dimanche 5 novembre 2017

Le travail - Cours (1)


Introduction : travail et divertissement
Qu’est-ce que « travailler » ? Pensons à cette réplique courante émise par le travailleur, lors d’une pause, quand il lui faut retourner exercer son métier : « Bon, c’est pas tout ça, je travaille, moi.» Assurément, il y a dans cette expression un sentiment mêlé fait à la fois de contrainte : « je n’ai pas le choix », mais tout aussi bien de fierté : « j’ai quelque chose à faire ». De fait, le travail nous permet de gagner un statut, d’assumer une charge par le biais de laquelle nous pouvons nous définir aux yeux de nos semblables. Avoir un travail, c’est jouir d’être un rouage au sein d’un mécanisme, participer à quelque chose de plus grand que nous, se faire reconnaître des autres « pièces » comme composant avec elle un « tout ». Il y a dans le travail, quelque chose que l’on pourrait comparer à la fonction d’un organe dans la totalité d’un corps vivant.

Etre reconnu comme travailleur, comme « employé » (il faut vraiment réfléchir au sens littéral de ce terme : nous sommes « employés », c’est-à-dire que nous ne sommes pas un outil abandonné qui ne ferait qu’être « là », sans être utilisé. Etre un employé, cela signifie précisément faire l’objet d’un « usage »), c’est donner à son existence une signification qui dépasse du cadre d’une présence verticale, gratuite, donnée. Le travail est un « divertissement » au sens que Pascal donne à ce terme, c’est-à-dire qu’il nous permet d’échapper à la perspective de la vacuité, de l’absurdité de notre présence, de notre surgissement dans l’existence. Nous ne savons pas bien ce que nous faisons là, mais le fait d’avoir un travail nous permet de placer ce sentiment de vide au second plan, voire de l’oublier en nous donnant quelque chose à faire et quelqu’un à être :
       « Mais quand j’ai pensé de plus près et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près.
Quelque condition qu’on se figure, où l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde. Et cependant, qu’on s’en imagine accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S’il est sans divertissement et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point. Il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la mort et des maladies, qui sont inévitables. De sorte que s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit.
De là vient que le jeu et la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si recherchés. Ce n’est pas qu’il y ait en effet du bonheur, ni qu’on s’imagine que la vraie béatitude soit d’avoir l’argent qu’on peut gagner au jeu ou dans le lièvre qu’on court, on n’en voudrait pas s’il était offert. Ce n’est pas cet usage mol et paisible et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition qu’on recherche ni les dangers de la guerre ni la peine des emplois, mais c’est le tracas qui nous détourne d’y penser et nous divertit. »                                                                       Pascal - « Pensées »
L’idée de Pascal est simple : le pire qui puisse nous arriver est l’oisiveté parce qu’en elle nous sommes confrontés à la réalité stricte de notre condition. Nous sommes « jetés » dans le monde, sans explication, ni force, ni certitude de survivre à la seconde que nous vivons. Avoir du travail, c’est jouir de la possibilité de nous occuper, de nous divertir, au sens littéral du terme, c’est-à-dire de nous détourner de la réalisation brutale de notre situation authentique. Moi dont la vie est fondamentalement absurde d’un point de vue existentiel, philosophique, je me vois avec plaisir impliqué dans une modalité d’existence cadrée, avec un horaire, une fonction, une mission, un salaire, etc. Même un roi tomberait en dépression profonde si le divertissement de la chasse, des charges inhérentes à l’exercice de son autorité ne le divertissait pas de la pensée de sa condition humaine, fragile, absurde.
On aurait tort de ne pas réfléchir à cette pensée de Pascal car il suffit de se représenter notre comportement dans toute situation de promiscuité avec nos semblables, que ce soit dans une fête, dans une cour de récréation, dans une salle à un moment de pause pour se rendre compte que la personne qui ne fait qu’être là, assise ou debout sans « faire quelque chose » est souvent l’objet de moquerie, de marginalisation ou de pitié, plus ou moins explicites. Il faut qu’on fume une cigarette, qu’on boive un café, qu’on tapote sur son IPhone. L’inactivité est le crime absolu, la marque du raté, du pauvre type qui n’a pas d’amis, pas de travail, pas de portable, pas de reconnaissance, pas d’argent. C’est comme si tout dans notre existence sociale avait pour finalité de pointer du doigt le fait pur et simple de notre existence et de le réduire à néant : il ne suffit pas d’exister encore faut-il « optimiser » cette donnée dans un « processus », dans une vie sociale dense, rentable et reconnue. Que fais-tu là, toi qui es (là) ?
Pourtant, il faut bien reconnaître que ce "diktat" de l'occupation à tout crin, cette stigmatisation par l'opinion de l'inactivité, du désoeuvrement, cette glorification du travail (pour reprendre les termes mêmes de Friedrich Nietzsche) a ses limites car si, comme le dit Pascal, le travail nous permettait d'échapper à l'angoisse d'une existence absurde, nous ne pourrions pas expliquer qu'il se manifeste aujourd'hui dans le cadre même du travail salarié du "non sens" absolu. La plupart des travailleurs ne trouve dans l'exercice de leur métier aucune justification de leur existence. C'est même le contraire: ils se rendent à leur travail comme on sacrifierait à un rite sans en comprendre le moins du monde le but authentique. Quelqu'un "dans les hautes sphères" sait pourquoi nous travaillons mais nous, les "employés" nous contentons d'attendre notre salaire, lequel constitue la seule et unique motivation de notre activité. Même lorsque le choix de notre carrière a été influencé par une vocation, par un désir véritable, c'est comme si certaines conditions imposées par la pratique effective de cette activité quotidienne finissaient par lui faire perdre le coeur de cette motivation. Est-ce par le travail que nous donnons du sens à notre existence ou à cause de lui qu’il nous est impossible de lui en assigner un ? Que gagnons-nous à travailler ? La possibilité (absurde) de survivre, ou cela même qui donne sens et cohérence au fait de notre existence ?

