lundi 10 février 2020

Explication de texte

« Le moi ne devient lui-même l’objet du « regard »  intérieur que quand il réussit à se saisir de cette manière dans le miroir de sa propre expression. Car toute extériorisation des simples états du moi s’accompagne maintenant d’une nouvelle manière de les entendre, d’une certaine façon de les percevoir et d’y « prêter l’oreille ». Et cette manière d’écouter conduit peu à peu à une forme d’« obéissance » très éloignée de la simple soumission, de l’assujettissement inconditionnel à l’émotion. L’émotion, dans la mesure où elle apprend à s’exprimer et à s’apercevoir par cette expression, perd la force de contrainte immédiate et brutale qu’elle exerçait sur le moi. Alors apparaît, en un sens non seulement théorique, mais pratique, cette orientation vers la « réflexion » que Herder, dans son essai sur l’origine du langage, regarde comme le facteur intellectuel décisif de toute création verbale. L’organisation vocale et verbale de l’émotion empêche son explosion prématurée et purement motrice ainsi que l’abandon sans limite et sans résistance à son impulsion. Le développement du langage met de mieux en mieux en lumière ce résultat fondamental. Tous les observateurs du parler enfantin sont d’accord sur le fait que les premières impressions verbales de l’enfant sont très éloignées de cette sorte de représentation « objective » (…) Elles restent exclusivement dans le cercle des états propres du moi auxquelles elle donnent, en quelque manière, issue en dehors en les manifestant par la voix. Mais dans la mesure où le véritable langage se réveille chez l’enfant, quand « la conscience symbolique » qui le caractérise se fait jour, elle fait aussi tomber l’écorce de la pure émotivité. Sa domination absolue et despotique est désormais brisée. Elle ne peut plus régner sans restriction; mais, d’une façon toujours plus claire et toujours plus consciente, certaines forces intellectuelles antagonistes entrent en action contre elle sur le même plan (…) Ainsi l’homme acquiert avec le langage non seulement un nouveau pouvoir sur les choses, sur la réalité objective, mais encore un nouveau pouvoir sur lui-même. »



Sujet 2:  Expliquer le texte suivant extrait de « vérité et mensonge au sens extra moral » de Friedrich Nietzsche (1873)

         « Repensons particulièrement au problème de  la formation des concepts. Chaque mot devient immédiatement un concept par le fait que, justement, il ne doit pas servir comme souvenir pour l’expérience originelle, unique et complètement singulière à laquelle il doit sa naissance, mais qu’il doit s’adapter également à d’innombrables cas plus ou moins semblables, autrement dit, en toute rigueur, jamais absolument identiques, donc à une multitude de cas différents. Tout concept naît de l’identification à du non-identique. Aussi sûr que jamais une feuille n’est entièrement identique à une autre feuille, aussi sûrement  le concept de feuille est-il formé par abandon délibéré de ces différences individuelles, par oubli du distinctif, et il éveille alors la représentation, comme s’il y avait dans la nature, en dehors des feuilles quelque chose comme « la feuille », une sorte de forme originelle sur le modèle de quoi toutes les feuilles seraient tissées, dessinées, mesurées, colorées, frisées, peintes, mais par des mains inexpertes au point qu’aucun exemplaire correct et fiable n’en serait tombé comme la transposition fidèle de la forme originelle. Nous appelons un homme « honnête »; nous demandons « pourquoi a-t-il agi honnêtement aujourd’hui? » Nous répondons habituellement: « en raison de son honnêteté ». L’honnêteté! Autant répéter que la feuille est la cause des feuilles. Mais nous ne savons absolument rien sur une qualité essentielle qui s’appellerait « l’honnêteté », nous n’avons affaire qu’à un grand nombre d’actions individualisées et par conséquent dissemblables, que nous assimilons par abandon de la dissemblance et désignons dorénavant comme des actions honnêtes; en fin de compte nous extrayons d’elles la formule d’une qualitas occultas portant le nom de « l’honnêteté ». L’omission de l’élément individuel et réel nous fournit le concept, comme elle nous donne aussi la forme, tandis que la nature, au contraire, ne connaît ni formes ni concepts, et donc, pas non plus de genres, mais seulement un X qui reste pour nous inaccessible et indéfinissable. Car notre opposition entre individu et genre est elle aussi anthropomorphique et ne provient  pas de l’essence des choses, même si nous ne nous risquons pas non plus à dire qu’elle ne lui correspond pas: ce serait en effet une affirmation dogmatique et, comme telle, tout aussi indémontrable que son contraire. »
La connaissance de la doctrine des auteurs n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.  

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