mercredi 11 septembre 2019

La critique du "Cogito ergo sum" par Friedrich Nietzsche (1844 - 1900)

«Si j'analyse le processus qu'exprime la proposition “je pense”, j'obtiens toute une série d'affirmations téméraires qu'il est difficile, peut-être impossible de fonder ; par exemple que c'est moi qui pense, qu'il faut qu'il y ait un quelque chose qui pense, que la pensée est le résultat de l'activité d'un être conçu comme cause, qu'il y a un “je”, enfin que ce qu'il faut entendre par pensée est une donnée déjà bien établie, — que je sais ce qu'est penser. (...)
       
En ce qui concerne la superstition du logicien, je ne me lasserai pas de souligner un petit fait bref que ces superstitieux répugnent à avouer, à savoir qu'une pensée vient quand elle veut, et non quand “je” veux ; c'est donc falsifier les faits que de dire : le sujet “je” est la condition du prédicat (1) “pense”. Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit précisément l'antique et fameux “je”, ce n'est à tout le moins qu'une supposition, une allégation, ce n'est surtout pas une “certitude immédiate”. Enfin, c'est déjà trop dire que d'avancer qu'il y a quelque chose qui pense ; déjà ce “quelque chose” comporte une interprétation du processus et ne fait pas partie du processus lui-même. On déduit ici, selon la routine grammaticale : “penser est une action, or toute action suppose un sujet agissant, donc..." (...) peut-être les logiciens eux aussi s'habitueront-ils un jour à se passer de ce petit “quelque chose”, qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux “moi”.»
                                                              Nietzsche, Par delà le bien et le mal.

(1) Prédicat: propriété qui peut être affirmée d'un sujet

Questions:
1) En quelques mots, que démontre le raisonnement de Descartes?
2) Distinguez les trois parties du texte en formulant pour chacune d'elles en quoi consiste la critique de l'auteur
3) Reprenez les 5 affirmations téméraires de Descartes selon Nietzsche. Faut-il les accepter selon vous? Pourquoi?
4) Peut-on dire qu' "il" pense comme on dit qu'il pleut ou qu'il neige? Qu'est ce que cela supposerait ? Pourrait-on concevoir une société qui admettrait ce caractère impersonnel du "il pense"?
5) Que veut dire Nietzsche quand il évoque "la routine grammaticale"?
6) La langue nous permet-elle d'exprimer la réalité? Pourquoi?
7) Vous considérez-vous comme l'auteur (e) de vos pensées? Justifiez

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