mercredi 17 septembre 2014

Méthodologie de la dissertation - 2



    3)    Le Plan

La nécessité de « faire un plan » ne doit pas nous paralyser et surtout cela ne doit pas figer le mouvement de réflexion qui a été lancé par la compréhension du problème. Personne ne peut écrire une bonne dissertation en suivant simplement des consignes du type : « des arguments pour le oui tu trouveras, des arguments pour le non tu trouveras, une synthèse tu rédigeras, etc. » Il importe vraiment de nous détacher totalement de cette façon de concevoir un plan. Laissons-nous plutôt porter par la pente naturelle et problématique d’une question. Si nous avons choisi ce sujet, c’est que nous avons bien vu qu’il était possible de répondre oui et non. Nous avons commencé de mettre au brouillon quelques idées et chacune d’elle se situe nécessairement d’un côté ou de l’autre.
Il convient alors de les relire et de se demander comment nous pourrions formuler de façon générale la position qu’elles défendent. Notre correcteur n’appréciera pas du tout que nous écrivions des phrases de transition du type : « Maintenant que nous avons vu la partie : « Oui » nous allons voir la partie « Non ». Pourquoi ? Parce que, si vous écrivez des phrases de ce type, cela veut dire que vous vous moquez totalement du fond de la question que l’on vous pose et que vous appliquez aveuglément une méthodologie. Une dissertation est comme un vol que nous ne pouvons jamais accomplir sur « pilote automatique ». Il nous  faut prendre les commandes et nous confronter à cette question là.
Ainsi, par exemple, nous réalisons bien que vérité et bonheur constitue deux perfections, deux idéaux, deux modalités de recherche : l’une existentielle : le bonheur, l’autre plus « formelle », plus conceptuelle, la vérité. Le bonheur exprime un sentiment de paix, d’équilibre, de sérénité, de sécurité. La vérité est le plus souvent une affirmation, un jugement, un résultat dont il nous faut « convenir ». Le sujet nous interroge donc sur la question de savoir si dans toute recherche, dans toute démarche née d’un esprit de curiosité, d’une « quête », ne vient pas un moment où notre sérénité, notre bien-être ne justifierait pas que nous arrêtions de chercher la vérité. 

Il existe des possibilités de satisfaction qui s’appuient sur de l’ignorance. Œdipe aurait peut-être mieux fait de ne pas vouloir savoir pourquoi la peste sévit à Thèbes. Lorsque Créon revenant de l’oracle de Delphes lui répondra que les dieux sont fâchés par la mort de Laïos, il a tort de lancer l’enquête sur son meurtrier puisque c’est lui-même. D’un autre côté, nous savons bien que notre désir de vérité est intense, vivace et qu’il est plausible qu’aucune tranquillité ne puisse vraiment nous rendre heureux si elle n’est pas fondée sur la vérité. C’est la vérité insupportable qui incitera Œdipe à se crever les yeux et à finir sa vie en mendiant sur les routes, mais aurait-il pu vivre en paix s’il n’avait pas connu le fin mot de cette histoire, s’il ne s’était pas connu lui-même, parricide et incestueux ?
Ce qui se met en place peu à peu dans notre esprit ce sont des rapprochements de termes,  de notions : bonheur / tranquillité / sécurité / stabilité / certitude et Vérité / Exactitude / Savoir / Intégrité / Certitude. Nous voyons des oppositions se formuler et un esprit de contradiction s’affûter peu à peu. Il n’est pas question de résoudre mais d’explorer de la complexité et d’exprimer clairement l’esprit de ces contradictions. Dans un premier temps, nous envisageons donc ce qui nous semble le plus évident mais c’est en même temps ce dont nous savons déjà que nous contredirons la thèse.

Il est important d’approfondir constamment, de nourrir le sentiment d’une progression, d’une subtilité de plus en plus marquée. C’est un travail de précision qui part d’oppositions simples voire caricaturales pour petit à petit formuler des nuances de plus en plus fines. Une dissertation de philosophie se constitue le plus souvent de trois parties. Que faisons nous dans la troisième ? Si nous allons en effet de plus en plus loin dans cette remontée à contre-courant qui va du sujet au problème nous allons nous rapprocher du présupposé de la question (ici le fait que la vérité et le bonheur ne sont pas compatibles). Mais est-ce vraiment le cas ? Si nous avons affiné peu à peu les deux notions principales du sujet, peut-être nous sommes nous rendus compte que cette incompatibilité était contestable. Pourquoi ? Si le bonheur consiste à vivre l’instant présent (Carpe diem), comment cette expérience pourrait-elle se concevoir sans être aussi celle d’un moment de vérité. Ces instants de lucidité ne sont-ils pas aussi des moments de grâce ? Une nouvelle dimension du sujet s’ouvre alors qui touche plus directement le présupposé de la question.
Ce type de plan est appelé dialectique. Il existe aussi un autre genre de plan appelé progressif. Il consiste à définir différents sens possibles de la question posée, à les énoncer et à les traiter successivement en partant du plus simple au plus compliqué.

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