1)    Les différents sens de la notion et le « propre » du travail humain

Si nous pensons à tous les sens que revêt le terme de travail dans la langue française, nous réalisons qu’il désigne d’abord notre métier, l’activité qui nous assure un salaire. Le travail, c’est ce que l’on fait pour gagner sa vie. C’est une tâche qui nous définit, en ce sens qu’elle désigne l’action à laquelle on revient inlassablement, pour laquelle nous sommes reconnus aux yeux des autres comme détenteur d’un savoir faire, laquelle justifie une rétribution. Ce travail là a donc une connotation sociale, extérieure, en ce sens qu’elle délimite une sorte de place et de statut dans une réalité sociale qui nous dépasse en tant qu’individu. Rien ne nous empêche d’avoir choisi aussi ce travail pour des raisons qui nous sont propres, mais cela ne contredit pas l’acception extérieure, sociale du « métier ». Nous pouvons donc parler ici de l’acception sociale et économique du terme. C’est celle qui nous vient en premier.
L’importance de cette dimension nous fait souvent oublier que le travail est d’abord un phénomène humain, c’est-à-dire qu’il correspond à une certaine attitude que l’homme a adoptée face au monde. Ce comportement consiste à transformer les éléments naturels pour en faire des outils ou des environnements humanisés.
"Je pose en principe un fait peu contestable : que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L'homme parallèlement se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apportait pas de réserve. Il est nécessaire encore d'accorder que les deux négations, que, d'une part, l'homme fait du monde donné et, d'autre part, de sa propre animalité, sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une mutation morale. Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme."
                                                                             Georges Bataille
Le travail c’est cette activité par le biais de laquelle nous transformons un « donné » (par cet terme, il faut entendre une réalité innée, posée « comme ça » : un paysage naturel, une réalité qui aurait été laissée « telle que », sans que rien ne soit changé. Selon Bataille, le propre de l’homme consiste justement à imposer systématiquement de l’artificiel de telle sorte que rien ne demeure dans son état naturel.
L’être humain ne déforme pas seulement à son profit la nature qui l’entoure mais aussi celle qui le constitue, lui, en tant qu’être vivant régi par certains instincts. L’activité technique et l’éducation suivent donc des voies identiques et parallèles, la première dans la nature, la seconde dans l’être humain lui-même qui, en même temps que progressera l’œuvre de dressage et de domestication de nos pulsions primitives deviendra de plus en plus civilisé. En d’autres termes, il y a l’action de travailler par le biais de laquelle nous constituons hors de nous un milieu qui nous correspond sans cesse davantage, et l’Education par le biais de laquelle nous ne cessons de contrarier en nous les attitudes naturelles. Georges Bataille ne se risque pas à prendre parti dans la question de savoir laquelle de ces deux transformations est la cause de l’autre : est-ce parce que nous travaillons que nous sommes de plus en plus civilisés, ou au contraire, parce que nous nous éduquons que nous travaillons et transformons la nature. Il se contente de poser qu’il y a là selon lui, un trait spécifiquement humain : le Travail et l’Education, les deux visant à donner naissance en nous et hors de nous à de l’humain. Nous pouvons donc parler ici de la dimension humaine du Travail.
Mais il existe aussi un troisième sens qui vient moins rapidement à l’esprit, celle d’un processus impersonnel et inconscient par le biais duquel des changements s’opèrent de façon insensible et lente. On parle ainsi d’une pensée qui secrètement nous « travaille » ou des fibres de bois qui travaillent et contreviennent à l’ouverture d’une porte ou d’une fenêtre. Il existe dans les maternités les salles dites de « travail » dans lesquelles le corps de la  la femme enceinte se rapproche peu à peu des conditions favorables à la libération et à la venue au monde du nourrisson. Le travail ne désigne plus du tout ici une activité volontaire ou sociale, pas même une pratique qui serait spécifiquement humaine. Il existe une propension des choses, un dynamisme latent sur le fond duquel les situations se font et se défont. Quoi que je fasse en mon nom, je le fais toujours sur le fond d’un devenir, d’un mouvement : celui de forces constamment en présence dans l’univers et sur la base desquelles se constituent incessamment « une nouvelle donne » de l’univers. On pourrait parler du temps mais l’utilisation de ce terme pourrait s’avérer piégeuse tant il n’est pas question ici de ce temps des horloges, c’est-à-dire de cette division que la mesure impose à la durée des phénomènes. Il s’agit plutôt de ce mouvement qui, au sein des phénomènes, fait constamment advenir des phénomènes comme changements. Pour le dire simplement, nous pourrions distinguer le travail que nous faisons et celui sur la base duquel nous nous faisons et nous défaisons, incessant mouvement de renouvellement et de perte de nos cellules par le biais duquel vivre est incessamment mourir et renaître. Il est alors question d’une dimension impersonnelle et cosmique du travail. (Qui perçoit ce travail là ? L’artiste)

