samedi 11 juin 2022

Terminales 2/4/5/6: Y-a-t-il un art d'être heureux?


 Dans l’optique de l’épreuve qui se rapproche, il faut travailler des sujets, évaluer sa capacité à voir le problème et à faire un plan.  Toute l’ambiguïté de celui-ci se situe finalement sur le terme d’« art », sur les ambiguïtés de son sens. Le terme de bonheur n’est pas évident non plus mais nous avons récemment traité sa difficulté et notamment tout ce que l’étymologie permettait à son endroit d’élucider. C’est un terme qu’il est opportun de découper: bon heur, bonne incidence, de bon augure. Etre heureux ne désigne pas la même chose qu’être joyeux ou qu’être sujet au plaisir. Il y a dans le bonheur une notion d’heureuse « coïncidence », le bonheur qualifie l’état de celui pour qui tout tombe « bien » ou à pic. Le bonheur n’est pas la récompense de celui qui le mérite. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut avoir parce qu’on a tout fait pour le posséder. D’ailleurs ce n’est pas une possession, une acquisition, c’est plus une condition que l’on « est » qu’une chose que « l’on « a ». Il y a donc bel et bien quelque chose à faire de soi, sur soi pour être heureux mais cela ne semble pas aussi simple qu’un moyen qu’il suffirait de mettre en oeuvre pour parvenir à cette fin: être heureux.

Se produit alors un sorte d’écho ente l’ambiguïté sémantique du mot « art » et celui de « bonheur » car « art » est également un terme plurivoque. Le mot tekhnè en grec (origine du mot art) s’appliquait aussi bien à l’activité de l’artisan qu’à celle de l’artiste sans désigner spécifiquement l’une ou l’autre. La tekhnè désigne l’acte de faire venir l’être au jour dans un mouvement de révélation d’aléthéia. Il y dans cette étymologie là une profondeur de perspective qu’il faut garder en tête mais peut-être pas révéler trop tôt tant elle est « géniale » (coïncider avec ce que l’on est dans l’instant même où cela « est »: si c’était ça le bonheur?) . 

En fait, le terme d’art désigne en son sens le plus commun: « façon », mode d’emploi, de telle sorte que le sujet devient: y-a-t-il un mode d’emploi du bonheur? Et évidemment la réponse sera « non ». Mais on trouve aussi dans le sens commun un autre sens du mot art: « tu as l’art de te sortir de toutes les situations, etc » C’est plus ambigu ici: on désigne une sorte de savoir faire propre à quelqu’un, une façon d’être mais beaucoup moins impersonnelle qu’un mode d’emploi. L’art désigne alors une « tournure », un style. « Avoir l’art de… » c’est disposer d’une sorte de don, ou d’intelligence, ou d’habileté qui est spécifique à une personne.  On dit souvent « tu as l’art et la manière ». Le terme se rapproche d’une sorte de génie, ou de capacité idiosyncrasique à trouver quasi miraculeusement dans une situation donnée le bon « angle », la juste incidence, la perspective adéquate autour de laquelle toutes les circonstances factuelles des évènements se redistribuent dans une conjoncture favorable. On appelle ça aussi faire tourner les choses en sa faveur. Cela ressemble à la virtù chez Machiavel, même si pour lui, cela n’a aucun rapport avec le bonheur. L’art désigne ici une forme d’ingéniosité, de génie d’adaptation, de composition avec des faits pourtant irrécusables mais abordés sous un certain angle.

Le sujet gagne ainsi en puissance. On peut aussi faire le lien avec l’art de vivre. Etre heureux, n’est-ce pas finalement ce qui définit la condition de celle ou de celui qui réalise que rien ne peut nous être favorable si nous ne travaillons à composer continuellement avec « ce qui est » en cessant de se lamenter par rapport à ce qui aurait du se prévoir. On n’est pas heureux si à chaque fois qu’il nous arrive quelque chose de défavorable, de non voulu, voire de contraignant, nous ne faisons que nous lamenter et conjuguer nos phrases au conditionnel: « j’aurais été heureux si ». Etre heureux,  c’est justement l’inverse, je suis heureux parce que j’ai l’art de composer avec les évènements qui constituent ma situation étant entendu que c’est celle-là et pas un autre. Chacune et chacun aura reconnu ici le stoïcisme et le rapport avec l’évènement. Contrairement à la première partie, dans ce sens du mot « art », la réponse à la question posée est « oui ». Il n’y a de bonheur que pour celles et ceux qui travaillent leur rapport à la vie au gré de leur certitude qu’il  existe un art de vivre.

Mais ce rapport à notre vie qui finalement consiste à la travailler comme une oeuvre, n’’st-ce pas justement la griffe de l’artiste , au sens d’auteur d’oeuvres d’art? Si être heureux suppose que l’on soit de quelque façon l’auteur de sa vie, celui qui transforme la matière première de nos expériences, de nos drames, de nos affects en cette « oeuvre » qu’est une existence humaine, sensée, belle, alors être heureux n’impliquerait-il pas que nous soyons été artiste: fait-il être un artiste pour être heureux? C’est la troisième partie et nous disposons désormais d’un plan:

  1. Existe-il un mode d’emploi du bonheur? (Ou le bonheur est-il une question de méthode?)

a- Distinction Plaisir/ Bonheur

b- Poiesis/ Praxis

c- Etymologie du bonheur (chance, hasard, improgrammable)

  1. Le bonheur est-il une affaire de doigté, de tact, de savoir-faire propre à une personne, en particulier. Le bonheur ne peut-il se réaliser qu’en tant que pratique idiosyncrasique? 

a- Une habileté, un « savoir faire », l’art de savoir faire avec ( Virtù)

b- Le stoïcisme 

c- les techniques d’existence chez Michel Foucault 

  1. Faut-il être un artiste pour être heureux?

a- Aléthéia: le dévoilement (effet de révélation: tekhnè en grec)

b- Montaigne et vivre à propos

c- Le kaïros (politique et art). Aristote: le bonheur entant qu’excellence de l’art d’être homme (ethos) ne peut se cultiver qu’au sein de la cité.

Conclusion: oui, il existe bien un art d’être heureux et il ne peut se concevoir que dans un rapport d’authenticité à soi, à sa condition humaine et à son ethos de citoyen politique.




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