre êtres humains et qu’il prônait, de façon éhontée l’égalité entre élèves et profs. Ceux-ci étaient devenus trop à l’écoute et menaçaient de modifier la hiérarchie scolaire. Le monde n’était plus ce qu’il était et ce qu’il fallait savoir était mort avec les profs. En effet cela fait bien longtemps que le gouvernement nous dupe sur ses intentions, ce ne sont plus de simples affamés au pouvoir qui sont à la tête des pays mais de véritables tyrans aux idées dévastatrices dans la petite chose qui leur sert de cerveau. Les grands scientifiques sauf quelques élus choisis, pas par hasard, ont eux aussi été décimés. Puis est venu le tour des historiens, des archéologues et de toutes les professions touchant de loin ou de près un rapport avec le passé. En effet, qui dit lien avec le passé et le savoir, dit aussi vérité sur le monde connu à ce jour. Et si les tyrans actuels veulent faire disparaître notre monde et son histoire, le meilleur moyen est de tuer, quel qu’en soit le prix.

An: 10817 - témoignage n°1bis@# - ROBIN MARCAS - 262 ans - chercheur terrestre
 
Premier carnet de témoignage humain retrouvé. L’histoire va de nouveau pouvoir être écrite.