Nous réalisons ainsi qu’il existe, pour le moins, trois définitions distinctes de la notion de travail
1-    L’activité salariée (dimension sociale et économique)
2-    La culture au double sens de technique et éducation (transformer ce qui est donné, le naturel pour en faire du construit, le culturel.
3-    Dynamisme impersonnel, biologique et cosmique

Lorsque Pascal évoque le travail ou la chasse ou la guerre comme des divertissements, il suggère finalement que nous nous impliquons dans la première pour éviter de nous confronter à l’éventuelle absurdité de la troisième. Il y a en effet un travail qui ne cesse de creuser en nous le sillon impersonnel et inexorable de notre mortalité. Si nous ne produisons rien de notre vivant, le vivant, lui, ne se lassera jamais de donner prise en nous à ce travail de renouvellement et de destruction au fil duquel nous ne sommes jamais le même qu’avant. Travailler, c’est finalement œuvrer pour que ma vie donne lieu à un autre ouvrage que celui de la mort, laquelle clandestinement mais inexorablement travaille en moi. Mais cette opposition n’est-elle pas un peu simpliste ? N’est-ce pas finalement sur la dialectique qu’elle établit que s’est instaurée, via l’argent, l’absurdité d’une existence que nous gagnons à la perdre, c’est-à-dire d’une vie que nous devons maintenir à tout prix, fût-ce celui de notre ennui à exercer des activités répétitives et aliénantes (travail à la chaîne, bullshit jobs, etc.)

Dans la Genèse, la malédiction qui frappe Adam après qu’il eut mangé le fruit correspond précisément à l’articulation de cette troisième dimension, celle de la perte et de la mortalité avec la première. Adam et Eve se sont exclus, par leur geste, de la possibilité de jouir des fruits de l’arbre de qui qui leur aurait assuré l’immortalité et Adam s’est alors condamné au travail laborieux tandis qu’Eve est contrainte d’enfanter dans la douleur (le travail de l’accouchement). Peut-être le fond de la question est-il de savoir si la deuxième dimension évoquée, celle d’un travail par le biais duquel notre humanité se constitue et se réalise nous permettrait de sortir de tout ce que l’articulation de la troisième et de la première peut recéler d’absurdité, sachant que c’est bel et bien à cette détestation d’une activité aliénante à laquelle nous sommes asservis qui aujourd’hui, socialement et économiquement triomphe.

