Quoi de plus énervant que
de s’entendre conseiller de rester calme quand les épreuves décisives du
baccalauréat sont imminentes, qu’on a l’impression de ne pas avoir assez
révisé, que notre avenir professionnel va se jouer en deux semaines, que nos
copains, nos parents, nos professeurs ne nous parlent que de cela en longueur
de journées?
Il importe d’abord de
détruire, autant qu’on le peut, tout complexe de culpabilité à l’égard de ce
que l’on « aurait du faire ». Cela aboutit le plus souvent à a
tentative absurde et désespérée de parcourir le programme d’une année en deux
jours. En Philosophie, les correcteurs n’ont pas dans la tête un corrigé type
ou un profil idéal de candidat en fonction desquels ils étalonneraient les
copies soumises à leur évaluation. Ils sont principalement à l’affût d’une
« tournure d’esprit » propre à une manière spécifiquement
philosophique d’aborder les questions. Cette tournure d’esprit repose sur
l’idée selon laquelle il y a toujours une certaine grossièreté à se prononcer
rapidement, de façon épidermique, en faveur d’une réponse négative ou positive
sans avoir saisi la profondeur de la question. C’est l’exploration subtile et
surtout sans préjugés d’aucune sorte de cette profondeur qui finalement doit
constituer le corps même de la dissertation. Tout travail de philosophie est
l’occasion offerte de se remettre au clair avec soi-même dans la mesure où le
moindre moment de précipitation pendant lequel on est tenté de répondre, sans
examen ni argument, « Oui » ou « Non » est l’indice d’un
point de crispation, de contracture dans le muscle de notre pensée. Tout le
paradoxe de l’exercice se situe précisément dans ce travail pendant lequel la
réflexion doit dérouler sur un mode extrêmement vigilant, attentionné, contenu,
l’efficience d’une décontraction, du dépliement de tous les nœuds d’un
problème.
Comprendre cet aspect est
essentiel dans la mesure où cela permet de réaliser la disposition d’esprit
« contre-productive » dans laquelle se place tout candidat se
présentant à l’épreuve d’emblée « contracté de corps et d’esprit ». Il
s’agit de s’ouvrir à une question et surtout pas de se limiter à des réponses.
Mais l’ouverture d’esprit ne s’assimile en aucune façon un laisser aller, pas
plus qu’une inclination à la dérive ou au hors sujet. Elle a, au contraire,
tout d’une « résistance » car le « penchant » se situe
toujours plutôt du côté de la rapidité à trouver une réponse. Il faut beaucoup
travailler sur soi pour saisir le sujet dans la neutralité de son aplomb, dans
la simplicité presque naïve de son intitulé jusqu’à ce que l’on se sente
bousculé soi-même, désarçonné par la pesanteur de préjugés et d’apriori qui
nous apparaissent pour la première fois comme tels, et qui nous empêchaient
jusqu’alors de saisir le bien fondé de cette interrogation. On ne demande pas à
un candidat de l’épreuve de Philosophie d’être savant mais d’aimer la sagesse
et cette expression n’a rien à voir avec les arguties interminables de celui ou
celle qui « aime pinailler ». Il importe d’avoir l’esprit de
résistance et de justesse de l’amoureux pour saisir le point faible du
dialecticien qui ne saurait réfléchir au-delà de cette limite selon laquelle
une proposition est vraie ou fausse. Une dissertation de philosophie consiste
finalement dans l’exploration la plus subtile et la plus précise possible du
« tiers inclus ». « C’est vrai dit Nietzsche, et c’est aussi le
contraire »
Représentez-vous dans votre
entourage une personne pour laquelle tout est toujours « tout blanc ou
tout noir » (il serait étonnant que vous n’en trouviez pas car il en
existe beaucoup) et posez-vous la question de savoir si cette personne est
authentiquement animée d’un désir de connaître la vérité ou de l’envie de donner
aux autres l’impression qu’il la connaît. Il faut explorer les coutures du oui
et du non pour en percevoir la complexité, voire la nature confuse et
interchangeable et finalement réaliser que c’est justement parce que l’on veut vraiment savoir ce qu’il en est que l’on
s’attache ainsi à se contredire soi-même. Les choses sont très faciles pour les
personnes qui n’abordent l’existence que « de leur point de vue » de
la même façon que la vie est toute tracée pour les prisonniers de la matrice
qui ne souhaitent pas être libérés. Il y a quelque chose du doute de Néo
concernant la matrice qui constitue le fond d’une nature philosophique auquel
un correcteur du baccalauréat est nécessairement sensible.