Nous retrouvons chez Platon et Aristote, une distinction entre trois genres d’activité qui résume parfaitement le regard porté par l’antiquité grecque sur le travail :
- La Theoria désigne le travail intellectuel qui permet à l’homme de contempler les Idées générales au-delà de la multiplicité du sensible. C’est elle qui nous permet de réfléchir et de comprendre les lois qui organisent la nature et l’Univers
- La Praxis définit toute activité qui est à elle-même sa propre finalité, sans production d’objets. Mener une action morale ou politique constitue bel et bien un geste, un acte concret aboutissant à une amélioration de la vie du citoyen dans la cité, ou à un bien évident, une action vertueuse.
- La poiesis signifie l’acte de fabrication d’un objet utile ou d’une œuvre d’art. Cette activité ne manifeste, selon les Grecs, aucune puissance novatrice (l’artiste se contentant d’imiter la nature). L’esclave peut la mener à bien puisque elle ne fait s’appuyer sur les lois de la nature sans les comprendre. Le menuisier travaille la solidité du bois, étant entendu qu’il est naturel au bois d’être solide et le statuaire modèle des corps humains sachant que c’est la nature qui a produit le corps humain. De ces trois activités seules les deux premières manifestent une liberté et sont réservées aux citoyens, la troisième peut être réalisée par les esclaves. Le travail manuel est donc discrédité, dans la mesure où il doit se soumettre aux qualités imposées par la matière ou par la volonté de celui qui commande la fabrication d’un objet pour jouir de son usage. Le fabriquant (poiesis) est « un moyen ». il ne réalise pas une activité qui contiendrait en elle-même sa finalité (cette considération nous semblerait aujourd’hui très difficilement défendable pour l’artiste). C’est la raison pour laquelle elle peut être exercée par des esclaves : « Si les navettes (métiers à tisser) marchaient toutes seules, nous n’aurions plus besoin d’esclaves. » dit Aristote.

On mesure ainsi, dans cette division, que, seules, la praxis et la theoria sont susceptibles de revêtir un sens et de donner à celui qui les pratique le statut d’homme libre accomplissant un acte productif, intellectuellement utile et bénéfique aussi bien à lui-même qu’à ses concitoyens. Déjà, dans l’Antiquité quelque chose de la liberté de l’homme se joue dans le travail, selon qu’il y accomplisse un acte qui est à lui-même sa propre finalité ou un objet utile aux autres, un moyen. Aussi éloignée que soit la poiesis du travail à la chaîne, on mesure bien dans les chaînes de montage des usines d’aujourd’hui tout ce qu’elles impliquent quant au renversement total de perspective qui déjà se joue dans la différence instituée par les grecs de l’antiquité entre le travail utile à l’homme (finalité) et l’homme utile au travail (moyen).
Mais il reste à trancher cette question de savoir si le travail est le propre de l’homme :
"Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature. L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté".

                                                                  Karl Marx,  Le capital (1867)

« Le travail, en sciences sociales, se définit comme la mobilisation par les individus de leur subjectivité – leur intelligence, leur sensibilité, tout ce qu’ils mettent en œuvre et qui vient d’eux – pour accomplir une tâche qu’on leur a demandée », indique Sébastien Mouret. Le travail ne consiste donc pas seulement à obéir à des ordres : il faut la collaboration de l’individu. Or les observations menées par les chercheurs ces dernières années montrent clairement que les tâches accomplies par l’animal ne sont pas le seul produit d’un conditionnement ou de l’exercice d’une autorité. « C’est assez évident pour les chiens guides d’aveugle, qui doivent en permanence confronter ce qu’ils ont appris à la multitude de situations auxquelles ils font face. Évoluer dans une foule, signaler un objet, contourner un obstacle…, n’a rien de mécanique, explique Sébastien Mouret. Chaque situation est unique et demande l’exercice d’une véritable intelligence pratique, quitte à aller parfois à l’encontre de ce que souhaite la personne non-voyante elle-même ! »
Les cornacs laissent une grande part d’autonomie aux éléphants, qui effectuent les tâches à leur manière. Le cas des éléphants utilisés pour le débardage dans les forêts du nord-est de l’Inde est à cet égard éclairant. « Les cornacs laissent une grande part d’autonomie à leurs éléphants, qui effectuent les tâches à leur rythme et, surtout, à leur manière », relate Nicolas Lainé, ethnologue au Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France, qui a longuement observé ces moments de collaboration. « L’éléphant traîne les troncs à travers plusieurs kilomètres de forêt sans personne sur son dos pour le guider. Au moment du chargement, il choisit l’ordre dans lequel il saisit les cylindres de bois posés au sol et les dépose les uns après les autres dans la remorque sans aucune directive du cornac », raconte le chercheur, toujours surpris par la minutie avec laquelle les pachydermes alignent les troncs comme autant d’allumettes dans une boîte.
Plus étonnant : ces éléphants n’ont pas été dressés à cela, ce sont leurs congénères qui leur ont appris les ficelles du « métier ». « Les années qu’ils passent au village après leur capture dans la forêt servent surtout à socialiser les animaux et à les intégrer à la communauté des hommes. Ce n’est que lorsqu’ils atteignent l’âge adulte et accompagnent les autres éléphants adultes en forêt qu’ils commencent leur apprentissage par imitation », indique le chercheur.
Autre élément clé du travail animal : la motivation. Si les hommes peuvent tirer une satisfaction de la complexité de la tâche qu’ils viennent d’effectuer, ou de la position que cette tâche leur confère dans la société, les motivations de l’animal sont tout autres selon les chercheurs : « Le vrai moteur, c’est l’affection que l’animal porte à la personne avec laquelle il travaille », affirment-ils en chœur. « Certains ont un lien tellement fort avec l’humain en question qu’ils ne peuvent travailler qu’au service d’une seule et même personne, raconte Sébastien Mouret. C’est notamment le cas des chiens d’aveugle. »
Très liée à la motivation, la reconnaissance donnée à l’animal est elle aussi fondamentale et va au-delà de la simple récompense alimentaire. « Ce qui compte pour l’animal, c’est qui la donne et comment il la donne », commente Sébastien Mouret. « Au Laos, les éléphants sont ramenés au village après cinq jours de travail dans la forêt, pour éviter qu’ils ne s’épuisent. À leur retour, ils reçoivent un “baci” de la part des villageois, une cérémonie pour remercier l’éléphant de son aide et restaurer les forces vitales qui assurent le bien-être de l’animal », témoigne Nicolas Lainé.
Encore émergente, la question du travail animal est loin d’avoir été épuisée par les chercheurs. Mais elle pose d’ores et déjà de vrais défis à nos sociétés. Considérer qu’il y a un travail animal soulève en effet la question du statut de l’animal et de ses droits. « S’il y a un temps du travail, alors il faut aménager un temps du hors-travail », estime Jocelyne Porcher. Certains le font déjà : les chiens d’aveugle ont droit à des pauses régulières, au cours desquelles on leur enlève leur « brassard » de travail, et à une retraite bien méritée dans une nouvelle famille à la fin de leur carrière. Mais quid des parcs animaliers et autres « marinelands » ? Quid des animaux de cinéma, soumis aux cadences toujours plus intenses d’un secteur en crise ? « Les animaux y sont souvent utilisés au-delà de la fatigue », affirment les chercheurs, qui n’hésitent pas à faire un lien entre souffrance animale et souffrance humaine au travail : bien souvent, l’une ne va pas sans l’autre.
« La question du travail animal est un bon outil pour penser de façon plus large la place des animaux dans nos sociétés, estime Jocelyne Porcher. Elle permet aussi d’opposer des arguments aux mouvements qui réclament aujourd’hui la disparition pure et simple de tous les animaux de la société – animaux de compagnie compris – pour cause d’exploitation par l’homme. Voir l’animal comme un partenaire de l’homme jette une autre lumière sur cette question. »
                                                          Laure Cailloce, journaliste scientifique (CNRS)

2)    Travail et aliénation

a)    Le troc, la monnaie et la Chrématistique (Aristote)

Dans cette question consistant à déterminer s’il existe ou pas du travail animal, nous avons pu constater que l’un des points les plus problématiques résultait de l’obligation de lier le travail et le Droit. Si l’animal travaille, alors il faut bien considérer qu’il a des Droits et qu’une charte du travail devrait s’appliquer aux conditions de son activité comme pour n’importe quel autre travailleur humain. C’est comme si le travail désignait l’une des « entrées » possibles de notre condition, avec tout cela implique de très problématique à l’égard des animaux : comment établir une charte du travail pour des êtres dont la constitution et l’existence ne sont pas à nos yeux « transparentes ».