Or, il est suggéré à
plusieurs reprises dans le film « Matrix » que finalement tous les
hommes savent qu’ils sont victimes d’une illusion, que leur vie se déroule de
façon un peu trop attendue et prévisible pour ne pas être programmée. Il ne
s’agit donc pas tant de détecter la tromperie que d’emprunter réellement le
chemin de la combattre. De ce point de vue, la matrice fonctionne comme toutes
les machines totalitaires dont l’humanité a déjà fait l’expérience. Un
adolescent allemand nourri au sein des Jeunesses Hitlériennes ne pouvait pas
non plus tout-à-fait ignorer aussi profond que soit son conditionnement, et
finalement à cause de lui, qu’il était conditionné. De nos jours, en France,
quel est le visage de cette machine ? Ce n’est plus un visage politique
mais un mode de vie économique. L’adolescent « sympa », lecteur MP3 vissé
dans les oreilles, casquette Nike assorti à ses baskets, qui va manger une
frite au Mac Do, ne peut, pas davantage ignorer qu’il est en train de suivre le
mouvement d’une image-type et que ce mouvement va dans le sens d’une logique de
sur-consommation. La pression de cette logique est suffisamment forte pour
gratifier chacun de nous du potentiel de libération d’un Néo.
L’année de Philosophie en
général et le dernier sujet de la dernière épreuve en particulier peuvent être
appréhendés comme l’occasion offerte au lycéen de mûrir le choix des deux
pilules et plus encore de réaliser qu’il ne regrette pas d’avoir avalé la
rouge. Cela signifie aussi qu’il a, sans hésitation, penché en faveur de cette
exploration de la complexification du Réel. Si la vraie vie est un labyrinthe,
il n’est pas étonnant qu’un exercice de recherche du vrai comme l’est une
dissertation de Philosophie se rapproche d’un travail incessant de dépassement
de cette alternative caricaturale du « Oui ou Non ».
Une fois bien compris ce
qu’est un travail de philosophie, reste à assimiler la méthode. Or celle-ci ne
requiert finalement qu’une seule qualité : « l’habitude ». Ce qu’il faut travailler dans ces
quelques jours avant l’épreuve, c’est simplement mais totalement
cela : « l’habitude de traiter des sujets et des textes ».
Il convient de noyer l’épreuve dans une routine de sujets abordés,
problématisés, structurés en plans, de textes lus, disséqués, analysés au gré
des articulations qui s’agencent autour leur idée essentielle. Tout(e) candidat(e) parvenant à réduire voire annuler
son anxiété dans l’exercice paisible et routinier du traitement de sujets et de
textes multiplie ces chances de succès par deux, au moins. Les notes acquises
pendant l’année ne comptent plus, surtout si elles sont mauvaises. Seule,
l’aptitude à réaliser maintenant un
travail de contraction d’habitude, d’analyse et de traitement de sujets et de
textes est à prendre en considération, à mettre en œuvre. Notre réflexion
trouve d’autant plus facilement les mots justes qu’elle a été habituée les
jours précédant l’épreuve à les chercher. C’est pourquoi un travail de
formulation est indispensable, indépendamment de la nature du sujet en lui-même
(il ne s’agit pas de deviner le sujet qui va tomber mais de s’habituer à les traiter
tous, dans ce qu’ils ont de philosophique). Comprimer des blocs
d’habitude : c’est peut-être l’essence même de toute existence biologique
qui se résume en ces termes. On ne voit pas bien à quel titre une épreuve du
baccalauréat proposée à des humains échapperait à la vérité simple, neutre et
biotique d’un rouleau compresseur opérationnel dans la totalité du vivant.
Bonjour monsieur, n'ayant plus vottre adresse electronique je vous laisse un message sur votre blog. Je pense que d'avoir quelque nouvelle doit vous faire plaisir. Bon pour le bac je n'ai pas fait des lumieres surtout en littéraire haha aucune note supérieur à 10 j'ai eu 8 en philo bon ce n'est pas miraculeux mais bon j ai quand même eu une mention assez bien les matieres scientifique m'ont plutot bien aidé. La rentré ce faisant toute proche et que je vais aller en prepa la philo me suit! Le thėme de cette année est surment l'amour d'apres ce que j'ai pus en lire des livres, Phèdre de Platon, Marivaux Les Fausses Confidences et Romance sans paroles de Verlaine. Sur ce je vous souhaite une bonne rentrée!
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