Ce qu’il nous faudrait établir de façon certaine, c’est précisément cette notion de collaboration et d’autonomie que l’article du CNRS prête aux chiens d’aveugles et aux éléphants embauchés dans la déforestation du nord est de l’Inde. Le travail suppose la maîtrise de soi dans le geste et dans la finalité. Le chien  a compris qu’il devait guider la personne non-voyante dans la foule et il accomplit dans ce but des mouvements qui parfois vont à l’encontre des directives de son maître parce que ce dernier ne réalise pas la situation. Nous réalisons ainsi par contraste tout ce que l’on pourrait définir comme travail aliéné : c’est le travail qui est exécuté dans la méconnaissance complète de ce que l’on fait et du projet global dans lequel ce travail s’insinue, bref exactement ce que l’ouvrier accomplit sans le savoir oeuvrant au sein d’une chaîne de montage dont il n’est que l’un des nombreux maillons. Cela signifie que l’être humain a inventé des formes de travail (comme le taylorisme) dans lesquelles il lui est vraiment impossible de « travailler », au vrai sens de ce terme. Il y fait moins preuve d’initiative que l’éléphant ou le chien d’aveugle. Lorsque la tâche de l’ouvrier est limitée à une intervention purement mécanique, à une simple activité de liaison entre les deux moments d’un agencement programmé par un mécanisme qui lui échappe, il ne travaille pas, il « exécute ».


 « L’aliénation du travailleur, dit le philosophe Gilbert Simondon, se traduit par la rupture entre le savoir technique et l’exercice des conditions d’utilisation. Cette rupture est si accusée que dans un grand nombre d’usines modernes la fonction de régleur est strictement distincte de celle d’utilisateur de la machine, c’est-à-dire d’ouvrier, et qu’il est interdit aux ouvriers de régler eux-mêmes leur propre machine. Or, l’activité de réglage est celle qui prolonge le plus naturellement la fonction d’invention et de construction, le réglage est une invention perpétuée, quoique limitée. »

En d’autres termes, il y a le régleur qui comprend la machine et l’ouvrier qui l’utilise sans la comprendre. Les conditions de production d’objets vendus en série imposent des modalités de fabrication qui rendent impossibles « le travail ». Ce n’est donc pas le travail qui aliène l’homme mais les modalités de ce que l’on appelle « le marché de l’offre et de la demande » au sein d’une économie dite d’abondance. Pour comprendre l’origine authentique de cette aliénation, il nous faut réaliser cela même qui a provoqué l’aliénation du travail (en tant que Praxis), et sortir de ce lieu commun aussi faux que répandu selon lequel l’ouvrier serait aliéné par le travail. Nous ne pourrons pas voir clair dans cette aliénation tant que nous ne distinguerons pas l’exercice d’un métier (soumis aux exigences d’un certain mode de consommation) et l’effectuation du travail (exercice maîtrisé d’un effort par le  biais duquel l’homme accomplit son essence, ou, pour le moins, quelque chose de lui-même). Ce qui crée l’aliénation du travailleur, c’est précisément l’assimilation du travail au seul travail salarié. Que toute peine, ou pour le dire mieux, que toute libération d’énergie dans le cadre d’une activité socialement et économiquement régulée, « mérite salaire » ne signifie aucunement que cet effort s’effectue exclusivement sur ce terrain là, soit celui de sa conversion en comptant d’unités, de monnaie. Ce n’est pas parce que l’on peut monnayer cet effort qu’il se définit exclusivement par cette aptitude à être monnayable. Tout travail désigne d’abord matériellement la libération d’une énergie humaine dans le monde et ce n’est que dans un second  temps que la question de l’échange du produit entre les hommes se pose. Tout se passe comme si ce second temps était parvenu à étouffer le premier aussi bien dans le cadre de l’évolution sociale et historique du travail (montée du secteur  tertiaire au détriment du secteur primaire) que dans la conscience des travailleurs eux-mêmes.



C’est sans aucun doute par une analyse des rapports que nous entretenons avec les objets de consommation qu’il nous faut passer pour mener à bien cette explication. C’est bien ce que fait Aristote, l’un des premiers philosophes à avoir réfléchi sur l’échange et sur la monnaie, dans ce texte :

Tout objet revêt ce que nous pouvons appeler une valeur d’usage et une valeur d’échange. La première désigne ce à quoi il sert, la deuxième la valeur de ce contre quoi nous pourrions l’échanger. La valeur d’usage d’une paire de chaussures est d’être chaussée, sa valeur d’échange peut être de la nourriture, ou tel autre objet contre lequel nous la cédons. C’est de cette façon qu’est apparue dans l’humanité, la notion de troc, d’échange d’objets contre des objets. Le troc en lui-même n’est pas du tout condamnable, bien au contraire. Comment compenser, sans lui les inégalités naturelles au gré desquelles telle population située ici possède ce dont telle autre située ici est privée ? Le troc doit son existence aux aléas géographiques des ressources naturelles et aux déséquilibres qu’elles engendrent.


C’est à ce moment là du raisonnement qu’il convient de faire la différence entre l’économie et la chrématistique ou plus encore entre une forme de chrématistique nécessaire et une chrématistique commerciale (c’est finalement la chrématistique en elle-même). Tant que l’échange de biens se maintient dans la limite de cette nécessité naturelle consistant à donner à tout le monde ce dont il a besoin au vu des manques inhérents à sa situation géographique, il n’y a aucun problème. On pourrait parler ici d’une chrématistique naturelle dans la mesure où il s’agit bien d’acquérir des biens mais seulement en vue d’une bonne gestion de sa maison (Oîkos). Il n’est pas question d’amasser des richesses simplement pour elles-mêmes. On se situe alors dans l’économie, c’est-à-dire dans la bonne gestion (nomos : la règle) d’un groupe, de sa famille (Oîkos).
L’invention de la monnaie est à la fois la conséquence logique du troc et le facteur le plus déterminant de la chrématistique dans tout ce que cette pratique va contenir et impliquer de sournois et de déstabilisant dans les échanges de biens de consommation, à savoir le désir d’accumuler des richesses sans limites, pour elles-mêmes (c’est finalement une forme de spéculation). Très vite, en effet, la nécessité d’utiliser un principe d’équivalence et de substitution des biens (tant d’argent contre tant de biens) se fit sentir, à la fois pour réguler et rationnaliser la pratique même de l’échange (une échelle commune pour mesurer la valeur de tous les biens) et pour se détacher une fois pour toutes de toutes les difficultés inhérentes à la transaction de biens matériels (ne plus avoir à transporter les biens échangeables).
Comment sommes-nous passés du troc à la chrématistique, c’est-à-dire à la pratique de l’accumulation de la richesse pour elle-même, indépendamment des besoins (pratique condamnable pour Aristote) ? Nous sommes bel et bien forcés de répondre : «  par la monnaie » tout en réalisant qu’il existe un usage raisonnable de la monnaie possible, celui qui se maintiendrait dans la limite posée par la nécessité première d’où naquit le troc. Tout vient du fait que le désir d’être riche est favorisé par l’abstraction (la soustraction de sa présence physique) du bien matériel, soit cela même que rend possible la monnaie, mais cette dernière en tant que principe symbolique de régulation et d’équivalence des biens échangés se révèle en même temps logique voire irremplaçable dans le développement de la notion même de commerce.

Comment, au sein même d’une pratique humaine légitimée par la nécessité naturelle d’assurer à tous, les jouissances des mêmes biens et de corriger les inégalités naturelles, a pu se constituer cette sorte de « bulle », de cercle vicieux, autocentré et individualiste de la chrématistique ? C’est la question fondamentale à laquelle Aristote tente ici de répondre et nous percevons bien tout ce qu’elle recèle d’éclairant pour la compréhension des rouages qui fonctionnent (ou tournent à vide) au sein de notre société d’aujourd’hui, dans laquelle les réflexes individualistes conditionnent la plupart de nos attitudes. « C’est seulement dans la mesure où le faut qu’on en vînt à pratiquer le troc. » L’action de commercer, c’est-à-dire d’échanger s’est imposée d’elle-même : chacun donne ce qu’il a en échange de ce qu’il n’a pas. La nature a pourvu à la plupart de nos besoins (autarcie naturelle) mais il convient de perfectionner son œuvre et de pallier à ses insuffisances. C’est à cela que le troc s’est employé.
Pourtant, c’est à cause du troc, usage que nous pourrions qualifier d’attitude humaine naturelle que la chrématistique s’est peu à peu insinuée dans les échanges de biens et de services entre les hommes, détruisant totalement par là même, l’équité de cette activité. Quand les échanges se développèrent suffisamment pour toucher les contrées lointaines et les populations étrangères, le passage du troc à la monnaie s’imposa (là aussi naturellement) aux cités et aux pays. Comment emporter avec toi la contrepartie matérielle des biens que nous souhaitons nous approprier quand elle est volumineuse ou pesante ? La monnaie permet d’aller directement voir le producteur et d’acheter l’équivalent en monnaie de ce que l’on acquiert. On peut alors éventuellement payer des navigateurs ou des charretiers pour qu’ils transportent la marchandise dans le pays d’où l’on vient.
C’est exactement dans ce passage, que l’on pourrait qualifier d’obligé, entre le troc et la monnaie que la chrématistique commerciale a pris corps sous la forme d’un profit constituable au sein même de la seule pratique de l’échange de monnaie. Cet intermédiaire de l’argent ne s’impose plus comme une médiation entre deux personnes ayant chacune besoin de choses différentes, mais entre un producteur et un acheteur, lequel peut revendre la marchandise achetée à un prix supérieur à celui de son acquisition. Il se fait ainsi un bénéfice qui ne vient pas d’un travail supplémentaire dans la production du bien mais simplement dans l’échange de biens. La monnaie permet de convertir c’est-à-dire d’abstraire le rapport de l’homme à la marchandise, lequel n’a plus à s’incarner matériellement dans la présence de l’un à l’autre. Tant d’argent « symbolise » tant de blé ou de vin. Ce qui favorise la souplesse et la rapidité de l’échange brouille et falsifie l’autarcie naturelle visée originellement par la transaction. On peut acquérir en monnaie plus que ce dont on a besoin en « nature ». 
C’est là que s’articule la notion « d’excès », d’excèdent, de « plus », de « sur » (surproduction, surtravail, surexploitation, etc : autant de termes qui vont transformer et pervertir la notion même d’économie). Le travail qu’accomplit le paysan en cultivant la terre acquiert par la monnaie une « valeur » qui vient moins de la nature et de la quantité de ses efforts que du processus de conversion qui va s’instaurer au cours du processus de l’échange. Nous comprenons mieux ainsi la distinction d’où Aristote est parti : la valeur d’échange va prendre le pas sur la valeur d’usage. C’est comme si l’action d’acquérir une chose n’induisait plus le besoin que nous en avons mais le désir de l’échanger déjà contre une autre chose et d’y gagner. L’échange est en lui-même producteur de richesses, de puissance symbolique (car l’argent est en lui-même un symbole)


Il importe de bien situer le texte d’Aristote sur la chrématistique dans le mouvement du cours : nous avons vu qu’il n’était pas possible de soutenir l’idée selon laquelle le travail, au second sens du terme envisagé, à savoir l’effort de l’homme pour transformer la nature, pour « produire hors de soi quelque chose de soi » (initiative et assomption), aliène l’être humain. Dans toutes sortes de travaux, y compris celle de certains animaux « embauchés » par l’homme pour accomplir des travaux utiles aux hommes, il existe toujours une prise d’initiative du travailleur, un accomplissement de soi, une affirmation de son existence, d’un sens.
Mais alors comment expliquer que nous ayons inventé des formes de soi-disant « travail » au sein desquels ces caractéristiques sont rigoureusement impossibles (taylorisme, parcellisation des tâches, non-sens de la répétition, etc.) ? Il serait impossible de rendre compte de cette aliénation de l’homme au sein même de l’activité dont la pratique constitue la clé même de sa condition (2001, Odyssée de l’espace) sans chercher l‘élément perturbateur qui a falsifié le rapport interactif de réalisation de soi que l’homme entretient avec le monde. Travailler, c’est agir librement dans la nature et sur elle de telle sorte que cette transformation agisse réciproquement sur nous-même (Karl Marx). Qu’est-ce qui s’est insinué dans l’efficience de cette interaction ?
Ce n’est pas le commerce, au sens strict du terme, mais au contraire ce processus tout à fait particulier et paradoxal d’accumulation de richesses qui, dans un système d’échanges commerciaux, crée plus de richesses. Pour le dire en d’autres termes, c’est le fait que l’acte de capitaliser des biens crée plus de biens, du bénéfice, sans pour autant que le bénéficiaire ait produit quoi que ce soit. Dans l’échange de marchandises, l’homme va intercaler un processus d’auto-engendrement de la valeur, à savoir non seulement le fait que la valeur d’échange d’un produit primera sur sa valeur d’usage, mais aussi qu’au sein de cette valeur d’échange des produits mis en vente, certaines « opérations » rendront effective la possibilité d’une marge bénéficiaire, laquelle engendrera d’autres bénéfices, et ainsi de suite, de façon exponentielle. Il faut se représenter un système au sein duquel le fait qu’un objet soit échangé crée plus de richesse que le fait qu’il ait été produit. Pour saisir l’absurdité d’un tel processus, il suffit de faire remarquer que rien ne saurait être échangé sans être d’abord réalisé. C’est bel et bien pourtant dans un tel système que nous vivons.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Comment l’aune d’un processus d’évaluation et de mesure a-t-elle donné lieu à une telle démesure ? C’est exactement ce qu’Aristote décrit dans ce texte, sans savoir qu’il pointait finalement du doigt la structure même de la systématique du libre-échange telle qu’elle fonctionne aujourd’hui dans ce que nous appelons « le mondialisme ». 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire